Pour tirer son épingle du jeu institutionnel en cours, le pouvoir de la Transition malienne doit assister à une période de radicalisation, après la phase de rectification. Par nécessité de survie ou de défense des intérêts des Maliens?
Après l’amorce de la transition, consécutive au coup d’Etat d’août 2020, Les observateurs avaient tablé sur une transition similaire à celle de 2012-2013 sous la conduite du Pr Dioncounda Traoré. Mais, c’était sans compter avec la détermination du chef d’alors du CNSP, le Col Assimi Goïta, qui était en ce moment vice-président au côté du président Bah N’Daw.
Décidé à jouer le premier rôle et insatisfait de la méthode du duo Bah N’Daw-Moctar Ouane, le col Assimi Goïta est intervenir, en mai 2021, par un coup de force pour amorcer ce qu’il est convenu d’appeler « la rectification de la Transition », pour reprendre toutes ses cartes en mains…
Mais cette phase de rectification censée passer par des réformes majeures est plutôt laborieuse avec des épreuves et des tensions entre le pays et ses partenaires internationaux.
Ce qui fera que, par exemple sur le plan du processus de paix, le pouvoir du Col Assimi Goïta fait face à des velléités de radicalisation des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Car, conscients des obstacles à la mise en œuvre de cet Accord, les ex-rebelles se sont inscrits dans une sorte de marchandage afin de peser sur la volonté de création de la fantomatique république de l’Azawad.
C’est dans ce sens que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a, il y a quelques jours, sonné le grand rassemblement de ses forces et nommer un chef d’Etat-major militaire, après avoir affiché son hostilité à désarmer. La CMA s’estt-elle inscrite dans une posture pouvant impacter sur d’éventuelles discussions futures sur le processus de paix ? La CMA s’apprêterait-elle à rompre le dialogue avec le gouvernement malien autour de la mise en œuvre de l’Accord ? Quid du rôle de médiateur en chef joué par l’Algérie dans le processus de paix ? Ce sont autant de questions qui poussent les observateurs à déplorer cette étape de radication dans la marche pour une paix définitive au Mali.
En outre, avec les efforts massifs des autorités de la Transition pour le renforcement des capacités des Forces armées maliennes, l’on peut craindre une épreuve de force pour le redéploiement de l’Administration sur l’ensemble du territoire national. Surtout que le découpage territorial en chantier peut susciter des désaccords, voire des remous au sein de certaines communautés. Cet aspect de la gouvernance pourrait aussi faire l’objet d’une radicalisation.
Par ailleurs, inquiets des divergences de vues sur la gouvernance de la transition, les états-majors politiques pourraient se radicaliser aussi pour pousser le pouvoir de Transition à renouer avec les normes démocratiques. Quid des libertés publiques et celles politiques menacées par un pouvoir militaire intimidant ? Que dire des menaces qui pèsent sur certains leaders politiques obligés de s’exiler ? Tout ce tableau pourrait pousser les acteurs sociopolitiques à une forme de radicalisation. Ce qui ne facilite en rien la concrétisation des appels à l’union sacrée au chevet du pays en crise multidimensionnelle depuis 2012.
Sans compter que l’option de rupture d’avec la domination néocoloniale de certains partenaires occidentaux est un facteur décisif de la radicalisation du pouvoir de la transition en cours. Comme quoi, à la rectification vient se greffer la radicalisation de la transition. Pour peu que cela conduise à la recherche du bien-être exclusif des Maliens ou pour la concrétisation du Mali kura appelé de tous les vœux.