Gouvernance de transition : Le pouvoir va-t-il engager un bras de fer avec les magistrats ?

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La fragilité politico-institutionnelle du pays impose au pouvoir de transition de manœuvrer délicatement dans sa gestion des affaires publiques, pour n’agir qu’à travers la recherche du consensus. Cela ne semble pas être le cas avec la récente adoption d’une loi organique, véritable casus belli au regard de la grogne que ce texte suscite au sein de la magistrature.

-maliweb.net- En effet, alors que les magistrats avaient récemment exprimé leur désaccord par rapport à un projet de loi organique relatif à la Cour suprême, le Conseil national de Transition vient de voter le texte.

Or, le mécontentement des magistrats les avait  conduits à observer une grève de 5 jours pour dire leur refus de voir une discrimination s’instaurer entre eux. Il s’agit d’une prolongation de l’âge de départ à la retraite de certains magistrats, en l’occurrence ceux travaillant à la Cour suprême. Et les observateurs avertis de se demander pourquoi le ministre de la Justice, qui est un magistrat, qui plus est , un ancien président du syndicat autonome de la magistrature (SAM), Mahamoudou Kassogué, a-t-il voulu provoqué la colère de ses collègues. Pourquoi a –t-il plaidé et obtenu le vote de ce texte discriminatoire entre les magistrats maliens ? Pourquoi le CNT a-t-il apporté sa caution morale en votant ce texte prolongeant de 5 ans l’âge de départ à la retraite des membres de la Cour suprême, alors que ce n’est pas le cas pour les autres magistrats ? Le gouvernement voudrait réveiller les vieux démons de la grève illimitée du corps de la magistrature, quand on sait qu’un arrêt de travail de ce secteur entraîne une paralysie d’une bonne partie de l’Etat ?

En effet, que vaut un Etat sans le fonctionnement de son appareil judiciaire ? Qu’adviendra-t-il de l’Etat de droit quand la justice censée de faire régner l’ordre et la paix sociale est plombée par un mécontentement de l’appareil judiciaire ? L’Etat ne deviendrait-il pas une jungle si la machine judiciaire venait à être mise en parenthèse ? Alors d’importances ressources financières du contribuable ont été injectées dans le fonctionnement du service publics de la justice.

En effet, l’Etat a, depuis plusieurs années, injecté d’énormes sommes d’argent dans la restructuration de la machine judiciaire. Cela passe par la loi de programmation de la justice, avant même le démarrage de cette période transitoire. Ce qui fait que le chef de l’Etat avait souligné, lors de la récente rentrée judiciaire, qu’il est inadmissible qu’un magistrat soit convaincu de corruption ou de comportement qui jure avec l’éthique et la déontologie de sa profession”. Une manière habile du chef de la Transition de relever que les magistrats doivent être des modèles. Ils doivent être hors de tout soupçon surtout en matière de moralité.

Ce qui ne semble d’ailleurs pas être le cas, tant l’on continue d’enregistrer des plaintes de citoyens concernant les comportements répréhensibles des acteurs majeurs de la justice. C’est pourquoi le chef de l’Etat assurait que « la justice malienne ne sera que ce que nous en ferons ». Et ce que les Maliens font de leur justice, c’est des scènes d’arrangements, de manipulations et de propositions de corruptions. Ce qui avait fait dire à un ancien ministre de la Justice que « la justice est indépendante de tout sauf de l’argent sale ». Alors que les magistrats sont censés garantir la sécurité juridique des citoyens et surtout leur égalité devant la loi. Et c’est au gouvernement d’œuvrer dans ce sens.

En s’entêtant à prendre des dispositions législatives relatives au pouvoir judiciaire, qui ne requièrent pas l’assentiment des magistrats, le gouvernement de Transition semble courir le risque de se mettre à dos un corps sensible du fonctionnement de l’Etat et surtout de l’Etat de droit. Alors que le pays doit accélérer sa marche vers la tenue des élections censées couronner cette période transitoire. Et nul n’ignore que l’appareil judiciaire joue un rôle majeur dans la phase des contentieux électoraux. Il urge donc au chef de l’Etat et au Premier ministre d’agir pour désamorcer rapidement cette nouvelle crise sociale qui couve. ? Et le plus tôt sera le mieux !

 

Boubou SIDIBE

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