A l’issue du 14e congrès de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), organisé du 26 au 27 avril 2024 au Cicb, Yacouba Katilé a été réélu Secrétaire général pour un nouveau mandat de 5 ans. Pour ce 3e mandat successif, celui qui préside aussi le CESC (Conseil Economique Social et Culturel) dirige un bureau (largement remanié) de 53 membres. Deux jours plus tard, le 29 avril 2024, il nous a reçu dans son bureau à la Bourse du Travail pour nous parler à cœur ouvert. En plus de ce congrès et de ses priorités pour ce 3e mandat, M. Katilé nous a aussi donné son analyse des questions qui focalisent l’actualité nationale ces dernières semaines. Interview !
Le Matin : Quels sont les sentiments qui vous animent après votre réélection comme Secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) pour un nouveau mandat de 5 ans ?
Yacouba Katilé : C’est un sentiment de reconnaissance à l’endroit de mes camarades, de l’ensemble des militants. Cette réélection est une reconnaissance des efforts que nous avons eu à faire. Cela va au-delà de ma personne. C’est une reconnaissance à un collège, au Bureau exécutif de l’Untm. C’est la reconnaissance du respect de nos statuts et règlements. En effet, nous sommes mis en mission à travers le congrès. Et entre deux congrès, se tient régulièrement le Conseil central chaque année en plus des réunions hebdomadaires du bureau. Cela permet, dans le cadre de l’évaluation périodique de nos activités, de voir ce qui ne va pas et ce qui marche. Le Conseil central décide s’il y a lieu de changer de fusil d’épaule. Le bureau se réunit aussi tous les mercredis pour faire l’état des lieux, les évaluations, le contrôle des tâches… et trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Quand celles-ci (solutions) dépassent ses compétences, le bureau peut demander une réunion extraordinaire du Conseil central qui décidera ce qu’il y a lieu de faire. Heureusement que, depuis que nous dirigeons la Centrale, nous n’en sommes pas arrivés à ce stade. Le bureau a toujours bien travaillé en anticipant ou en gérant les problèmes et cela a toujours été bien apprécié.
Le devoir de redevabilité nous oblige au respect de nos principes statutaires et réglementaires, donc à tenir le congrès à échéance. Nous nous en réjouissons car, à regarder d’autres comme nous, tel n’est pas le cas. Nous nous sommes toujours inscrits dans le respect strict de nos statuts et règlements. Et l’évaluation peut être faite à un autre niveau que le nôtre ; par exemple au niveau international ou à celui de l’Etat qui est le régulateur en la matière. Si en plus les camarades ont décidé de renouveler leur confiance en ma modeste personne pour parachever ce qui est déjà entrepris et relever de nouveaux défis, je ne peux que m’en réjouir.
Quelles sont vos priorités pour ce nouveau mandat ?
Nous avons signé le Pacte pour la stabilité sociale et de croissance (signé le 25 août 2023) qui comporte des accords et des engagements de part et d’autre. Il lie les travailleurs, le Conseil national du patronat (CNPM) et le gouvernement. Ce pacte est doté d’un chronogramme et d’un Plan d’actions sur 5 ans. Notre priorité, c’est de respecter toutes les actions qui doivent être menées pendant les cinq années et de façon séquentielle. Nous tenons au respect de ce chronogramme parce que certains estimaient déjà que signer ce pacte est un renoncement à nos droits.
Malheureusement, le Malien va vite en besogne. A notre avis, il ne sert à rien de déposer tous les jours des préavis et ne rien obtenir. C’est mieux d’aller au dialogue social et avoir des résultats. La grève n’est pas un objectif, mais un moyen. C’est à défaut d’avoir ce que l’on veut qu’on en arrive à la grève. Et si on a la possibilité d’obtenir ce que l’on veut sans recourir à la grève, on ne peut que s’en réjouir.
“Au moment d’accéder à l’indépendance, il y avait plus de syndicalistes que d’hommes politiques en prison”
L’UNTM a toujours été sensible aux préoccupations socio-économiques et politiques des Maliens. Quelle est aujourd’hui la position de votre centrale syndicale par rapport à la crise énergétique qui est en train de ruiner les entreprises et plonger des familles dans la précarité ?
L’Untm se confond au peuple. J’ai l’habitude de rappeler que, au moment d’accéder à l’indépendance, il y avait plus de syndicalistes que d’hommes politiques en prison. Et cela parce qu’ils menaient une lutte d’émancipation, un combat pour accéder à l’indépendance… C’est pourquoi ils étaient malmenés, emprisonnés pour les empêcher de s’exprimer, de mener ce combat. Ce qui ne les a pas empêchés de se battre jusqu’à la victoire. Vous avez été aussi témoin du rôle joué par l’Untm dans l’avènement de la démocratie en mars 1991.
