Commercialisation des données personnelles : La vie privée en vente sur Internet

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Les données à caractère personnel rendent « riche », sans que les propriétaires en profitent. Nom, prénom, adresse mail, date de naissance, bilan sanitaire, projet d’étude ou statut matrimonial… Où vont nos données personnelles fournies à maintes reprises, lors de nos navigations. Pour participer à des réunions virtuelles, créer des comptes ou pages, des adresses E-mails ou encore lors de différentes navigations à fond, pour mener des recherches sur des produits et services.  Le Challenger s’est investi à tenter de répondre à cette « Grande interrogation » pour vous.

Qui les utilise et les contrôle ? Combien valent-elles ? Il s’agit de nos « données personnelles » fournies sur internet : Nom, prénom, âge, sexe, situation sociale, matrimoniale, etc. Face à cette interrogation, prospère, selon des études, un marché qui vaut plus de 1000 milliards d’euros rien qu’en Europe. Ce chiffre représente près de 8% du PIB du continent, selon le rapport de «génération libre ». Le marché attire plusieurs entrepreneurs qui investissent beaucoup d’argent dans le « marché en ligne », où la vie privée se vend. Un marché qui se définit, en termes simples, en ces réalités : « fournir » sans être « rémunéré », « produire » sans être « propriétaire » ou encore « donner » sans « choix ». Voilà le constat inquiétant qui résume le rapport de « génération libre ».

Dans ce rapport concluant, des pistes corroborées d’analyses, exposent que les données personnelles sont en vente libre sur internet. Le phénomène est loin d’être nouveau, mais plus inquiétant, il prend forme à la vitesse 5G+ à travers des modes de fonctionnement insoupçonnés.

En effet, en tant qu’internaute, vous avez été tenté, ou avez été face au fait d’autoriser des « cookies » pour poursuivre sur un site. Si oui, vos données personnelles ne sont plus garanties d’être vendues, sans que vous n’encaissiez de l’argent.

 

Les « Cookies » “moteur” de la vente, comment ?

Il s’agit d’une suite d’informations, généralement de petite taille et identifiée par un nom, qui peut être transmise à votre navigateur par un site web sur lequel vous vous connectez. Votre navigateur web pourra le conserver pendant une certaine durée et le renvoyer au serveur web, chaque fois que vous vous y connectez. Les cookies peuvent servir à mémoriser votre identifiant client auprès d’un site marchand, le contenu courant de votre panier d’achat, un identifiant permettant de tracer votre navigation pour des finalités statistiques ou publicitaires… En recherchant un produit sur un site web, votre navigateur pourrait envoyer vos informations à des entreprises qui vendent des produits similaires que vous cherchez par exemple. C’est pourquoi, on est souvent surpris d’être face à des « offres de produits » par certains sites qu’on méconnaît, cela après avoir fait des recherches de produits similaires à leurs offres.

L’économie numérique repose en grande partie sur l’utilisation des données personnelles des internautes. «Ces données sont utilisées par certaines entreprises numériques pour financer les services qu’elles proposent. Ces entreprises collectent des données personnelles puis les utilisent pour améliorer leurs services, mais aussi pour offrir aux annonceurs publicitaires des opportunités de cibler leurs clients » selon le rapport de Génération libre, publié il y a un an. Ainsi, les données personnelles sont devenues le moteur du système du côté des internautes, plus on collecte de données, plus on connaît les utilisateurs et plus on peut leur fournir un service adapté.

Exemple simple : Un diabétique qui se rend sur un site spécialisé dans la vente de produits pharmaceutiques par exemple, en y donnant son nom, son prénom, son âge et le médicament qu’il cherche, il est possible à travers votre adresse IP, d’envoyer les informations de son identité, bilan sanitaire, etc, son produit recherché, à des sites de vente de produits pharmaceutiques qui pourront lui balancer directement leurs offres de produits.

En juin 2021, une enquête collective portée par « l’UFC-Que Choisir » qui regroupe plusieurs associations de défense des droits des consommateurs, avait visé l’application TikTok pour avoir vendu des données à caractère personnel à des annonceurs, sans le consentement de 89 millions d’utilisateurs. Le réseau social a proposé environ 92 millions de dollars pour mettre fin aux poursuites, selon le site américain.

