Coupe du monde 2022 : des moyens jamais vus, du football à outrance, le Mondial de la démesure a tiré sa révérence

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Suscitant autant de curiosité que de rejet, le Mondial au Qatar restera comme celui des excès.

“Expect amazing” [“Attendez-vous à l’incroyable”]. Pour sa Coupe du monde, le Qatar a tout fait pour respecter le slogan qu’il a utilisé dix ans plus tôt pour en obtenir l’organisation. De très loin le plus cher de l’histoire, avec un coût estimé à plus de 200 milliards d’euros, le Mondial 2022 a tiré sa révérence dimanche 18 décembre, lors du sacre de l’Argentine aux dépens de l’équipe de France (3-3, 4-2 t.a.b). Une finale complètement folle, à l’image de ce tournoi à l’organisation démesurée.

La dernière image sera celle du septuple Ballon d’or Lionel Messi soulevant le trophée, au bout de la finale la plus longue de l’histoire de la Coupe du monde (146 minutes de jeu), si ce n’est la plus épique. Certains réalisateurs de blockbusters y auraient vu un scénario cousu de fil blanc, plombé par un dénouement gros comme une maison. Même la cérémonie de clôture et les grandiloquents feux d’artifice, avant et après la rencontre, ont paru légers à côté de cet instant historique, de cette explosion d’émotions contraires dont l’écho a résonné bien plus loin que le stade Lusail.

Un magasin de bonbons

Il fallait au moins une conclusion de cette ampleur pour rester dans le ton de ce Mondial qui a proposé du football à n’en plus pouvoir. Jamais les matchs n’avaient duré aussi longtemps. Il faut dire que la manière de compter le temps additionnel avait été revue pour l’occasion. Les 24 minutes de temps additionnel d’Angleterre-Iran n’ont été qu’une bande-annonce. A coup de quatre matchs par jour pendant une partie de la phase de groupes, de 11h à 22h en France, le fan de football en a eu pour son argent.

Lionel Messi et l’émir Thamim Bin Hamad Al Thani lors de la cérémonie récompensant l’Argentine, vainqueur de la Coupe du monde, le 18 décembre 2022. (JOSE BRETON / AFP)

Sur le sol qatarien, les plus zélés ont eu l’occasion de faire le quatre à la suite tant la distance entre les huit stades du Mondial était faible (à l’exception du stade Al-Bayt, à la lisière du désert, au nord). Et au total, voir 20, 25, voire 30 matchs. Comme des enfants dans un magasin de bonbons, fans et journalistes ont parfois frôlé l’indigestion, même si, au moment de partir, tous les supporters arboraient un franc sourire à l’aéroport, Français compris.

Se lisait aussi cet enthousiasme du retour à la maison, celui du voyageur épuisé, qui s’envole sans l’angoisse d’être passé à côté de quelque chose. Même ceux qui n’ont pas fait long feu à Doha ont eu le temps de se prendre une claque de gigantisme en passant une tête au tout neuf quartier de Lusail ou en se promenant au milieu des gratte-ciels de West Bay. Comme sa Coupe du monde, le Qatar s’est dévoilé en haut lieu de la démesure, fidèle à la représentation que l’on s’en fait avant d’y mettre les pieds.

Une crédibilité internationale à soigner

Emergée du désert, Doha est l’incarnation de la toute puissance de l’homme sur la nature. Dans cette fourmilière cosmopolite obligée de vivre recluse à cause de la violence de son soleil, les gens ne se déplacent qu’en 4×4, même quand ils n’ont que 300 mètres à parcourir. Alors, ils n’ont pas été choqués comme l’Europe a pu l’être en apprenant qu’environ un millier de vols très courts entre les Emirats arabes unis allaient acheminer chaque jour une bonne partie des supporters de ce Mondial.

Pour accueillir l’événement le plus important de son histoire, le petit émirat a mis le paquet pour convaincre que ses épaules étaient assez solides. En plus de construire sept stades, il a mis au point un métro flambant neuf. Surtout, il a recruté une véritable armée pour guider les visiteurs, si bien qu’il était presque impossible de se perdre à Doha. “Metro, this way”. Sur le quai de chaque sortie de métro, vous pouviez être sûr qu’au moins cinq personnes avec d’énormes mains en carton se chargeraient de vous indiquer la sortie (en chanson parfois), alors que les panneaux faisaient très bien l’affaire.

L’organisation a tellement tenu à montrer que tout était parfait qu’elle n’était pas loin de l’infantilisation. A la moindre hésitation ou temps d’arrêt, une de ces petites mains du Mondial surgissait pour vous conseiller, parfois de manière aussi inattendue qu’insistante : “Attendez ici, vous serez mieux assis.” L’enjeu était énorme pour le Qatar, qui veut à tout prix sa place à la table des pays les plus influents du monde. Sa capacité à faire reculer la Fifa sur la vente d’alcool en dehors des stades a d’ailleurs marqué les esprits. En ligne de mire, l’épuisement à moyen terme de ses réserves en gaz, qui font son extrême richesse. L’émirat veut anticiper et cette Coupe du monde devait aussi servir de preuve qu’il sait accueillir des touristes. Un objectif à moitié réussi : si les visiteurs sont repartis satisfaits, aucun des supporters que nous avons croisés n’a prévu d’y revenir.

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