Pour l’opposant afghan Ahmad Massoud, «il faut arrêter de vouloir faire plaisir aux talibans»

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Depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021, Ahmad Massoud tente d’organiser la lutte armée en Afghanistan. À 34 ans, le fils du célèbre commandant Massoud, vient de publier un livre intitulé Notre liberté (éditions Bouquins), dans lequel il se livre à un plaidoyer pro-démocratie et réclame l’aide de la communauté internationale pour chasser l’insurrection islamiste d’Afghanistan.

RFI : Vous êtes à la tête du Front national de la résistance, qui revendique 4 000 hommes. Quelle est l’ampleur de vos opérations contre les talibans ?

Ahmad Massoud : Nous sommes partis d’une petite vallée dans la région du Panshir et nous avons réussi à étendre notre lutte à plus d’une douzaine de provinces en l’espace de deux ans, sans aucune aide extérieure. L’esprit de la résistance est très clair : aussi longtemps que les talibans continueront leurs atrocités, prêcheront l’extrémisme et l’oppression, nous devrons résister et nous développer pour libérer notre pays.

Vous réclamez l’aide de la communauté internationale, à qui vous adressez-vous ?

À tous les pays amis, que ce soient les pays de la région, l’Europe, la France, et au-delà. Parce que la situation que connaît l’Afghanistan représente une menace pour nous tous.

Il n’y a aucune chance que l’Europe décide de soutenir la lutte armée contre les talibans…

Depuis deux ans, on parle d’une politique d’interaction avec les talibans. Pour quel résultat ? La condition des femmes afghanes s’est-elle améliorée ? Et celle des Afghans de manière générale ? Les talibans ont-ils coupé leurs liens avec d’autres nébuleuses terroristes ? Lorsque rien ne s’améliore, et qu’au contraire, la situation s’est détériorée, qu’il s’agisse de la liberté de la presse ou des droits des femmes, qui ont été complètement exclues de la surface de la société, il est temps de dire stop et d’arrêter de chercher l’apaisement ou de faire plaisir aux talibans. Il est temps d’employer un langage beaucoup plus strict et beaucoup plus ferme.

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Même si cela revient à isoler encore un peu plus la population afghane qui meurt de faim ?

Il y a des solutions. Par exemple, contrôler de manière beaucoup plus étroite les livraisons d’aide humanitaire. Nous sommes très reconnaissants de cet effort international, mais il faut s’assurer que ces cargaisons bénéficient directement à la population afghane. Et en parallèle, suivre à la trace les revenus des talibans. Comment dépensent-ils leur argent ? Ce qu’ils touchent des postes frontières, des ports, des mines et bien d’autres choses. Ils s’en servent pour financer le terrorisme et consolider leur idéologie extrémiste. Il faut faire attention aux solutions tactiques de court terme. Si je suis ici à Paris, c’est pour parler du long terme. Le court terme ne va pas fonctionner.

Vous parliez des mines. Lorsque vous voyez que la Chine signe des contrats d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles avec le régime taliban, qu’est-ce que cela vous inspire ?

C’est du vol, c’est aussi simple que ça. La seule façon pour un État, une organisation ou une entité étrangère d’exploiter les ressources de l’Afghanistan, c’est de signer un contrat digne de ce nom avec les représentants légitimes du peuple afghan. Or, l’administration talibane actuelle ne représente pas le peuple afghan. Ces conventions n’ont aucune valeur. Et par conséquent, ce que fait la Chine est absolument inacceptable.

Et pourtant, ni la Chine, ni la Russie, ni le Pakistan ou l’Iran n’ont jamais coupé les liens avec les talibans.

Parce que les pays totalitaires adoptent des positions très fermes et soutiennent d’autres régimes totalitaires. Pourquoi les démocraties sont-elles à ce point faibles et naïves ? Que s’est-il passé avec ces nobles dirigeants occidentaux ? Ces grands principes ? Où est passée cette génération ? Où sont-ils ? C’est exactement pour ça que la confiance envers l’Occident et ses principes démocratiques s’amenuise, vous voyez bien ce qu’il se passe en Afrique et ailleurs. Tout ça parce qu’on ne se bat plus pour les idées que l’on défend. Et parce que personne n’écoute plus ceux qui se trouvent sur le terrain.

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