Réunis en sommet ordinaire le 4 décembre 2022 à Abuja au Nigeria, les chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao ont annoncé un certain nombre de résolutions. Parmi ces résolutions, la création d’une force « anti Coup d’Etat » et de lutte contre le terrorisme est celle qui a plus attiré l’attention des observateurs. Il va sans dire que les voies et moyens, permettant de freiner « l’épidémie de coup d’Etat » qui frappe la partie occidentale de l’Afrique, doivent être recherchés. Cependant, cette méthode, pour le moins musclée, pourrait poser plus de problèmes que de solutions tant dans la forme que dans le fond. Voici pourquoi…
Dans la forme
Une force anti coup d’Etat au nom de la Cedeao ne pourrait être mise en place sans l’aval de tous les Etats membres. Lorsqu’on s’intéresse à la composition de cette force, même si elle n’est pas encore détaillée, on sait que ce sont les soldats des différents Etats membres qui la formeront. Peut-on dire que tous les pays sont favorables à cette idée en l’état actuel des choses ? Pas si sûr ! On pense notamment aux trois pays qui sont suspendus de l’instance sous régionale à savoir : le Mali ; le Burkina Faso et la Guinée.
Les deux premiers font face à des menaces terroristes. Les soldats ont d’autres chats à fouetter que de servir dans une force mixte aux contours flous et à mission presque impossible. Quant à la Guinée, l’attitude des autorités de transition vis-à-vis de la Cedeao laisse deviner qu’elles n’enverront pas de soldats dans cette force si elle venait à être mise en place. La position de ces trois pays ne doit pas être reléguée au second plan car même s’ils sont suspendus, ils demeurent membres de la Cedeao à part entière. Faire fi de cela pourrait fissurer davantage l’organisation sous régionale.
Dans le fond
Dans le fond, une telle force aurait pour mission de contrecarrer un coup d’Etat qui serait en cours dans un Etat membre. Cela reviendrait donc à dire que des soldats se battraient contre leurs frères d’arme parfois du même pays.
N’est-ce pas une manière de fragiliser les armées nationales ? Et même dans l’hypothèse où on n’enverra pas les soldats du pays qui est concerné par le coup d’Etat, et donc en formant un contingent composé uniquement des militaires d’autres pays membres, ceux-ci peuvent-ils empêcher les soldats locaux, qui connaissent mieux le terrain, de perpétrer un coup d’Etat ? Et tout cela en évitant un bain de sang ? Car il faut dire que s’il y a au moins un point positif dans les récents coups d’Etat, ce qu’ils se sont passés de manière relativement calme. Loin de nous l’idée qu’il n’y a pas mort d’homme mais il faut dire qu’on n’est loin des putschs sanglants des années 80-90.
Une piste de solution
Toutefois, cette idée n’est pas totalement à rejeter. Le second volet, à savoir la lutte contre le terrorisme, est celui qui doit être mis en avant. En effet, les coups d’Etat ne tombent pas du ciel. Ils résultent de la mauvaise gouvernance. L’insécurité est l’une des conséquences de cette mauvaise gouvernance.
Par conséquent, mettre en place une force pour lutter contre le terrorisme pourrait contribuer à améliorer la gouvernance de nos Etats. Parmi les trois pays qui ont connu des putschs ces deux dernières années, deux ont été justifiés par des situations d’insécurité. Néanmoins cela ne suffit pas. Pour mettre fin à « l’épidémie de coup d’Etat », les chefs d’Etat et de gouvernements doivent également veiller à empêcher les changements constitutionnels qui permettent aux présidents de se maintenir au pouvoir. Autrement, le travail doit être fait en amont car mieux vaut prévenir que guérir dit-on.
Bréhima Sidibé
Doctorant à CY Cergy Paris Université