Problématique du nord du Mali : Anticiper et éviter les faux-fuyants !

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S’il devrait exister aujourd’hui  dans notre pays une préoccupation nationale majeure, ça serait sans aucun doute  celle de la  conservation du Nord du Mali en général et de Kidal en particulier dans le giron de l’État indivisible. Celui-ci déploierait son administration, son armée et l’ensemble de ses services techniques et sociaux de base sur toute l’étendue du territoire national au bénéfice de l’épanouissement des populations, de leur protection et du développement local.

Nous sommes unanimes,  être très loin de ce tableau, qui pourrait s’apparenter d’ailleurs à une vue d’esprit ou à un vœu pieux, lorsqu’on prend langue avec certaines réalités du terrain.

Etre attentif à la question du septentrion

Soyons attentifs et faisons attention, sinon le Nord du Mali risquerait de  nous échapper, comme le silure s’échappe du pêcheur inexpérimenté, qui l’attrape dans l’eau. Nous n’aurions alors que nos yeux pour pleurer en nous réfugiant dans la logique victimaire, tout en portant la responsabilité de nos négligences, de nos fautes et de nos irresponsabilités aux autres.

Ça bouge et ça bouillonne au Nord du Mali et ça doit inquiéter. La lettre datée du 10 Décembre du Président de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) adressée au Ministre des Affaires étrangères de l’Algérie, qui continue à faire le tour des réseaux, doit sonner comme une alerte forte dans les oreilles des analystes et du pouvoir et leur permettre d’éviter les conséquences néfastes de notre géostratégie endogène.

En effet, les choix stratégiques internationaux de nos autorités et les fronts qu’elles ont cru bon devoir ouvrir avec certains pays, commençant par la France, ont contribué  soit à exclure, soit à mettre entre parenthèses ou à fustiger la quasi-totalité des garants auprès des Nations-Unies (hormis la Russie) de l’accord de paix issu du processus d’Alger.

La configuration  de la médiation internationale, dont les efforts ont contribué à la signature du document, se trouve donc être modifiée à telle enseigne que la CMA, qui compte en son sein le principal mouvement armé séparatiste signataire dudit accord; prend de plus en plus conscience que l’unique instrument juridique au monde qui la lie à l’Etat du Mali et qui a permis, jusque-là, à calmer les ardeurs des indépendantistes azawadiens en son sein, se vide de tout son contenu.

Contexte d’insécurité généralisée

Cette situation s’imbrique à un contexte d’insécurité générale dans pratiquement tout le septentrion de notre pays;  et auquel les mouvements armés, toutes composantes réunies, font face en y payant un lourd tribut à l’absence de notre armée dans biens de situations. Ces combattants de la CMA et de la Plate-forme sacrifient ainsi leurs vies, face à des terroristes, pas pour le Mali en premier lieu, mais surtout pour la défense de leurs terroirs, de leurs populations et de leurs ressources.

Si vous ajoutez à ces phénomènes les dernières fautes politiques commises par nos autorités, relatives à ces affaires du Conseil national de Transition (CNT), de déficit budgétaire de plus 600 milliards F CFA,  d’augmentation des privilèges des responsables,  de suspension des financements français transitant par certaines ONG, avec ces lourdes conséquences incontestables sur les populations les plus vénérables, sans alternatives efficaces ;  tout cela sur fond de luttes politiciennes à Bamako, pour des intérêts généralement individuels et partisans ; il y a matière à réfléchir.

La CMA opte ainsi pour l’anticipation, car elle sent que l’accord, pour la signature duquel elle a été contrainte (contrairement à ce que beaucoup pensent) est en train de perdre ses principaux ressorts internationaux. Pour avoir le cœur net sur ses présomptions et faire encore place à la paix, elle saisit le chef de file de la médiation internationale, pour se faire une idée claire de ce que pourrait représenter l’accord aux yeux du Mali  et du monde. Voilà tout le sens de la lettre d’Algabass Ag Intalla.

Dans cette démarche, la CMA continuera à renforcer ses mesures de précautions. Dans les jours qui suivront la tentative de rassemblement de l’ensemble des mouvements armés, qui est née il y a un peu plus d’un an maintenant en Italie avec le Cadre Stratégique Permanent( CSP), mais qui avait été confrontée à quelques bisbilles,  se verra renforcée avec cette fois un objectif de fusion totale entre tous les mouvements signataires de l’accord. Ce projet, qui échouera difficilement pourrait poser, dans un futur proche, au moins 2 exigences :

1-La relance immédiate de la médiation internationale avec l’ensemble des pays qui la composent, dont la France en tête ;

2-La tenue imminente du bilan et de l’audit de l’accord.

Deux (02) hypothèses peuvent être alors émises:

1-Les revendications des mouvements unifiés sont acceptées et les cartes sont rabattues,

2-L’Etat malien s’y oppose à cause de l’extrême froideur des relations qui le lie à la France  et ça sera le statuquo. Face à ce cas de figure, la CMA pourrait décider de remettre totalement l’accord en cause et d’en sortir, avec une forte possibilité de drainer avec elle, même les mouvements qualifiés de pro-gouvernementaux, car tous exigent aujourd’hui l’application de l’accord.

Que faire en cas de dénonciation de l’Accord ?

A l’analyse des dynamiques politique et sécuritaire de notre pays, sauf erreur de ma part, la seconde hypothèse est celle qui se dessine de plus en plus avec la question suivante :

Que ferions-nous si elle se confirmait ?

Il faut certes s’attendre à des réactions superficielles, émotives et alambiquées qui nous conditionneront à voir encore la main éternellement manipulatrice de la France, qui serait un allié inconditionnel de la CMA. Je profite pour vous informer  que la France est plus détestée à Kidal qu’à Bamako….

Bref,  je repose ma question.

Que ferions-nous si la CMA actait, dans les prochaines semaines, sa sortie de l’accord au profit de l’indépendance de l’Azawad?

Tout compte fait, soyez en sûrs, que les prochains jours ouvriront un tournant décisif, soit pour la stabilité ou le contraire dans notre pays, tant sur le plan sociopolitique que sécuritaire.

La bonne  nouvelle, c’est qu’il y a des solutions et de vraies solutions définitives. Je suis de ceux qui pensent que le problème du nord du Mali est l’un des problèmes les plus faciles à régler, si et seulement si nous décidons de nous assumer, au lieu de continuer dans le faux fuyant.

Bienvenus à l’avance à ceux qui me traiteront d’apatride, d’oiseau de mauvaise augure, d’alarmiste, d’anti-Transition ou de pro-Français !

Fabou KANTE (président du mouvement Tabalé)

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