Protection des forêts : La Guinée montre la voie à suivre pour freiner le trafic du bois de vène

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Selon des sources médiatiques, le gouvernement guinéen (Guinée-Conakry) vient d’intenter un procès contre des cadres du ministère de l’Environnement suite à une enquête du site «Presse Investigation». Celui-ci a en effet révélé comment plus de 400 conteneurs de bois de vène avaient été frauduleusement exportés en Chine. Un exemple qui doit inspirer nos autorités de la Transition d’autant plus que des quantités importantes du bois de rose continuent à être abusivement coupées et frauduleusement exportées vers la Chine. Et des soupçons pèsent sur des services techniques, des élus et des notabilités.

Plus de 400 conteneurs de bois de vène frauduleusement exportés en Chine à cause de la levée partielle de la suspension de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) ! Un scandale que le ministère guinéen de l’Environnement et du Développement durable gérait en sourdine jusqu’à la publication d’un article d’investigation le 17 décembre 2023. Et selon «presseinvestigation.com» (proche du Réseau des journalistes enquêteurs africains), c’est une source guinéenne en provenance de la Chine qui a fait la révélation à l’un de ses journalistes.

Et depuis que le scandale a éclaté au grand jour, les conteneurs de bois mis en cause ont été saisis en Chine et la CITES a pris des sanctions contre ses représentants locaux en Guinée car les soupçonnant d’avoir manqué à leur rôle. Son point focal a ainsi été démis de ses fonctions. Et l’organisation attend des autorités guinéennes de situer les responsabilités et d’engager des poursuites judiciaires contre tous les cadres de l’administration impliqués dans cette affaire.

Il serait aussi intéressant que la CICES s’intéresse au cas malien car elle est liée à notre pays par une convention entrée en vigueur le 16 octobre 1994. En effet, le trafic du bois de vène vers la Chine via notre pays ne cesse de prospérer. Et selon une enquête de l’ONG américaine «Environmental investigation agency» (EIA), le commerce illégal du bois précieux repose sur «un réseau bien établi de corruption». Elle soupçonne des services techniques, des élus et des notabilités de fermer les yeux sur le pillage des forêts où le «bois de rose» (bois de vène) est coupé massivement et exporté vers la Chine, en passant principalement par le port de Dakar.

«Contre 25 000 F Cfa (environ 45 dollars) offerts à des chefs de village, peu soucieux du devenir de leurs communautés, les Chinois arrivent à piller une bonne partie des forêts maliennes, en complicité avec quelques hommes d’affaires véreux et des autorités haut placées. Au plus, leurs intermédiaires déboursent 50 000 F Cfa, pour arriver à remplir plusieurs camions», a dénoncé un reportage (investigations) réalisé par un consortium de journalistes sénégalais après une formation sur le journalisme d’investigation initiée par la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique. Une enquête possible grâce au soutien du Rainforest Journalism Fund (RJF) et du Pulitzer Center.

Selon nos confrères, jusqu’en juin 2022, une bonne partie du bois malien (à l’instar des autres produits intercontinentaux), passait par le port de Dakar. «Au minimum 7 000 containers y transitent par an au compte de la Générale industrie du bois. Pour 2019, l’entreprise avait exporté près de 8 000 tonnes», a dénoncé l’une de leurs sources avec des documents à l’appui. D’après les estimations des experts contactés par le consortium, un container de bois fait environ 27 tonnes. Il est vendu sur le marché à environ 450 000 F Cfa la tonne et à 2 000 dollars en Chine (1 100 000 F Cfa). Si l’on se fie donc aux chiffres de 2019, la société avait fait plus de 93 milliards de francs Cfa de chiffres d’affaires aux dépens du Mali dont les forêts continuent d’être ravagées.

«Vendu en Chine, la valeur était autour de 416 millions de dollars, soit environ 230 milliards de francs Cfa. Une manne financière colossale pour les trafiquants et leurs complices au Mali». Un judicieux commerce pratiqué en toute illégalité car, la loi malienne exige que pour couper du bois il faut non seulement un plan d’aménagement des forêts où la coupe est effectuée, mais également un certain niveau de transformation. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Depuis des décennies, notre flore d’espèces rares et menacées est dévastée au vu et au su de tous (la presse malienne, africaine et internationale ont fréquemment dénoncé ce crime contre l’environnement), en toute impunité !

Hamady Tamba

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