La même philosophie et la même vision sont toujours là. L’Untm est confondue au peuple parce que derrière chaque travailleur il y a des familles. Ainsi, si le peuple est touché, l’Untm l’est également. C’est pourquoi, par rapport à la crise énergétique, nous avons attiré l’attention des autorités avant même que les gens ne sachent ce qui se tramait. Les courriers faisant foi, nous avons fait le constat et saisi le ministre de tutelle (ministre des Mines, de l’Energie et de l’Eau). Et jusqu’à ce jour, l’Untm n’a pas été répondue. Et c’est trois mois plus tard que la crise s’est manifestée.
Les gens ont pensé au début qu’on pouvait régler le problème d’un coup de baguette magique alors que le gouffre est trop profond. A ce niveau, il y a eu un problème de communication pour dire la vérité aux gens. Mais, nous sommes convaincus que c’est un moment passager. Et souhaitons que, tout comme la souveraineté sécuritaire, il y ait aussi une souveraineté à ce niveau qui va nous mettre à l’abri de la navigation à vue grâce à une gestion définitive de la situation. En tant que travailleurs, nous sommes convaincus que cela va se faire.
Vous avez évoqué plus haut le Pacte pour la stabilité sociale et de croissance signé le 25 août 2023 signé avec le gouvernement et le patronat pour apaiser le front social. Mais, pouvez-vous longtemps continuer à dire aux travailleurs de faire preuve de résilience par rapport à leurs préoccupations socioprofessionnelles alors qu’ils ont l’impression que des institutions de la transition s’arrogent des primes et des indemnités importantes au même moment ?
Nous sommes dans cette situation bien avant ce pacte. Mais, comme je l’ai dit plus haut, à force de déposer des préavis sans résultats probants, les gens vont être exaspérés. Ce qui n’est pas notre objectif. Mais, que nos militants se rassurent, les nouveaux problèmes, les nouvelles attentes, les nouveaux besoins manifestés seront pris en compte pour trouver des solutions satisfaisantes. Celles-ci peuvent être trouvées en dehors du Pacte de stabilité dans lequel les choses sont très claires. Nous avons signé des accords avec le gouvernement et nous ferons tout pour qu’ils soient respectés. Les processus sont déjà engagés, certains sont exécutés à hauteur de plus de la moitié, d’autres sont en début d’exécution ou attendent d’être mis en œuvre. Les activités du Plan d’actions sont planifiées sur cinq ans et nous allons suivre le chronogramme. Et lorsque nous allons constater que les choses ne bougent pas à ce niveau, nous allons interpeller qui de droit pour attirer leur attention pour que demain, face à l’impatience, on ne puisse décider de sortir carrément de ce Pacte de stabilité. Ce qui serait malheureux. Ce n’est pas notre souhait puisque nous avons toujours privilégié le dialogue pour pouvoir gérer les problèmes en amont.
L’UNTM a un rôle très important à jouer dans la stabilité du pays. Quelle est sa position par rapport au Dialogue inter-Maliens (DMI) dont le processus est enclenché depuis quelques semaines ?
Je tiens à préciser que, avant la signature en 2015 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, les gens n’étaient pas d’accord d’aller à ce dialogue initié dans le cadre du processus d’Alger (Algérie). Il y avait beaucoup d’a priori. Je faisait partie d’une délégation de la société civile comprenant notamment des leaders religieux comme l’Imam Mahmoud Dicko (alors président du Haut conseil islamique du Mali), Chérif Ousmane Madani Haïdara, l’Archevêque Mgr Jean Zerbo, le Révérend Pasteur Youssouf Dembélé des Églises missionnaires évangéliques protestantes du Mali… A l’initiative de Chérif Ousmane Madani Haïdara, nous nous sommes donnés la main et nous avons mené 2 missions en Europe, notamment en France, en Suisse et au siège de l’Union européenne (UE) à Bruxelles (Belgique). Ce qui a permis de beaucoup apaiser l’exigence et les craintes de beaucoup de personnes par rapport aux discussions qui devaient s’engager dans les jours suivants.
Si après les choses ont mal tourné, parce que ceux qui devaient nous aider ou nous assister avaient leur propre agenda, nous ne pouvons qu’adhérer à ce nouveau processus qui veut que nous nous entendons entre nous, que rien ne nous soit plus dicté de l’extérieur. Nous soutenons cette initiative permettant aux Maliens de s’asseoir, d’échanger pour aboutir à quelque chose de bien pour le pays. Nous allons jouer notre partition pour que cela soit une réalité.
