Entre Nous : La force régionale anti-putsch en question

Estimated read time 4 min read

La soixante-deuxième session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), tenue le 4 décembre 2022 à Abuja en République fédérale du Nigéria, a pris plusieurs décisions importantes. Les travaux étaient présidés par le Président de la République de Guinée Bissau et Président en exercice de la Conférence, Umaro Sissoco EMBALO.

Selon le communiqué final publié par la Commission de la CEDEAO, la Conférence a instruit «au Comité des Chefs d’Etat-major d’étudier et de proposer de toute urgence les options, les modalités et les moyens financiers et techniques en vue de l’activation urgente de la Force en attente de la CEDEAO, y compris une opération cinétique spéciale de lutte contre le terrorisme.»

Tout en réaffirmant sa détermination à appliquer scrupuleusement le principe de «tolérance zéro» pour tout pouvoir obtenu ou maintenu par des moyens anticonstitutionnels et à appliquer sans exception les sanctions les plus sévères en cas de non-respect, la Conférence a demandé au Président de la Commission de poursuivre les discussions avec les Etats-membres et les autres parties prenantes en vue de parvenir à un consensus sur les questions en suspens, et de parachever la révision du Protocole additionnel de 2001 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance.

Toujours selon le communiqué final, «la Conférence décide également de mettre en place une force régionale dont le mandat inclura la restauration de l’ordre constitutionnel partout où il est menacé dans la sous-région.» Bienvenue à cette force régionale ! En attendant son opérationnalisation, cette décision marque un pas décisif de la part de la Cedeao qui a fait preuve d’une certaine indulgence vis-à-vis des putschs militaires de 2012 à nos jours. Une indulgence qui suscite des interrogations dans la mesure où à partir de 1997, elle s’est montrée plus ferme à l’endroit des auteurs des coups d’Etat militaires.

En effet, l’organisation sous-régionale a déployé des efforts pour mettre au pas les officiers putschistes. Ainsi en mars 1998, elle a envoyé les soldats de ses pays membres en Sierra Leone dans le cadre d’une opération militaire pour réinstaller le Président Ahmad Tejan Kabbah, victime d’une junte militaire dirigée par le commandant  Johnny Paul Koroma, Président du Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC). Sous le commandement du Colonel Minkoro Kané (aujourd’hui général à la retraite, membre du Conseil national de Transition et Président de la Commission défense), un contingent de l’Armée malienne a participé à cette opération.

Il est donc dommage que la Cedeao soit devenue trop clémente qu’elle ne l’était il y a plus de 20 ans à l’égard des putschistes. Les coups d’Etat militaires sont devenus une mine d’or pour une race de jeunes officiers pour devenir riches en un temps- éclair. Par leur mode de gouvernance, le régime instauré par les officiers qui se sont emparés du pouvoir ces dernières années dans l’espace communautaire n’est nullement différent des régimes renversés. Leur irruption sur la scène politique a le plus souvent créé une nouvelle classe de bourgeois qui surfe sur le vent du populisme pour user et abuser de la confiance d’une frange importante de la population qui se réjouit de ces coups d’Etat. De 2012 à 2022, l’évolution de la situation sécuritaire au Mali et au Burkina-Faso a prouvé que les militaires ne réussissent forcément pas là où les gouvernements démocratiques ont échoué.

Ce qui donne raison au Sénégalais Professeur Abdoulaye Bathily qui disait le 31 janvier 2022 lors d’un webinaire sur la question sécuritaire que « C’est naïf de penser que les coups d’Etat militaires régleront les questions politiques et sécuritaires au Sahel ». «Les coups d’Etat n’ont réglé aucun problème car les armées sont ravagées par la corruption. Ce serait une illusion de penser que les militaires sont propres et que les civils sont sales. Les militaires sont comptables de la gabegie, du népotisme et de la corruption dans nos Etats », disait l’historien sénégalais.

Par Chiaka Doumbia

Sur le même sujet

+ There are no comments

Add yours