Dissolution de l’association des éleves et étudiants du mali (AEEM) : Être un pilier de la démocratie confère-t-il le droit d’être au-dessus des lois ?

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«Si nous ne pouvons pas contribuer à la recherche d’une solution à un problème, nous devons nous taire tout simplement». Malheureusement, cette sagesse manque à beaucoup de nos responsables politiques.

En effet, le 13 mars 2024 l’opinion nationale et internationale ont été informées à travers un communiqué du gouvernement, de la dissolution de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), lors de son traditionnel Conseil des ministres, tenu ce même jour.

Cette décision du Conseil des ministres intervient après la suspension de toutes les activités de l’association dans l’espace scolaire et universitaire jusqu’à nouvel ordre suite au décès d’un étudiant et plusieurs blessés graves lors des affrontements entre les différents clans rivaux.

La décision de dissolution de l’AEEM est motivée, selon le gouvernement, par de «nombreux agissements d’une extrême gravité dont s’est livrée l’association estudiantine depuis plusieurs années. À plusieurs reprises, elle a été accusée d’être responsable de violences et d’affrontements dans le milieu scolaire et universitaire, caractérisés par de nombreux accrochages à mains armées entre les différents clans de ladite association», peut-on lire dans le communiqué. Ce qui est pour le gouvernement, «un détour de l’association de ses missions qui est la défense des nobles causes des élèves et étudiants conformément à ses objectifs réels», a-t-il fait savoir.

Les agissements en cause, poursuit le communiqué, sèment des troubles au sein de l’espace scolaire et universitaire et provoquent des perturbations des cours, des assassinats, des meurtres et des destructions de biens publics et privés par des manifestations violentes de rues et des ports illégaux d’armes.

Si les accusations énumérées, formulées contre l’association des élèves et étudiants du Mali se révélaient vraies et qui ont justifié, selon les autorités sa dissolution, pensez-vous réellement qu’il devrait en être autrement ?

L’AEEM est une association de droit malien créée par suivant le récépissé de déclaration d’association N°10281/MAT-DNAT du 20 avril 1991. À ce titre, n’est-elle pas soumise à la même loi que toute autre association en République du Mali ? L’AEEM est-elle la seule association à subir ce sort parce que accusée de même violation de la loi qui régisse les associations en république du Mali ? Alors qu’on cesse de jouer avec notre conscience pour nous enfoncer dans un amalgame qui consiste à dire que l’AEEM est un des piliers de la démocratie et que sa dissolution serait une cabale contre le Mouvement démocratique. Penser ainsi, c’est tout simplement manquer d’inspiration pour contrer une transition dans laquelle on ne trouve pas son compte. C’est un argument fallacieux, tendancieux qui peinerait à tenir face à l’évidence. Il n’est un secret pour personne que l’AEEM des étudiants, pour les étudiants, par les étudiants n’existe plus depuis belle lurette. Il serait donc d’une cécité intellectuelle de ne pas voir ou du moins de refuser de voir qu’aujourd’hui est née au sein de cette association dite estudiantine une oligarchie prédatrice au service d’une classe politique cherchant à s’abreuvoir dans tous les régimes politiques. Que l’on cesse de jouer avec notre sentiment en nous faisant croire que la dissolution de l’AEEM est une violation des droits des élèves et étudiants du Mali et une atteinte à la démocratie et à la liberté d’association. Soutenir cet argumentaire relèverait tout simplement du refus de reconnaître ses parts de responsabilités dans cette déconfiture de l’association estudiantine pour se complaire dans la manipulation.

Sinon, avant d’être pilier de la démocratie, comme l’on se plaid à le signaler, l’AEEM est avant tout une association ayant une reconnaissance officielle à travers un récépissé qui lui est délivré par une autorité. L’obtention de ce papier lui confère certes des droits mais aussi lui assigne des devoirs et surtout lui fixe les limites de sa liberté dans le cadre de l’exercice de ce droit. Il est indéniable aujourd’hui que l’association a outrepassé toutes les limites de droits jusqu’à ce que sa dissolution fût mentionnée parmi les recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR). Depuis lors, en tant que démocrates convaincus et défenseurs des droits des étudiants et de la liberté d’associations, qu’avez-vous entrepris auprès des dirigeants des élèves pour leur éviter ce qui leur arrive aujourd’hui ? Rien.

Vous prétendez dire que c’est une violation des droits des élèves et étudiants alors que vous le savez pertinemment que la défense de ces droits n’est plus une priorité de l’AEEM depuis que vous avez signé un accord politique avec elle, soit- disant pour une école apaisée et performante.

Et parlant d’atteinte à la liberté d’association, pouvez-vous nous en citer un seul exemple ? Car, à ce que nous sachons, l’AEEM n’a jamais vu une de ses réunions, meetings ou regroupements quelconques interdit par les autorités de cette transition. Ce qui est reproché à l’AEEM, c’est loin de vouloir tenir un rassemblement ou de s’exprimer sur les problèmes qui le concerne, mais c’est être toujours responsable des violences, des agressions physiques suivies de morts d’hommes, de détention illégale d’armes dans leur propre espace et au cours de leurs propres rassemblements, toutes choses qui vont en violation de la loi N°04-038 du 5 août 2004 relative aux associations. Alors, faudrait- il les laisser continuer à s’entre- tuer, à se blesser et s’en tenir simplement au décompte du nombre de morts et de blessés ? Être un pilier de la démocratie confère-t-il le droit d’être au-dessus des lois ?

Face à l’évidence, la sagesse recommanderait plutôt de jouer à l’apaisement pour parvenir à une solution pacifique. Au lieu de s’activer sur les réseaux sociaux en tenant des discours va-t’en guerre,  il serait mieux pour l’ancienne AEEM de faire son mea-culpa,  demander pardon aux Maliens, surtout aux familles endeuillées  et aux victimes innocentes de ses barbaries, ensuite passer à un examen critique sans complaisance de tout ce qui a pu se passer pour poser les vrais diagnostics et trouver les vraies solutions aux problèmes et repartir sur de nouvelles bases, cette fois ci, en privilégiant les intérêts seuls des élèves et étudiants du Mali. C’est de là où résiderait son salut.

De ce fait, tout acte contraire de la part de ces anciens responsables serait contreproductif pour les élèves et étudiants dont ils prétendent défendre ses intérêts. Car, à l’heure actuelle, la dissolution de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) est plus qu’une bénédiction, c’est une libération des élèves et étudiants désireux des études et soucieux de leur avenir, du joug de cette oligarchie prédatrice qui s’est forcée sous le couvert des élèves et étudiants du Mali.

Daouda DOUMBIA

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