COMMISSION VERITE JUSTICE ET RECONCILIATION : Le remède au conflit malien ?

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Une commission qui répare les victimes des violences pour la paix et la stabilité du Mali.

Depuis 2012, le Mali fait face à un conflit armé dans sa région nord et à une présence djihadiste accrue dans le centre. Une situation qui a fait et continue de faire plusieurs victimes dans la population civile. Pour aider ces dernières à retrouver leur dignité et la paix intérieure, le gouvernement a mis en place la cvjr. Un moyen de restaurer une paix durable et la réconciliation nationale qu’aspire les maliens.

 Pour permettre la refondation de l’Etat malien sur la base de la stabilité et de la paix, la commission vérité justice et réconciliation a été créé par l’ordonnance N2014-003/P-RM du 15 janvier 2014. Les projets de textes relatifs à la création,  l’organisation  aux modalités de fonctionnement de l’autorité de gestion des réparations des victimes de crise, la commission vérité, justice et réconciliation est adopté le 1er mars 2023 en conseil des ministres après mure réflexion sur le rapport du ministre de la réconciliation, de la paix et de la cohésion sociale, chargé de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale.  Vue l’urgence d’intervenir pour apaiser les tensions intercommunautaire, le choix était vite fait !

Depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, le Mali a été victime de plusieurs crises qui ont conduit à des violations graves des droits de l’Homme, fragilisé la stabilité institutionnelle, entachée la paix, l’unité nationale et s’écoué les fondements du vivre ensemble.

Une institution qui a sa raison d’être

La crise multidimensionnelle de 2012 s’est caractérisée par les assassinats,  enlèvements de personnes, tentatives d’enlèvements, menaces, disparitions, viols, amputations, flagellations, vols enfin par finir la destruction des biens et des patrimoines culturels.

Pour mieux comprendre la justice transitionnelle il faut impérativement cerner les quatre piliers qui la fondent (le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à la réparation et la garantie de non récurrence) mais aussi les différents mécanismes de sa mise en œuvre. Bien avant la CVJR, il y avait la CDR (la  commission de dialogue et de la réconciliation). Le gouvernement a créé la CVJR (commission vérité justice et réconciliation) et adopté la politique nationale de réparation et son plan d’action de 2021 à 2025 pour faciliter le dialogue, le pardon, le vivre ensemble et les réparations en faveur des victimes de la crise.

Comme le dit cet adage bambara : « djoli te souma nèkan ». Le but recherché est de  restaurer la dignité des victimes en leur accordant par voie administrative des mesures de réparation des préjudices qu’elles ont subi du fait des violations des Droits de l’Homme commises en lien avec les crises et les atteintes aux biens culturels de 1960 à nos jours.

Ainsi une commission non juridique est mise en place dans le cadre de la justice transitionnelle. Une justice restauratrice qui œuvre dans un esprit de réconciliation nationale.  Elle cherche à connaitre les causes des violences,  identifier les parties en conflit,  enquêter sur les violations des droits de l’homme et établir les responsabilités juridiques qui en découlent. A sa création, elle était composée de quinze commissaires, mais six mois après elle s’est élargie à vingt-cinq commissaires. Les commissaires sont repartis en cinq commission de travail.

Pour être plus proche des victimes la commission a mis en place des antennes régionales pour enregistrer les dépositions des victimes afin de les examiner, traiter et mettre les intéressés dans leurs droits. Le président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé dans un entretien accordé à Mali actu en 2017, a affirmé que les dépositions se font à hauteur de souhait et qu’ils sont entrain de  bénéficier de la confiance des victimes des exactions.

La transparence de la CVJR dans l’accomplissement de sa mission

La CVJR organise des audiences publiques pour établir la vérité, rendre aux victimes leur dignité et une reconnaissance nationale, voire contribuer à la réconciliation et la stabilisation. De ce fait, cinq audiences publiques ont été faites dont la dernière était consacrée aux femmes victimes de violences sexuelles et aux enfants victimes de conflits, en juin 2022. Cette audience a été une véritable tribune offerte aux victimes pour donner à l’opinion publique leur version des faits et permettre aux citoyens de comprendre ces évènements marquants du pays. Les victimes sont invitées à s’exprimer devant un forum afin de leur permettre de retrouver la dignité. Quant aux auteurs de ces exactions, ils sont appelés à avouer leurs forfaits et à exprimer leur repentir devant les victimes ou familles concernées.