 

La vie privée en vente à « ciel ouvert ! »

Depuis 2019, grâce à l’application « Ta-data », des jeunes de 15 à 16 ans, majorité numérique en Europe, explorent et vendent leurs données expressément. Ils renseignent pour ce faire, des questionnaires indiquant leurs nom, prénom, sexe, âge, projet d’études, en contrepartie d’une rémunération. Ces données sont ensuite revendues à des entreprises, des marques de vêtements, des écoles, des opérateurs téléphoniques qui enverront au jeune vendeur de ses propres données, des publicités sur mesure. Une option pas sans risque. Car les souscripteurs font de leur vie privée une marchandise.

 

Une plainte contre « TADATA »

En 2020, l’association Internet Society France a déposé une plainte contre la startup (Ta- Data) pour son application de vente et d’achat des données proposées aux jeunes. Mais la commission nationale de l’information et des libertés (CNIL) en France, n’a retenu aucune sanction contre Ta-Data. Depuis, le marché est devenu pertinent. Mais toujours en 2020, 13 585 plaintes ont été enregistrées sur le territoire français selon la CNIL, pour abus aux données personnelles. Le marché de l’Europe dégage encore plus de chiffres d’affaires. Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, (GAFAM) le cercle dominant le marché, s’était situé en 2020 à plus d’un trillion d’euros rien qu’en Europe, soit près de 8% du PIB, selon le rapport sur la patrimonialité des données numériques de Génération libre, publié en 2019.

Les données personnelles valent de l’or dans le business modèle des géants de la « tech ». Facebook, le géant américain, fournit un modèle gratuit pour accéder au réseau. Mais en 2004, la marque de Mark Zuckerberg, a tiré un bénéfice de 9,497 milliards de dollars rien qu’au 1er trimestre 2021, soit une hausse de 94% par rapport à 2020. Le Chiffre d’affaires de 2020 était de 85,965 milliards de dollars (70,697 milliards de dollars en 2019), soit une progression de 22% par rapport à 2019. Ce réseau social est pourtant gratuit pour ses quelques 2,85 milliards d’utilisateurs. L’accès à la plateforme est gratuit, en échange du service. L’adage selon lequel « si c’est gratuit, vous êtes le produit » prend tout son sens ici. Les utilisateurs de « Facebook » autorisent l’entreprise à collecter et exploiter leurs données personnelles. Les informations ainsi collectées permettent à Facebook d’exploiter les données de plus 2 milliards et demi d’utilisateurs. De vendre des bannières publicitaires ciblées et adaptées. Il est calculé que pour chaque utilisateur européen, le réseau social engrange en moyenne 32 euros de revenus publicitaires par an, toujours selon le rapport de Génération Libre. Si l’exploitation commerciale des données personnelles est une problématique de nos jours, faut-il encore craindre leur exploitation à des fins politiques en Europe ou aux Etats unis d’Amérique, qui sont mieux connectés que l’Afrique.

 

L’Europe,  datacenter de l’Afrique

La confiance numérique du continent pose problème si les serveurs étrangers continuent d’être le data center du continent. En matière de protection des données personnelles, les pratiques actuellement mises en œuvre par les opérateurs télécoms sur le continent présentent de réels risques de perte de leur contrôle à plusieurs niveaux. Notamment, avec les accès étrangers, souvent non contrôlés, aux données des internautes africains à travers des infrastructures mutualisées, souvent délocalisées. C’est à juste titre que le président sénégalais Macky Sall, en inaugurant en juin 2021 le Centre de données de Diamniadio, a demandé la « migration rapide » des données hébergées à l’étranger, en les rapatriant au niveau national dans des structures non conformes aux standards de sécurité et de sauvegarde. Cela pose l’équation d’infrastructures modernes dans plusieurs pays africains. Cependant, à défaut de faire émerger ces « data center », le Règlement général sur la Protection des Données (RGPD), la législation mondiale, est aujourd’hui un bréviaire qui pourrait servir de base pour protéger les africains de l’exploitation abusive.

Ousmane Tangara

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