Je tiens aussi à rappeler que depuis 2015, l’Untm avait senti les choses venir d’une manière préoccupante. Nous avions demandé aux décideurs à ce qu’on aille à un dialogue national inclusif. Pour ce faire, nous avions écrit à la mouvance présidentielle et à l’opposition. Malheureusement, nous n’avons pas été écoutés. Un an après, nous sommes encore revenus à la charge. Et pour ne pas aller dans le sens de ce que notre centrale syndicale a demandé, on a préféré parler de Conférence d’entente nationale (CEN, organisée du 27 mars au 2 avril 2017). On l’a fait à leur manière sans grande réussite non plus.
Presque 5 ans après, on est revenu à ce que l’Untm avait demandé, c’est-à-dire le Dialogue national inclusif (DNI). Au début, il était encore question de Dialogue national politique. Quand on nous a rencontré, nous leur avons fait savoir ce que l’Untm avait proposé 5 ans avant et nous leur avons dit que si nous avions été écoutés, on ne serait pas là aujourd’hui. Nous leur avons aussi rappelé que parler de dialogue politique peut être réducteur, surtout que beaucoup de Maliens pensent que notre pays est dans cette situation aujourd’hui par la faute des hommes politiques. Au finish, on a tenu compte de nos observations et suggestions. Les assises du Dialogue national inclusif (DNI, 14-22 décembre 2019) ont eu lieu et ont été sanctionnées par des recommandations dont l’application avait commencé. Malheureusement, il y avait d’autres velléités, d’autres intérêts qui ont fait que le pays n’a pas pu être stable jusqu’au coup d’Etat (18 août 2020).
“Malheureusement, aujourd’hui, nous sommes presque dans la même situation, c’est-à-dire pris en tenaille entre ceux qui sont pressés d’avoir le pouvoir et ceux qui veulent des réformes pour assainir la gouvernance du pays”
–Est-ce que la situation est meilleure aujourd’hui que les jours qui ont suivi le DNI ?
Malheureusement, aujourd’hui, nous sommes presque dans la même situation, c’est-à-dire pris en tenaille entre ceux qui sont pressés d’avoir le pouvoir et ceux qui veulent des réformes pour assainir la gouvernance du pays. Il faut comprendre ceux qui sont pressés de prendre le pouvoir aujourd’hui et ceux qui pensent qu’il faut auparavant consolider la refondation de l’Etat. Quant ta raison d’être est la conquête et l’exercice du pouvoir, tu es vraiment obligé de te manifester à un moment donné. Mais nous, les travailleurs de l’Untm, nous ne sommes pas dans une telle optique. Ce qui compte à nos yeux, c’est la sécurité et la paix dans le pays. Maintenant si, à un moment donné, nous trouvons que le processus entamé n’avance pas et qu’il a lieu de le corriger, chacun doit être alors libre de s’exprimer là-dessus.
Comment votre centrale syndicale a-t-elle réagi à la suspension des activités des partis politiques ? Est-ce que cela peut aboutir à l’apaisement souhaité pour la paix et la cohésion sociale ?
Nous n’avons pas réagi comme vous l’entendez. Nous, en la matière, notre réaction n’est pas de dire oui ou non face à chaque situation. Nous obéissons à des questions de principes. Notre centrale syndicale a décidé, de nous-mêmes, de marquer une trêve dans le souci de stabiliser le pays. Ce n’est pas sans souffrance. Mais si à un moment on pense aussi qu’il faut mettre en veilleuse les activités politiques pour certaines raisons, c’est aux politiques d’analyser et de comprendre cela. Ils ont fait leur analyse et leurs déclarations. Nous n’avons pas réagi. Mais, nous avons une vision claire par rapport à cela et ce qui compte pour nous c’est d’abord le Mali, la stabilité du pays pour nous permettre de sortir de cette situation de transition.
De toutes les manières, elle va prendre fin un jour, dans l’immédiat ou plus tard. Et nous travaillons à tout ce qui peut nous conduire vers cette fin pour que l’on puisse un jour dire voilà ce que nous avons fait pour la stabilité du pays, pour sa sécurité. Il y a des résultats par rapport à la question sécuritaire. Le Mali n’est plus dans la même situation qu’il y a trois à quatre ans. Et pendant tout ce temps, nous étions assistés par des gens qu’on croyait avoir tous les moyens de mettre fin à des actions malveillantes contre notre pays. Malheureusement, la situation ne faisait qu’empirer comme une plaie qui ne fait que s’aggraver au fur et à mesure qu’on la soigne.
