Putsch au Niger : Encore de l’arrogance française !

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« Quiconque s’attaquerait aux ressortissants, à l’armée, aux diplomates et aux emprises françaises verrait la France répliquer de manière immédiate et intraitable. Le Président de la République ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts ». Ces mots de l’Elysée à travers un communiqué fait suite à une manifestation devant l’ambassade de France à Niamey. Les manifestants ont même eu à arracher la plaque avant de la piétiner, selon l’Afp.

Mais est-ce une raison pour faire une sortie pareille, des mots qui résument à suffisance l’arrogance, la condescendance française et le sentiment d’être en terre conquise lorsqu’il s’agit de l’Afrique, notamment francophone. La France promet de répliquer de manière immédiate à quiconque s’attaque à ses ressortissants ou intérêts. Emmanuel Macron devrait d’abord expliquer comment il va s’y prendre. Va-t-il envoyer les forces anti émeutes de la France pour casser les manifestants à Niamey ? Ou alors est-ce que ce sont les militaires français au Niger qui seront chargés d’intervenir pour discipliner la foule.

Certes, la France a de quoi craindre l’arrivée d’un pouvoir militaire au Niger. Chassée du Mali, puis du Burkina par des hommes en treillis, la France s’était réfugiée au Niger. Niamey semble être donc le dernier bastion de l’armée française au Sahel. Mohamed Bazoum s’était montré particulièrement coopérant, allant même jusqu’à se livrer à des attaques contre le pouvoir militaire au Burkina Faso.

C’est dire donc que Paris n’a aucun intérêt à voir débarquer des hommes dont il ne connaît pas les intentions. Si jamais la junte ayant déposé Bazoum ne veut pas de soldats français au Niger, la France pourra dire bye bye au Sahel.

Malgré tout, dans ce contexte sensible, le silence est d’or, surtout lorsqu’on est la cible privilégiée. Paris pouvait se contenter d’une condamnation de principe et d’un appel au retour à l’ordre constitutionnel comme l’on fait d’autres pays.

Mais avec le reflex néocolonial et l’arrogance du ‘’maître’’, les autorités françaises oublient de se poser la question de fond : à qui reviennent les affaires du Niger ? Aux Nigériens ou au président français ? La France aurait-elle eu la même réaction si cette manifestation s’était déroulée au Qatar, au Brésil ou en Inde ? On peut même parier que la réaction serait différente s’il s’agissait de l’Algérie, voisine du Niger qui a eu une histoire plus tumultueuse avec la France.

Dans le communiqué, l’Elysée se permet d’ajouter que « la France soutient par ailleurs toutes les initiatives régionales », sachant que la Cédéao parle d’un possible usage de la force. Autrement dit, Paris affirme sa disponibilité à intervenir (encore une fois, après la Libye) sous couvert de l’instance régionale. Pourvu que ses intérêts soient saufs !

Et pourtant, c’est ce même gouvernement qui, par la voix de Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères disait ceci en octobre 2022, lors d’une question d’actualité au Sénat : « La vérité, c’est aussi que nous nous interdisons toute ingérence, comme nous l’avons montré au Burkina Faso ces derniers jours ».

Voilà donc ce genre de  »maladresse » et de contradiction qui nourrissent quotidiennement le sentiment anti-français en Afrique. Un fait pour lequel Paris s’inquiète mais reste impuissant.

« Il y a vingt ans, en Afrique, les slogans anti-français étaient du style :  »On en a marre !  » ; aujourd’hui, le slogan récurrent est : « France dégage ! ». Nous sommes donc en droit de nous inquiéter sur la nature du slogan de demain », relevait le parlementaire Stéphane Demilly.

A l’absence de réponse, on accuse toujours la Russie d’être derrière, de manipuler les jeunes, les militaires, certains partis politiques…. Comme si les Africains étaient condamnés à choisir entre la peste française et le choléra russe.

Ps : La légitimité ou non du putsch n’est l’objet du papier. Il est clair pour nous qu’un coup d’Etat ne se justifie pas toujours dans un pays en crise, à plus forte raison dans un pays sans aucune crise politique. Surtout lorsqu’un président est bien élu comme Bazoum l’a été avec à la clé une belle leçon de démocratie de la part de Mahamadou Issoufou qui s’est gardé de tenter le diable du troisième mandat.

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