Promulgation du nouveau code minier : Des retombées à programmer sur le long terme

Adopté par le Conseil national de Transition (CNT) le 8 août 2023, le nouveau code minier du Mali a été promulgué le 28 août dernier par le président de la Transition, Colonel Assimi Goïta. Cette nouvelle législation est censée renforcer les intérêts de l’Etat, donc la part du Trésor public dans l’exploitation du précieux métal jeune. Cette réforme suscite en tout cas beaucoup d’espoir. Sauf que cet espoir est un peu douché par des experts qui expliquent que les effets positifs de ce code ne se feront ressentir que sur le long terme.

La promulgation du nouveau code minier s’inscrit dans le cadre de la préservation des intérêts du peuple malien ! C’est ce qu’a annoncé la présidence malienne après que ce texte ait été promulgué le 28 août 2023 par le chef de l’Etat, Colonel Assimi Goïta. Il est perçu par les autorités de la transition comme un texte devant canaliser «une plus grande part des revenus vers le Trésor public» et augmenter «les intérêts publics et privés maliens dans de nouveaux projets». Le nouveau code permet désormais au gouvernement de prendre une participation de 10 % dans les projets miniers et l’option d’acheter 20 % supplémentaires au cours des deux premières années de production commerciale. Une participation supplémentaire de 5 % pourrait être cédée aux locaux, portant les intérêts publics et privés maliens dans les nouveaux projets à 35 %, contre 20 % aujourd’hui.

Sans compter que la réforme du code minier devrait annuellement rapporter au minimum 500 milliards de francs CFA (762 millions d’euros) au budget de l’État. Avec 72,2 tonnes produites en 2022 (dont 6 tonnes par l’orpaillage artisanal), l’or à lui seul contribuait à 25 % du budget national, procurait 75 % des recettes d’exportation et 10 % du PIB, avait précisé en mars 2023 l’ancien ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau, Seydou Lamine Traoré. «L’objectif est de porter la contribution de l’industrie minière à 15 ou 20 % du PIB», disait Amadou Kéita, le nouveau ministre des Mines, lors du débat sur le code au CNT.

Autant dire que le nouveau code suscite beaucoup d’espoir dans le pays, surtout dans la tête de ceux qui se sont toujours battus pour que l’or puisse briller pour tous les Maliens. Un espoir aussitôt douché par des experts. «Beaucoup de nos compatriotes ont applaudi des deux mains l’adoption récente d’un nouveau code minier qui est tout de même à saluer», a souligné un économiste. Mais, ses effets ne seront perceptibles que sur le long terme. Et cela pour la simple raison que, dit-il, «les sociétés minières qui opèrent au Mali étaient régies par des codes différents les uns les autres».

Certes, le nouveau code va mettre fin au désordre mis en exergue par l’audit du secteur minier. Sans compter qu’il accorde aussi une grande place à la valorisation du contenu local. En effet, les sociétés ont désormais l’obligation de privilégier les opérateurs économiques maliens par rapport aux fournisseurs étrangers. Mais, le bémol est que la loi n’est pas rétroactive. La nouvelle législation ne pourra pas donc frapper certaines entreprises minière qui, lors la signature de leurs contrats, ont mis des «garde-fous» pour se protéger contre toute éventualité de modification de leur contrat.

Le secteur minier malien est dominé par les groupes étrangers comme les Canadiens Barrick Gold et B2Gold, l’Australien Resolute Mining ou le Britannique Hummingbird Resources… Et, les dispositions du nouveau code ne s’appliqueront à aucune de la quinzaine de mines qui étaient officiellement en activités (exploitations) en 2021. Autrement, la part du Mali continuera à tourner autour de 10 à 20 % selon les mines en activité.

En législation minière, il y a ce que ces experts appellent les «clauses de stabilisation» en vertu desquelles une convention d’établissement signée sous l’égide d’un code reste sous celui-ci jusqu’à la fermeture de la mine. C’est la raison pour laquelle se retrouvent dans notre pays jusqu’à 4 ou 5 générations de code minier en application au Mali (les codes de 1970, 1991, 1999, 2012, 2019 et maintenant 2029). «Cette logique fait que le nouveau code ne pourra s’appliquer qu’aux nouveaux investisseurs qui voudront investir dans le domaine au Mali à partir de sa date de promulgation ainsi que les conventions qui arrivent à expiration et devant faire l’objet de renouvellement», nous a précisé un expert.

«Si l’Etat se permet de modifier les contrats miniers déjà en cours, il prend le risque de se voir poursuivi au niveau des juridictions internationales… Il n’est même pas exclu que certains de ces comptes soient saisis», nous a expliqué un conseiller juridique dans une multinationale. De l’avis de nos interlocuteurs, «le nouveau code n’est pas de nature à amorcer un changement de paradigme au profit du Mali et des Maliens dans le domaine contrairement à ce qui est annoncé». Autant tempérer notre espoir pour éviter toute désillusion !

Kader Toé

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