La Section Administrative de la Cour Suprême du Mali, à son audience du 9 mars 2023, a annulé ‘’pour excès de pouvoir’’, la décision d’attribution des 1993 logements sociaux par le Ministre Bréhima Kamena de l’Urbanisme et de l’Habitat, des Domaines, de l’Aménagement du Territoire et de la Population. Cette annulation fait suite à une plainte de l’ODDLM (Organisation de Défense du Droit au Logement au Mali) contre la décision (n°2022-67/MUHDATP-SG du 4mars 2022) du département en charge de l’Habitat.
Aussitôt publiée à l’époque, la liste des bénéficiaires des logements sociaux de Bamako avait suscité de vives polémiques liées notamment à la qualité de certains bénéficiaires. Et le débat a fait rage sur les réseaux sociaux où ils étaient très nombreux ceux qui conseillaient au Président Assimi Goïta, la démission du Ministre Bréhima Kamena ; en même temps, l’annulation pure et simple ces listes qui n’honoraient pas le gouvernement de transition puisque ne reflétant aucune des valeurs du Mali Kura (un Mali nouveau) tant rêvé.
Après une première attribution controversée de la 2ème tranche des 12.566 logements sociaux, en février 2022, le gouvernement malien de la transition avait publié une nouvelle liste des bénéficiaires des logements sociaux, à travers un décret signé le 27 avril 2022. Cette nouvelle liste était le travail d’une nouvelle commission d’attribution installée après un scandale, lors de la première attribution, jugée frauduleuse par des faits de favoritisme, de corruption et de trafics d’influence, avec des hauts cadres tapis dans les sphères de la transition.
Ministre de l’Habitat –Commission d’attribution : même odeur
Lors de la première attribution de ces logements sociaux, les maliens ont été stupéfaits de découvrir parmi les bénéficiaires des noms des ministres du gouvernement, des enfants de ministres, des directeurs, des hauts cadres, des épouses et des proches familles des membres du gouvernement de transition dont une fille du PM Choguel. Mais le gouvernement avait réfuté toute implication dans ce scandale et s’est dédouané par la dissolution de la commission d’attribution en place, au moment des faits.
Pour une seconde distribution, encore, c’était le même refrain et la même rengaine. Les Maliens qui s’attendaient à une attribution transparente et moins partisane des nouveaux logements sociaux de Bamako, ont découvert une autre forme de favoritisme. Depuis, les populations ont cru à un partage de gâteau des maîtres actuels du pays, surtout que des personnes n’ayant jamais postulé pour les logements sociaux se sont retrouvés sur la liste d’attribution.
Depuis la publication de la nouvelle liste, le 27 avril 2022, la polémique ne cessait d’enfler. Et cela parce que la liste était toujours «truffée d’irrégularités». Des chômeurs et des mineurs ont obtenu des logements au détriment des honnêtes travailleurs qui ont postulé pour assurer un toit à leurs familles.
Pire, sur 2.218 logements attribués lors de la premières attribution, l’ODDLM présidée par M. Moussa Madjou Touré, a retrouvé 1.993 logements sur la nouvelle liste, soit 225 maisons non attribuées et sans aucune justification. Une situation, qui selon l’ODDLM, prouvait que lesdits logements ont été attribués, en catimini, aux mêmes personnalités qui avaient pourtant criées haut et fort d’être sur la nouvelle liste, quel que soit l’issue des travaux de la nouvelle commission. Une manière pour ces disciples du M5 de narguer les maliens.
Plus grave encore, l’ODDLM a découvert sur la liste qu’il y a plusieurs dizaines de bénéficiaires de logements qui n’ont pas de récépissé de dépôt en réalité. Aussi, on découvre l’irrégularité d’une attribution sous un numéro appartenant à une personne : le numéro 35.243 au nom de Fatoumata Traoré est collé à Mohamed Ousmane Kanté. Et comble du favoritisme dans l’attribution des logements sociaux de Bamako, le ministre Bréhima Kamena en charge de l’Habitat, a octroyé une fois de plus, un logement social à sa seconde épouse du nom de Awa Dembélé, qui avait bénéficié une première fois un logement sous le numéro 1.904 et par la suite sous le numéro 13.482.
