Une fois de plus, les artistes ont bravé un ciel bas, même trop bas, et tellement chargé… Elle n’était pas gagnée d’avance, cette édition 2022 des traditionnelles retrouvailles de la photographie africaine de Bamako. Tant le ciel, depuis la dernière édition, tenue malgré la crise multidimensionnelle que traverse le pays, tant le ciel s’était assombri davantage au-dessus de nos têtes : Covid, coups d’État à répétition, guerres, embargos, fâcheries des autorités avec les partenaires traditionnels, propension à l’enfermement sur soi dans un relent de nationalisme débridé, voire aveugle, suicidaire… « Le toit du ciel s’est effondré sur la Terre, avec nous dedans. Moi, j’ai emboîté le pas au diable ! » C’est un kilissi, une formule magique censée vous sauver de n’importe quel désastre. Combien de fois l’ai-je proférée au détour d’une rue !
Mais la voici, l’Édition 2022 de la Biennale africaine de la photographie de Bamako. Et tant pis pour les semeurs de foudre et de nuages secs, de poussière et de brouillards inféconds. On se sentait seuls, tellement seuls parce qu’abandonnés par le monde à notre sort de peuple reclus, malgré notre verbe haut et véhément. Seuls mais pas si désespérés que ça, tout de même !
Elle est donc là, alors qu’on ne s’y attendait plus. Et aussitôt, peut-être parce qu’ayant pris peur des photographes et leurs appareils en bandoulière, le ciel s’est dégagé, la raison a pris le pas sur les passions aveuglantes. Les guerriers et amazones de la lumière ont inondé les rues et les ruelles d’images. Certes, elles ne sont pas toutes gaies, mais elles reflètent le monde tel qu’il va, et surtout, nous aident à nous sortir de notre nombrilisme puéril. Nous ne sommes pas seuls au monde. Le monde entier n’est pas contre nous. Disons-le haut et fort !
Les photos que j’ai vues nous forcent toutes à regarder le monde en face, notre planète Terre et ses habitants. Elle prend des coups de plus en plus sérieux, notre planète Terre, à cause de nos abus, à cause de nos guerres pourtant évitables avec un peu de raison, un peu de retenue, d’amour de nous-mêmes, de ceux qui vont nous succéder. Mais elle reste belle, malgré tout. Elle reste notre seul espace commun, notre seul espace de vie. Elle n’a ni couleur ni langue. Sa couleur et sa langue restent nous tous, ses habitants, humains comme non-humains.
Et si l’on pouvait, avec quelques mesures en matière d’écologie et de protection de l’environnement, si l’on pouvait davantage prendre soin d’elle, notre planète Terre, donc de nous-mêmes, elle pourrait retrouver sa splendeur d’antan, voire même plus.
Du Musée national du Mali où le lancement de cette édition a lieu, et dont elle orne les murs des visages pluriels du monde, à la Maison africaine de la photographie, en passant par la Galerie Médina, le lycée Ba Aminata Diallo (ex-lycée de jeunes filles de Bamako), les murs de clôture de l’Institut français du Mali, les photographes du Mali, d’Afrique et du reste du monde auront illuminé Bamako de leurs images, « libéré les étoiles » (pour paraphraser cet autre artiste musicien, j’ai nommé Brassens).
Ousmane Diarra
Photographie de Paul Kodio