Annonce du retrait du Mali, Burkina Faso et Niger de la Cédéao : une décision qui n’est pas sans conséquences

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Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont annoncé, dimanche, leur “retrait sans délai” de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Une décision qui ne pourrait entrer en vigueur qu’au bout d’un an conformément au traité de l’organisation sous-régionale en date du 28 mai 1975. Toutefois, la Cédéao se dit prête à une “solution négociée”.

Pour la Cédéao, ces trois pays sont “des membres importants de la Communauté”. Avant d’indiquer qu’elle “reste engagée à trouver une solution négociée à l’impasse politique” créée par l’annonce de leur retrait dimanche dans un communiqué commun. La Cédéao dit attendre encore “la notification formelle et directe” de cette décision. Un document qui ne tardera pas puisque le lundi 29 janvier, le Mali et le Burkina Faso ont envoyé cette notification à l’organisation sous-régionale.

En prenant cette décision, les autorités de ces trois pays ont formulé plusieurs reproches à la Cédéao. Elles reprochent à celle-ci de s’être éloignée des idéaux des pères fondateurs et du panafricanisme ; d’être sous influence de puissances étrangères ; de constituer une menace pour ses États membres et non-assistance dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité ; d’avoir imposé de sanctions jugées “illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables en violation de ses propres textes”.

Il faut rappeler que le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont tous trois suspendus des instances de l’organisation. Pourtant, celle-ci prévoit dans son Traité au moins cinq types de sanctions « en cas de non-respect des obligations » par les États membres. Ces sanctions sont notamment : La suspension de l’octroi de tout nouveau prêt ou de toute nouvelle assistance par la Communauté ; la suspension de décaissement pour tous les prêts, pour tous les projets ou les programmes d’assistance communautaires en cours ; le rejet de la présentation de candidature aux postes statutaires et professionnels ; la suspension du droit de vote et la suspension de la participation aux activités de la Communauté.

Les élections remises aux calendes grecques

Au Mali, cela fait bientôt quatre ans que le pays traverse une transition depuis le renversement de feu IBK, en août 2020. Une présidentielle était pourtant prévue en février et mars de cette année avant que les autorités de Transition n’annoncent son report depuis septembre dernier sans qu’une nouvelle date ne soit fixée. Idem pour le Burkina Faso où la transition avait promis d’organiser une présidentielle au mois de juillet 2024.

Là encore, les autorités ont remis cette échéance aux calendes grecques évoquant des raisons de lutte contre le terrorisme. Le Niger dont le putsch est survenu, le 26 juillet 2023, à travers ses nouveaux dirigeants, a promis que la période de transition avant le retour des civils n’excédera pas trois ans. Toutefois, la fixation de la date a été laissée au soin d’un “dialogue national” dont on ne sait toujours pas quand est-ce qu’il aura lieu.

Contrairement au Mali et au Niger, le Burkina Faso n’a pas été sanctionné lors du second coup d’Etat en 2022 autre que la suspension des instances de la Cédéao. Des sanctions économiques et financières prises contre le Mali ont, elles, été levées en juillet 2022. Mais la Cédéao a menacé le pays de sanctions majeures en cas de non-respect d’un échéancier de 24 mois de transition, de même pour le Burkina Faso.

Au Niger, l’embargo a fait grimper le prix des denrées alimentaires et créé une pénurie de produits essentiels, notamment de médicaments. Contrairement aux attentes, ces sanctions ont plutôt permis aux autorités des trois pays de consolider leur pouvoir, se targuant de soutien populaire.

Des candidats à l’adhésion ne manquent

Il faut signaler qu’avec le retrait de ces trois États sans façade maritime et qui exportent l’essentiel des besoins de consommation, la Cédéao sera réduite aux 12 Etats littoraux d’Afrique de l’Ouest. Même si des candidats à l’adhésion ne manquent pas tels que la Mauritanie qui veut opérer son retour, 24 ans après l’avoir quittée, le Maroc qui a également exprimé le même souhait, l’Algérie et bien d’autres Etats. Les trois Etats sahéliens sont confrontés à des problématiques similaires d’insécurité, de pauvreté et de chocs climatiques. Ils ont aussi la particularité d’avoir rompu avec la France et de s’orienter politiquement et militairement vers la Russie. Cela, en dépit des propos souverainistes prononcés çà et là.

Pourtant, les textes de la Cédéao sont clairs en la matière. Outre le Traité qui fixe les modalités de retrait, l’organisation s’est aussi dotée, le 21 décembre 2001, d’un « Protocole Additionnel sur la Démocratie et la Bonne gouvernance additionnelle. Lequel établit que « toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes et transparentes ».

En plus, le même texte précise aussi que « Tout changement anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir ». Cela, en plus du fait que « L’armée est apolitique et soumise à l’autorité politique régulièrement établie ; tout militaire en activité ne peut prétendre à un mandat politique électif ». C’est donc en vertu de toutes ces dispositions que les sanctions ont été prononcées.

Cependant, cette décision de retrait pourrait produire des effets considérables, par exemple, pour la circulation des biens et des personnes, pour les trois pays concernés, dépourvus d’accès à la mer et pour la région ouest-africaine en proie à de nombreux problèmes. Il faut s’attendre à la fin des exemptions de visa et les exonérations de taxe, avec des incidences sur les prix.

 Cheick Bougounta CISSE

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