N’est-ce pas néanmoins une menace aux acquis de la démocratie à l’avènement de laquelle l’Untm a joué un rôle décisif ?
Nous avons des réactions différentes par rapport à tout cela. Nous sommes dans les acquis de la démocratie depuis longtemps, si on analyse bien les choses comme il se doit. Nous n’avons pas été d’accord d’être dans les questions de mouvements. L’Untm n’a pas par exemple souhaité intégré le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) pour dénoncer la mal-gouvernance qui était là il y a bien longtemps. Cependant, le mandat que le chef de l’Etat alors en fonction venait d’achever était litigieux. Les gens savaient que le résultat et l’occasion étaient là pour changer les choses. Malgré tout, il y a eu 25 candidats à la présidentielle pour deux qualifiés au second tour. Malgré un bilan jugé négatif, le président sortant n’a pas manqué de soutien à ce niveau pour l’emporter. Moins de deux ans, parce que certainement les gens n’ont pas eu ce qu’ils voulaient à un moment donné, on se met à dénoncer encore la mal-gouvernance et à souhaiter le changement. Nous avons analysé et dépassé tout cela pour faire des propositions de sortie de crise en son temps. Mais, nous n’avons pas été écoutés de part et d’autre. Nous comprenions cela par la recherche et l’exercice du pouvoir. Mais chacun dans son rôle. Il ne nous revenait donc pas d’imposer nos propositions à qui que ce soit.
Mais, s’ils pensent aussi que, par rapport à des situations données, nous devons nous lever, nous battre pour les mettre sur scène et quand ils vont être confortablement installés dans des fauteuils ils vont commencer à nous balancer, comme cela a été le cas le plus souvent, ce ne sera plus le cas. N’empêche que nous sommes pour le respect des principes démocratiques à tous les niveaux ; nous faisons partie des défenseurs des droits humains. Nous avons notre mot à dire partout où la liberté est menacée, mais nous n’allons pas agir comme certains l’entendent parce que nous ne sommes pas politiques. La conquête et l’exercice du pouvoir n’est pas notre mission. Nous n’allons donc pas nous substituer aux politiques pour mener leurs combats.
“Aujourd’hui, tout le monde est conscient que nous avons fait un grand pas vers la stabilisation du pays et que les choses continuent à se réaliser dans le sens que nous voulons”
-C’est le débat qui divise en ce moment dans notre pays. Est-ce que l’Untm est favorable à une prolongation de la transition et jusqu’à quand ?
Nous ne pouvons pas parler de prolongation comme telle. Mais, je tiens à faire un rappel. Nous avons été coincés par la communauté internationale, la Cédéao, l’Uémoa… par rapport aux délais. Nous avons écrit à qui de droit pour faire nos propositions. Mais, une fois de plus, l’Untm n’a pas été écoutée. Mais, on a été obligé de revenir à notre proposition. Pour nous, c’était un problème qu’on pouvait rapidement traiter de façon scientifique afin d’éviter des sanctions. Il fallait voir ce que l’on pouvait faire en deux ans, travailler sur ça de façon scientifique et aller le défendre avec le soutien du peuple. Cela valait mieux que de se perdre dans d’infinis calculs d’a peu près.
Mais, la manière a un peu changé car, au moment où cela se faisait, nous étions là avec les forces étrangères qui, pratiquement géraient tout, nous n’avions donc pas les mains libres. Au fil du temps, nous avons compris que l’objectif visé par celles-ci n’était pas celui que nous souhaitons. Ce qui nous a encore amené à revoir les cartes en exigeant leur départ. Après ce retrait, il a fallu presque revenir à la case-départ. Est-ce que, aujourd’hui, la situation n’inspire-t-elle plus confiance qu’en ce moment-là ? Nous pensons que oui ! La preuve, nous sommes à Kidal aujourd’hui comme au centre. Il est vrai que quand les choses se sont trop détériorées en un certain moment, il faut plus de temps pour les mettre dans l’ordre. Mais, aujourd’hui, tout le monde est conscient que nous avons fait un grand pas vers la stabilisation du pays et que les choses continuent à se réaliser dans le sens que nous voulons. Pendant ce temps, est-ce que les choses peuvent se passer comme les gens le souhaitent ?
