Extrémisme violent au Sahel : un cercle vicieux à enrayer

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Alors que la crise du Sahel entre dans sa dixième année, la violence aveugle à laquelle sont confrontées les populations locales prises au piège entre diverses organisations affiliées à Al-Qaïda et à l’État islamique, d’autres groupes armés non étatiques et des opérations antiterroristes obligent un nombre toujours croissant de civils à fuir, entraînant le déplacement forcé de plus de 2,8 millions de personnes au Mali, au Niger et au Burkina Faso.

Représentant souvent la seule stratégie d’adaptation disponible, le déplacement expose cependant les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) et les réfugiés à des situations encore plus précaires, tout en soulevant des défis importants pour les communautés d’accueil.

À travers une exploration initiale des interconnexions complexes entre déplacement de masse et extrémisme violent, il ressort que cette situation constitue à la fois l’un des symptômes les plus tangibles et un facteur potentiellement aggravant de la crise qui sévit au Sahel.

Plus précisément, ce déplacement massif des populations résulte de la montée de la violence armée qui sévit dans la région. De plus, cette situation perpétue les conditions propices à l’extrémisme violent en augmentant les tensions et les griefs locaux qui sont connus pour être exploités par des groupes extrémistes violents.

Au Mali, on compte près de 400 000 personnes déplacées internes. À ceux-ci s’ajoutent plus de 200 000 de nos compatriotes toujours réfugiés dans les pays voisins tels que la Mauritanie, le Niger et le Burkina Faso.

Fuyant les conflits, ces personnes sont dans une vulnérabilité extrême. Même en dehors du pays, elles sont souvent victimes d’attaques terroristes perpétrées au niveau des camps où elles vivent. Elles sont confrontées à des conditions de vie très précaires. Les assistances qui leur sont apportées sont très en deçà de leurs besoins.

D’aucuns craignent que les autorités ne se détournent de l’attention portée à ces personnes vulnérables avec la suppression du poste de ministre délégué auprès du ministre de la Santé et du Développement social, chargé de l’Action humanitaire, de la Solidarité, des Réfugiés et des Déplacés, qu’occupait l’une des figures du M5-RFP, l’Imam Oumarou Diarra. Sans compter le retrait en cours de la Minusma qui risque également de beaucoup affecter ces personnes.

En effet, la Minusma assiste énormément de personnes déplacées internes dans plusieurs localités du pays telles que Ménaka où la majorité des 40.000 déplacés internes que compte la région vivent près du camp de la Minusma. Au-delà de cette situation, celle-ci transporte également les humanitaires dans plusieurs localités enclavées afin de porter assistance à des déplacés.

C’est dire toute l’urgence de prévoir un plan pour que ces personnes ne deviennent des proies faciles qui peuvent être exploitées par toutes sortes de criminels dont les terroristes. Lesquels pourraient profiter de leur frustration et de leur vulnérabilité pour les enrôler et les pousser à commettre l’irréparable.

Cheick B. CISSE

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Le grand bazar des armes au Sahel, entre profits et misère

Le commerce illégal croissant des armes au Sahel alimente l’instabilité et le terrorisme, nécessitant un soutien international et des stratégies globales pour s’attaquer aux causes profondes. De nos jours, cette région est devenue une plaque tournante du commerce illégal d’armes et d’autres activités criminelles.

S’étendant sur 6 000 kilomètres à travers le continent africain, le Sahel abrite 300 millions de personnes du Sénégal au Soudan, dont beaucoup sont actuellement aux prises avec la sécheresse et l’impact du changement climatique. Dans ce contexte, le marché croissant des armes illégales est alimenté par les tensions intercommunautaires, l’extrémisme religieux et la concurrence pour les ressources.

Dans le même temps, l’absence de contrôle gouvernemental a permis à des acteurs non étatiques de s’emparer du marché, déplaçant des millions de personnes et ouvrant des opportunités lucratives aux trafiquants d’armes.

Le commerce opère à travers des centres d’affaires dans les villes et les villages le long des routes de transport cruciales. Alors que les parties impliquées dans ces conflits se multiplient, la demande d’armes à feu et de munitions augmente également, transformant la région en un marché prospère pour les trafiquants d’armes illégaux.

Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), même les rançons des enlèvements sont acheminées vers ce marché pour acquérir plus d’armes. La Libye, l’Algérie et le Soudan jouent un rôle important dans cet environnement commercial instable. L’intervention de l’OTAN en Libye en 2011 a été un catalyseur du marché illégal des armes au Sahel.

Ainsi, ces armes pillées entrent au Mali, aggravant la situation sécuritaire déjà précaire. Au Soudan, le conflit en cours a encore stimulé le commerce des armes dans la mesure où des soldats vendent leurs armes pour s’assurer des produits de première nécessité comme la nourriture. L’État islamique et d’autres organisations terroristes ont capitalisé sur ce marché illicite, utilisant des armes facilement disponibles pour étendre leurs opérations et leur influence régionales.

Cette situation a transformé le Sahel en incubateurs majeurs de terrorisme et d’extrémisme violent, créant un cycle auto-entretenu de violence et de trafic d’armes. Mais cette activité de marché noir en plein essor n’est pas sans contre-mesures. Les efforts des organisations internationales et des opérations conjointes ont entraîné une augmentation de 105% des saisies d’armes entre 2017 et 2021.

Des initiatives régionales telles que l’Initiative d’Accra 2017 et l’initiative « Faire taire les armes » de l’Union africaine s’emploient à lutter contre ce commerce rentable en se concentrant sur les opérations conjointes, le renforcement de la résilience et l’assistance technique pour le contrôle des armes légères.

Cependant, la nature lucrative du commerce illégal des armes en fait un problème difficile. Les profits élevés et le désespoir des personnes impliquées créent une demande persistante d’armes. Selon la sous-secrétaire générale des Nations unies pour l’Afrique, Martha Ama Akyaa Pobee, il est nécessaire d’obtenir un soutien politique et opérationnel international pour résoudre efficacement le problème.

Il est connu de tous que le coût humain de ce commerce illicite est dévastateur. En effet, les communautés sont submergées par l’afflux de personnes déplacées en quête de sécurité tandis que les auteurs continuent d’en profiter. Sans une stratégie globale axée sur les causes profondes et fournissant un soutien durable aux régions touchées, l’instabilité du Sahel et le commerce d’armes rentable qui y prospère persisteront.

Cheick B. CISSE

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