Lutte contre la corruption au Mali : Le Gouvernement ne doit-il pas revoir sa stratégie ?

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La lutte contre la corruption et la délinquance financière occupe une place de choix dans la gouvernance sous la transition dirigée par le colonel Assimi Goita. Ce combat soutenu par une frange importante du peuple ne doit pas être un motif d’ébranler tous les fondements de notre économie au risque de la faire effondrer. S’il est normal de mener une lutte implacable contre la corruption il est tout aussi utile de préserver l’économie en protégeant les acteurs que sont les opérateurs économiques et les sources de financements qui permettent de renflouer les caisses de l’Etat. Ne faudrait-il pas manier le bâton et la carotte ? Les opérateurs économiques qui ont servi avec loyauté et patriotisme le pays pendant plus de quarante ans ne méritent-ils pas d’être protégés ? Quid des failles de nos textes qui font des victimes innocentes ?

Pour rappel  sous nos tropiques l’économie repose sur les recettes douanières et les taxes payées par les opérateurs économiques et les entreprises, or les acteurs de ces secteurs souffrent souvent de harcèlement  fiscal, de chasse aux sorcières ou même de règlement de compte, toutes choses qui peuvent faire ébranler l’économie. Les opérateurs économiques  sont véritablement à bout de souffle et  ont besoin d’un climat serein et des garanties pour pouvoir mener leurs activités commerciales afin de renflouer les caisses de l’Etat. En effet, les opérateurs économiques tout comme les industriels sont les véritables pourvoyeurs de l’économie  dans notre pays, donc toute politique tendant à mettre du bâton dans leur roue fait infailliblement couler l’économie d’où la nécessité pour l’Etat d’avoir  la carotte et le bâton. La stratégie jusque-là utilisée par le gouvernement semble montrer ses limites et fait fuir les capitaux vers d’autres horizons où le climat des affaires est serein et propice. En effet, tous les régimes ont fait de la lutte contre la corruption leur cheval de bataille. D’Alpha Oumar Konaré à IBK en passant par ATT chacun de ces Présidents avait fait de la lutte contre la corruption sa priorité,  mais en utilisant des méthodes  beaucoup plus flexibles, bref en maniant le bâton et la carotte. Si la lutte contre la corruption pourrait être classée parmi les points positifs du bilan de la transition d’Assimi Goita, la manière de mener cette lutte peut bien être discutable voir critiquable.  Le président  semble faire feu de tout bois en privilégiant la méthode forte celle de l’arrestation et de la détention, souvent à longue durée sans jugement. Toutes choses qui sont  aux antipodes des réalités socioculturelles maliennes. Nul ne doit soutenir l’impunité encore moins la corruption qui gangrènent malheureusement notre économie, mais nul ne doit non plus faire fi des réalités socioéconomiques de notre pays et surtout des failles de nos textes qui induisent non seulement certains opérateurs économiques en erreur, mais aussi les exposent à la faute. D’où la pédagogie avant la coercition avec ses conséquences graves sur l’économie.

C’est sans nul doute le cas de certains grands opérateurs économiques qui ont travaillé avec  rigueur, loyauté et abnégation  dans le pays depuis plus de quatre décennies et qui semblent avoir des démêlées judiciaires qui défraie la chronique. Loin de nous le sentiment de les disculper, mais de par leur poids sur l’économie, leur longévité dans le monde des affaires, leur apport dans l’économie et même leur rigueur dans l’observation des principes, on peut affirmer sans risque de se tromper qu’ils ont dû être induit en erreur, donc une erreur qui pourrait être réparée à l’amiable sans en faire une affaire judiciaire. Compte tenu du rôle que ces opérateurs économiques jouent tant sur le plan financier que social, il est du devoir de l’Etat de les protéger afin de préserver ses intérêts financiers. Une économie comme celle du Mali n’est nullement forte pour entreprendre certaines actions, elle repose sur des bases encore  fragiles, donc vouloir  trop redresser la barre, elle risque de se casser. La meilleure manière de lutter contre la corruption n’est pas forcement la mise sous mandat de dépôt des contrevenants, mais procéder à de la pédagogie, toiletter les textes  et mettre des gardes fous pour empêcher en amont des actes de corruption. En attendant de réunir les conditions pour une telle lutte il demeure indispensable de manier la carotte et le bâton au grand bonheur du peuple pour qui la justice est rendue.

Youssouf Sissoko

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