Pour ceux qui se battent pour le pouvoir, quitte à mettre de côté les questions sécuritaires, cela n’est pas un problème. Pour eux, l’essentiel c’est d’aller aux élections, qu’ils reviennent au pouvoir et la vie continue. Ceux qui ne sont pas dans cette logique du pouvoir pour le pouvoir ont une autre perception de la question. En ce qui nous concerne, ce qui compte, c’est la sécurité et la vie des Maliens. Tant qu’on a les moyens de garantir cela, ce sera notre option, quel que soit le temps que cela prendra. Dans tous les cas, on est en démocratie ; chacun à un rôle, une vision, une philosophie et une pensée par rapport à une situation donnée. Et nous ne condamnons pas X ou Y par rapport à sa vision ou sa philosophie voire sa conception de la situation.
Nous sommes à la veille du 1er mai (l’entretien a eu lieu le 29 avril 2024), fête des travailleurs. Dans quel état d’esprit vos militants vont-ils célébrer cet événement ?
Nous allons le célébrer avec quiétude. Pour rappel, depuis 2019, nous n’avons pas organisé de défilé, nous n’avons pas fêté le 1er mai comme nous le souhaitons pour diverses raisons. Il y a d’abord la crise sanitaire liée au Covid-19 durant laquelle les rassemblements étaient interdits à partir d’un certain nombre d’individus. Il y a aussi l’insécurité au niveau du pays. Pour ne pas mettre les travailleurs en danger, la célébration se limitait à des conférences, à des débats à un certain niveau. Les conditions sécuritaires se sont améliorées au point que l’armée est présente à Kidal et dans beaucoup d’endroits à l’intérieur du pays. Certes il y a des attaques isolées et des actes de banditisme ici et là, mais dans l’ensemble, nous pensons qu’il est possible de faire quelque chose cette année.
Comme c’est la seule occasion pour nous travailleurs de nous manifester, de dire ce que nous pensons, d’exprimer nos pensées et nos besoins par rapport au monde du travail, l’occasion est bonne pour être saisie afin de manifester cela. Il est vrai que nous serons un peu coincés à tous les niveaux parce que nous venons juste de tirer les rideaux sur notre congrès ordinaire (26-27 avril 2024) sur la réussite duquel tous nos efforts étaient focalisés. Maintenant, il fallait s’attaquer juste à après à l’organisation du 1er mai. Ce n’est pas facile… N’empêche que cela ne doit pas nous empêcher de défiler avec nos outils de travail ; ce que nous avons comme tenues de travail par rapport aux corporations. Mais, au-delà, pour nous faire plaisir et rehausser notre image, nous avons initié la confection des pagnes afin d’être plus visibles. Il est vrai que tout le monde ne pourra pas les porter, mais une majorité de travailleurs pourra le faire pour défiler. Les autres pourront aussi porter les tenues de leur corporation qui les identifient davantage lors des défilés. Nous souhaitons que cela se fasse dans la joie.
Quel appel lancez-vous aux Maliens, aux travailleurs notamment ?
Le pays ne peut pas se développer sans le sacrifice des citoyens, surtout des travailleurs. Nous sommes, les travailleurs, la force de production. Et si nous retirons cette force, tout va s’arrêter. Nous devons comprendre cela et travailler sous la supervision des pouvoirs publics, travailler dans la bonne ambiance en relation avec le patronat. Il faut consolider le consensus travailleurs-patronat-pouvoirs publics. Si nous parvenons à cela, tout va aller comme nous le souhaitons pour le bonheur de nous tous.
Je demande aux travailleurs de s’investir pour le respect de ce principe de consensus, de dialogue social pour que, chaque fois que ça ne va pas, nous puissions en amont réfléchir et trouver la solution sans recourir aux grèves, sans un bras de fer… Il nous faut plus de patience, plus de détermination, plus d’engagement pour relever les défis à tous les niveaux. Il faut que chacun puisse s’impliquer avec détermination et engagement de façon désintéressée pour parvenir aux résultats souhaités. Nous sommes tous contents quand on nous dit que le Mali est en tête dans tel ou tel domaine. Mais, cela ne peut se faire sans sacrifice.
Je remercie les travailleurs et leur souhaite une agréable fête du travail dans un Mali davantage sécurisé, apaisé pour sortir de la situation actuelle avec un régime démocratiquement élu. Les gens pensent que c’est ce qui permet de s’exprimer comme on veut, de dire ce que l’on veut. Mais, de toutes les manières, en toute chose, il y a une limite. Que ce soit en démocratie ou sous un autre système politique, il y a une limite à tout et cela est prévu par les textes, notamment la constitution et les dispositions qui en émanent. Les choses sont cadrées à tous les niveaux et il faut faire en sorte de rester dans ces cadres réglementaires, légaux pour que tout le monde soit en paix !
Propos recueillis par
Moussa Bolly