En Afrique du Sud, le tourisme durable devient un moteur de croissance

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Mythique cap de Bonne-Espérance. Ce jour-là, je navigue entre chien et loup. L’heure est crépusculaire. Le brouillard s’épaissit et, comme je ne maîtrise pas mon trajet, je me trouve nez à nez avec les animaux qui vivent ici en liberté. Un élan me barre la route, un zèbre manque de passer sous la voiture…

La grande route qui lacère cette immense réserve située à l’extrême sud du continent africain s’écartèle souvent et m’offre des routes plus discrètes qui mènent à des plages désertes. Les touristes affluent, à longueur de journée et d’année dans ce parc, mais se rendent en priorité à l’extrême sud, au fameux Cape Point, alors que cette réserve naturelle protégée est immense, bordée par 40 kilomètres de côtes ! Je ne suis pas là pour faire du tourisme mais plutôt pour comprendre l’écosystème de ce bout de terre resté hors du temps. Cette réserve est devenue un temple de la biodiversité, d’ailleurs inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, et à la fois le symbole et le moteur d’un tourisme durable pour tout le pays.

Je m’aventure sur une des routes, déserte, qui tournicote en descendant en pente raide.

Tout en repensant aux centaines de marins qui ont contourné ce cap, alors appelé Cap des Tempêtes par le premier Portugais à l’avoir frôlé, Bartolomeu Dias, et qui y ont laissé leur vie.

Au loin, j’aperçois une maison isolée. Abandonnée. Qui donc a élu domicile dans ce coin aussi reculé ? La lumière tombe. Le coucher de soleil se découpe dans le ciel brumeux. Sur la plage de sable blanc déserte que je découvre, accrochée à une falaise rocheuse, un surfeur taquine les vagues. Sur la plage, sagement, deux autruches semblent le veiller. Alchimie parfaite de l’homme et de l’animal dans un décor sauvage encore intact.

Voilà l’Afrique du Sud.

Cette scène résume le tournant pris par ce pays en matière de tourisme depuis une dizaine d’années.

Une destination plus grande que nature

Le tourisme durable y est en pleine croissance. Les experts l’appellent « tourisme régénératif ». Un tourisme qui pense son avenir, qui réussit à conjuguer évasion, impact local et protection de la nature, dans un pays dont le potentiel est incroyable, conjuguant savane, plages, parcs, patrimoine culturel et vins de renom. Dans les différentes réserves d’Afrique du Sud, « l’hospitalité régénérative », celle qui prend en compte la faune, la flore et les habitants, est en pleine expansion. Et pour cause, c’est ce que cherchent davantage les touristes : aller à la découverte des animaux tout en rencontrant certaines communautés autochtones ; voyager en communion avec le pays, ce qui le constitue, c’est-à-dire sa culture et son artisanat.

Dans les réserves, nombreux sont les camps qui prônent la responsabilité pour que chacun participe à un monde meilleur. De plus en plus d’hôtels cherchent à réduire leur consommation de ressources pour tendre vers un équilibre, qualifié de « climatiquement neutre ». À l’instar de Summerfield, au nord de l’Afrique du Sud, à quelques kilomètres du Blyde Canyon.

Cette tendance, qui n’est pas propre à l’Afrique du Sud, a même été théorisée par un philosophe. Selon Baptiste Morizot, l’hospitalité régénérative implique de faire de l’hospitalité un axe de renforcement du « vivant », c’est-à-dire les habitants, les collaborateurs, les clients et l’écosystème naturel. Ainsi, le voyageur est-il nouvellement armé par son voyage. Il retrouve son identité profonde.

Un potentiel immense

Et pourtant, l’Afrique du Sud revient de loin? La part du tourisme dans le PIB ne représentait que 2,34 % du PIB en 2019, et elle a vertigineusement chuté à seulement 0,81 % en 2020 en raison du Covid. Le niveau d’insécurité reste préoccupant et décourage certains visiteurs étrangers. Les régulières coupures d’électricité n’améliorent pas la situation.

Malgré tout, l’année 2023 a été celle du retournement, et les chiffres sont limpides.

Au cours du premier semestre de 2023, le pays a vu une explosion du nombre de nouveaux touristes, en hausse de 70 % par rapport à la même période en 2022, ce sont presque 5 millions de touristes qui ont visité le pays. Selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme, le secteur du tourisme devrait croître à un taux moyen de 7,6 % par an au cours de la prochaine décennie. D’ici à 2032, la contribution du secteur au PIB pourrait atteindre 7,4 % et créer plus de 800 000 emplois !

Enfin, l’Afrique du Sud le sait, dans ces chiffres bénis du tourisme, elle doit énormément à la Russie. Le nombre de touristes russes qui ont visité l’Afrique du Sud a augmenté de 107 %, entre 2019 et 2023. La position neutre adoptée par le pays-arc-en-ciel dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine a permis d’attirer des touristes et des fortunés russes dans un pays où ils ne risquent pas de poursuites ou de gel de leurs biens.

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