Youssouf Z Coulibaly, président de la Commission Administration du CNT, à propos de la loi électorale et du délai de la Transition : «C’est au peuple d’en juger…À mon entendement, le pays est plus important qu’un chronogramme»

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Sur la table du CNT, il y a juste une semaine, le projet de révision de la loi électorale suscite des débats en prélude à son adoption. Chacun y va de sa supputation et de ses interprétations sur les points qui devront faire l’objet de retouches. Tandis que certains soupçonnent des manœuvres pour lever les verrous de l’accès de la magistrature suprême à certaines personnalités dont le président de la Transition de briguer, le président de la Commission du CNT en charge de l’administration Territoriale, Youssouf Z Coulibaly, estime que les modifications à la loi électorale se justifient par le besoin de prendre en compte des aspects nouveaux. C’était au cours d’une interview qu’il a bien voulu accorder à notre rédaction. Lisez-plutôt.

 

Le Témoin : juste après la mise en place de l’équipe dirigeante du CNT, vous avez annoncé des réformes majeures dans nos colonnes. Qu’en est-il deux années après ?

 

Youssouf Z Coulibaly : Toutes les lois envoyées au Conseil National de Transition en termes de réformes, ont été fouillées, toilettées avant d’être adoptées. Nous avons adopté beaucoup de textes liés aux réformes. Et qui sont des avancées majeures par rapport aux objectifs que nous-nous sommes fixés avant la fin de la transition.

 

Le Témoin : A moins d’une année après son passage, la loi électorale est à nouveau sur la table du CNT pour révision. Pour d’aucuns, l’objectif est de lever les verrous au profit de certaines personnalités clés de Transition inéligible à la présidentielle. Qu’en pensez-vous ?

 

Youssouf Z Coulibaly : Elle n’a pas encore été adoptée. Nous n’avons pas terminé les travaux préliminaires. Les textes se suivent. Après le vote de chaque loi, il faut tenir compte des textes antérieurs pour éviter les contradictions entre les dispositions. Les dispositions appelées à être modifiées sont par exemple le vote électronique, qui est une recommandation de certains mais qui, malheureusement, n’était pas prise en charge. Une réforme majeure vient de passer et qui n’était pas à l’ordre du jour au moment où cette loi était adoptée. Il s’agit de la carte biométrique. Et qui dit biométrie dit électronique, qui permet d’identifier l’électeur à travers son empreinte biométrique, avec l’avantage que personne ne peut voter à la place de quelqu’un d’autre. Et le nombre des bulletins correspond au nombre de personnes qui ont mis leur doigt sur la machine. Le calcul est facile et réduit considérablement les tentatives de fraudes et éventuelles contestations. Autre aspect, nous venons de terminer le découpage. Il y a eu des nouvelles entités créées. Obligatoirement le nombre des élus va augmenter, alors que la loi électorale prévoyait déjà un nombre. Par exemple, le nombre de cercles a augmenté jusqu’à 159. Il faut apporter des modifications à la loi électorale pour prendre en compte ces nouveaux aspects. Mais les gens voient le fond et ne pensent qu’à certains articles surtout ceux qui touchent au délai et au chronogramme. C’est dans les débats qu’on va voir tout cela. À mon entendement le pays est plus important qu’un chronogramme.

 

Faut-il s’attendre à la levée des verrous de la charte pour certaines personnalités ?

 

Youssouf Z Coulibaly : Je ne saurais le dire. La charte est un document fondamental. Et pour la toucher il faut suivre la même procédure législative. C’est dire que c’est le président qui l’ordonne afin de les adapter à de nouvelles réalités. Mais pour cette question, je ne peux pas répondre, parce qu’il est de la compétence des seules autorités de la Transition.

Vous savez, les gens veulent toucher à des subtilités parce qu’ils ont juste envie d’être au pouvoir. Et on sait que tout le monde ne peut pas être au pouvoir au même moment. Et les autorités actuelles ont démontré qu’elles ont l’amour du pays. Avec eux, on peut aller de l’avant.

 

Parlons du découpage territorial. Les lois portant l’organisation territoriale ont toujours fait l’objet de réserves et de contestations. Comment avez-vous procédé pour ne pas réveiller les vieilles velléités ?

 

Youssouf Z Coulibaly : Vous êtes dans la même salle ou nous avons passé deux mois à écouter toutes les sensibilités : les légitimités traditionnelles, les préfets, les sous-préfets, les mouvements de jeunes et de femmes, les mouvements signataires de l’accord d’Alger, les autorités intérimaires, les maires, les gouverneurs, les anciens premiers ministres, les anciens chef d’Etat, des anciens directeurs généraux. Les autorités de la transition veulent à ce que le peuple soit associé à tous ce qu’on fait. Et c’était une recommandation ferme du président du CNT, Col Malick Diaw. On a également travaillé bénévolement pendant tous ces mois pour qu’il y ait moins de contestations et afin d’aller à d’autres réformes comme la mise en place des démembrements de l’AIGE. On vient de débloquer un verrou pour aller aux élections. Aujourd’hui, ce qui nous inquiète est que des gens prennent l’intérêt personnel pour l’intérêt général.

 

Est-ce à dire qu’il n’y a eu aucune contestation après l’adoption des lois y afférentes ?

 

Non, il n’y a pas eu de contestations, sauf individuelles. Souvent des ressortissants d’une même région, d’un même cercle ou d’une même commune disent qu’ils ne sont pas d’accord. Même à Bamako, on a eu des cas pareils où certains pensent qu’une telle ou telle partie doit les appartenir. Nous on ne travaille pas pour qu’un endroit appartienne à quelqu’un. Notre objectif principal est de rapprocher l’administration des populations et permettre à ces derniers de se reconnaître dans leur espace. Nous ne sommes pas politiques, nous sommes sans passion au service du peuple.

 

Les rumeurs de la mise œuvre de délégations courent depuis un certain moment. Qu’en est-il de la réalité ?

 

C’est moi-même qui ai piloté la prorogation du mandat des élus communaux. Et il a été décidé de les maintenir jusqu’à l’organisation des élections, après deux prorogations. Mais parmi ces élus, il y en a eu beaucoup qui se retrouvent devant la justice, devant le Pole économique et financier pour mauvaise gestion. Ces élus seront remplacés par des délégations spéciales.

 

Un mot à la fronde improbable qui est déjà à l’avant-garde du respect du délai de la transition ?

 

Certains pensent que les autorités de la Transition ne veulent pas quitter le pouvoir. Ce n’est pas le cas. Elles ont trouvé le pays dans un trou. Il faut le faire sortir. Et généralement ce sont les populations qui en souffrent. Ceux qui sont aujourd’hui accrochés à ce délai sont ceux qui ont eu à gérer le pays à un certain moment donc ils sont un peu responsables de ce que nous vivons. Ce sont les moyens de pression des partis politiques, on le sait. Et c’est au peuple d’en juger.

 

Un massage aux Maliens ?

 

Je demande aux Maliens de véhiculer la bonne information, de se méfier de tous les textes qu’ils reçoivent çà et là, notamment sur les réseaux sociaux dont des gens prennent les anciens textes, font le copié-collé avant de les balancer sur la toile. Et certains les prennent pour en faire un débat dans leur milieu restreint pour manipuler l’opinion. Je demande surtout aux Maliens de s’approprier des textes afin d’en connaître le contenu. Je demande enfin aux Maliens de soutenir les autorités de la Transition et de les juger sur le résultat. En les soutenant, c’est le Mali qu’on soutient.

 

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