Après l’échec d’une tentative d’enlèvement en Turquie, l’ancien Premier ministre ivoirien atterrit sur la terre africaine du Niger et du Burkina Faso. Les secousses telluriques de son arrivée dans les capitales de ces deux pays ont été senties à Abidjan. Prises de panique, les autorités ivoiriennes ont aussitôt mis en branle la machine judiciaire contre celui qui est aujourd’hui considéré comme la bête noire du président Ouattara. Ce rapprochement avec les auteurs des coups d’État est vu d’un mauvais œil en Côte d’Ivoire, où le valet français ne s’est plus sur quel pied il faut danser.
Après des années d’absence hors du continent, Guillaume Soro, ancien Premier ministre, ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, est de retour sur le sol africain. Il a été reçu en audience, la semaine derrière, par les présidents de transition du Niger et du Burkina Faso. Cette visite aux chefs de l’État nigérien et burkinabé, deux militaires arrivés au pouvoir à la suite de coups d’État, en froid avec le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara (ADO), considéré comme acteur principal des sanctions prises contre leurs pays sous pression française, a provoqué un séisme au bord de la lagune Ebrié. Conséquences : les autorités ivoiriennes ressortent du tiroir les dossiers de la justice pour l’intimider. Il s’en moque, continue son chemin comme si de rien n’était.
“J’annonce ici et maintenant que je mets fin à mon exil car il m’est pénible de vivre loin de ma terre ancestrale et natale d’Afrique“, a déclaré M. Soro, dans une allocution de cinq minutes, publiée sur son compte X (ex-Twitter). L’appel aux cadres de son parti, Générations et peuples solidaires (GPS), à “travailler sur le terrain pour assoir” leur “organisation“, “capable de relever le défi présidentiel“. ‘‘Il n’y a pas de raison de ne pas être candidat à la prochaine présidentielle’’. “Ni la prison, ni l’exil, ne sont un frein à une carrière, à un destin politique“. Ces déclarations de l’ancien chef du gouvernement ivoirien ne sont pas prises à la légère. Elles sont d’ailleurs considérées à Abidjan comme une déclaration de guerre, créant la panique chez les autorités ivoiriennes qui font feu de tout bois pour tuer le poussin dans l’œuf. Et elles ne sont pas de nature à apaiser un climat socio-politique déjà pollué par la dissolution de son mouvement politique, Générations et peuples solidaires (GPS) en juin 2021, par le débat d’une éventuelle candidature du président ADO à la présidentielle de 2025, par une augmentation des prix des produits de première nécessité et une forte migration des bras valides vers l’eldorado européen, malgré la croissance économique tant vantée par les institutions étrangères.
La main tendue des chefs d’État de l’Alliance des États du Sahel (AES), une nouvelle organisation militaire sous- régionale créée en septembre dernier par le Burkina Faso, le Mali et le Niger, trois pays sanctionnés par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), ne serait pas du goût du chef de l’État ivoirien. Il voit en cette alliance un instrument de déstabilisation de son pays. Et les audiences accordées par le général Abdourahamane Tiani, président de transition du Niger et le capitaine Ibrahim Traoré, chef de l’État burkinabé, ont été senties comme des secousses telluriques au palais présidentiel ivoirien. Elles ont mis M. Ouattara hors de lui-même. Il multiplierait des initiatives en direction des présidents de l’AES pour éloigner Guillaume Soro de la sous- région. C’est ainsi qu’il a profité du sommeil de l’Arabie Saoudite pour rencontrer le Premier ministre nigérien, Ali Lamine Zeine.
Ajoutées à cela, les réactions des peuples de l’AES. Ils sont en colère contre Alassane Dramane Ouattara. Ils l’accusent d’être le responsable des sanctions contre leurs pays et le considèrent comme un pion de la France impérialiste pour instrumentaliser les organisations de la région contre les régimes militaires qui bénéficient du soutien populaire.
Cette main tendue coupe déjà le sommeil du président Ouattara qui souffle le chaud et le froid pour la simple raison qu’il ne compte pas d’amis au sein de l’AES. Comme dit un adage de chez nous, l’ennemi de mon ennemi est mon ami. L’ancien Premier ministre, Soro, en homme politique bien avisé, n’a pas choisi ce regroupement au hasard. Il sait que les relations actuelles entre le Burkina Faso, le Mali, le Niger et la Côte d’Ivoire ne sont pas au beau fixe. La brèche dans laquelle il s’est engouffré lui donnera-t-il les moyens nécessaires pour un retour en Côte d’Ivoire ? Dans tous les cas, sa présence dans ces trois pays est une autre menace pour le régime du président Alassane Dramane Ouattara.
Malgré ce soutien à son ennemi juré, le président ADO va-t-il se laisser faire ?
Yoro SOW
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