  1. Abdoulaye Maïga, secrétaire général de la société civile de la commune 2 affirme que le travail de la CVJR ne date pas d’aujourd’hui « la cvjr est comme la justice traditionnelle, l’institutionnalisée ne peut qu’être bénéfique pour la population. Parce qu’elle est là pour remettre les victimes dans leurs droits. Ce qui est encore à saluer c’est qu’on règle les problèmes sans que le tissu social ne se brise. Or dès que tu interpelles quelqu’un devant les tribunaux, les liens se brisent à jamais ». Il martèle «  je pense que la cvjr doit travailler en permanence avec la société civile pour pouvoir atteindre plus ses objectifs. Il y a une méfiance entre les administrations et la société civile alors qu’ils visent le même but, le bonheur des uns et des autres dans un Mali en paix ».

En octobre 2022 s’est tenue à l’hotel Onomo un atelier de validation de la méthodologie d’élaboration de la version adaptée aux enfants  du rapport final de la commission vérité, justice et réconciliation. Cet atelier avait pour but de valider une méthodologie qui rendrait accessible aux enfants et aux jeunes le rapport de la cvjr. Lors d’un entretien avec M. Yacouba Konaré président de l’Association des travailleurs sociaux pour la protection des enfants il nous a fait comprendre que la prise en charge des cas des enfants est à revoir. Selon lui, le cas des enfants victimes de conflit est très délicat. Il travaille pour le Samu social, ce qui lui permet d’être en contact permanent avec ses enfants.

La CVJR et la communication

La cvjr a une cellule de communication qui informe de façon  permanente sur ses actions. Cependant force est de reconnaitre que beaucoup d’efforts reste à faire dans la sensibilisation et l’information sur le rôle important de la commission dans le processus de paix et de stabilité au Mali. Ainsi, conscient du l’importance de l’information, M. Konaré suggère plus d’actions de communication et d’information sur l’organe. « Je pense qu’il serait important pour la commission d’organiser des animations à répétition, rencontrer des associations  pour la défense des droits des femmes et des enfants. Mais également utiliser les réseaux sociaux, les comédiens entre autres », a-t-il suggéré.  Selon lui, la population n’a pas totalement compris les missions de la  cvjr.  « Les enfants victimes de conflit ont besoin d’un accompagnement émotionnel, mental et même physique pour  qu’ils puissent se retrouver et faire quelque chose à l’avenir », a-t-il rappelé.

Quant à Salif Sangaré, un jeune militant du parti PDS de feu Amadou Toumani Touré « la CVJR n‘est pas totalement connu du grand public, j’ai entendu parler de la structure lors d’une formation sur la justice traditionnelle en 2021 », il  poursuit,  « le travail de la cvjr est très important pour qu’il y ait  une paix sincère. Mais cela ne peut avoir lieu que si chacun est mis dans son droit. Les hommes coutumiers et religieux doivent figurés parmi les membres. Les victimes doivent être psychologiquement accompagnées pour qu’elles se sentent concernées de nouveau  par l’Etat malien ». Il est à noter qu’à la date du 24 octobre 2022, le nombre de victimes ayant fait leurs dépositions à la CVJR  s’élevait à 31.588 personnes. Sur le terrain des actions salvatrices pour promouvoir la paix et le vivre ensemble, menée par la cvjr sont illustratives.

En plus des dépositions enregistrées et des audiences organisées, tout un arsenal de travail a été fait, en partenariat avec des organisations de la société civile notamment sur le concept de la justice transitionnelle au Mali. Le travail de la CVJR n’est pas de tout un repos, il aide les sociétés traumatisées par la violence à faire face à leur passé de façon critique, afin de sortir de leurs crises profondes et d’éviter que de tels faits ne se reproduisent  à l’avenir. Pour un Mali en paix et prospère avec des maliens unis dans la cohésion sociale, la CVJR œuvre !

Djeneba SIDIBE

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