Comme l’a dénoncé l’ODDLM, à l’époque des faits, « cela ne peut se faire dans un pays sérieux lorsqu’il s’agit de résultats de compétition…» Ce qui mettait en exergue de probables délits de faux et usage de faux, usurpation de titre… Des irrégularités qu’on ne peut malheureusement pas imputées à de simples «erreurs indépendantes de la volonté» des membres de la commission d’attribution. Des pratiques inimaginables dans une République où le Chef du gouvernement clame sur tous les toits que le changement est inéluctable et que les autorités de la transition ne sont animées que du seul désir de refondation de l’État afin de bâtir le Mali Kura sur des valeurs.
L’attribution des logements sociaux de Bamako a malheureusement été jugée scandaleuse dans presque toutes les couches socioprofessionnelles où on exigeait l’annulation pure et simple de la liste rendue publique. Pire, ils sont nombreux ceux qui souhaitent aujourd’hui, la démission du ministre Bréhima Kamena et la révocation de ceux qui sont dans la procédure d’attribution des logements sociaux. En tout cas, ce «scandale» qui fait le buzz sur les réseaux sociaux depuis l’annulation de l’attribution des 1993 logements, donne raison à ceux qui pensent qu’il faut forcément «passer par un nettoyage complet et profond de nos institutions».
Face au scandale autour de la liste des bénéficiaires des 1993 logements sociaux, la Cour Suprême a tout simplement annulé la décision de ces attributions du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, des Domaines, de l’Aménagement du Territoire et de la Population. Et cela après une saisine de l’ODDLM pour ‘’violations et excès de pouvoir’’ ; d’autant que ces attributions entamaient sérieusement la crédibilité des autorités de transition dans leur volonté de changement.
Les mêmes causes produisent, les mêmes effets
Décidément, le Mali kura tant attendu ne peut se construire sur ce genre de favoritisme à ciel ouvert. L’attribution des logements sociaux au Mali n’a jamais connu un tel scandale. En écartant un régime pour des erreurs commises, l’on se doit de tout faire pour ne pas tomber dans les mêmes erreurs. Heureusement, que la justice a dit le droit, rien que le droit en annulant, purement et simplement, l’attribution de ces 1993 logements dits sociaux au Mali.
Pour avoir essuyé un tel revers cinglant, l’ODDLM estime que le Ministre Brehima Kamena, chargé de l’Habitat, doit systématiquement démissionner, car la liste des bénéficiaires ne pouvait en aucun cas être publiée sans être associée à la procédure. Pour l’avenir, l’organisation souhaite une nouvelle commission d’attribution qui doit être mise en place et rattachée directement à la conseillère spéciale chargée des actions sociales du Président de la transition pour permettre à ce dernier d’y voir clair, car c’est son image qui est en jeu.
En bloc, les attributions frauduleuses des logements sociaux, ont fait perdre tout espoir permettant de refaire le Mali. Du coup, la démission du ministre Kamena s’impose. Et l’ODDLM espère qu’il aura le courage de le faire. Ne ce reste que pour le salut de son âme.
En jetant, en pâture le département en charge de l’Habitat, à ses pots et en attribuant, frauduleusement, un logement social à sa deuxième épouse, Bréhima Kamena, a au fil des jours, nourrit l’hostilité des maliens à son endroit. Mais surtout, celle de ses collègues, qui n’hésitent plus à réclamer sa démission, jugée salutaire pour le secteur de l’Habitat de notre pays, désormais, en voie de « sous-développement ».
La disgrâce…
En confiant le département en charge de l’Habitat à Bréhima Kamena, le Président de la transition, était loin d’imaginer le pire. La preuve : de la nomination de M. Kamena à la tête de ce ministère à aujourd’hui, les irrégularités se succèdent. Alternant, parfois avec les youyous des casseroles. Une addition trop salée pour celui en charge du département de l’Habitat.
Pour certains proches du Ministre Kamena, il est victime d’une campagne, lancée par des hommes politiques, décidés à s’abotter la transition. Ceux-ci, indiquent nos interlocuteurs, auraient débloqué plusieurs dizaines de millions de nos francs pour lancer ce qu’ils appellent une « campagne anti-transition et anti- Kamena ».
En attendant la preuve de cette affirmation, la démission du ministre chargé de l’Habitat revient au devant de l’actualité. Sans tambour, ni trompette. Déjà, après l’annulation par la Cour Suprême des 1993 logements sociaux, le président de la transition aurait eu un « dialogue très corsés » avec son ministre.
Bref, tout se passe, aujourd’hui, comme si le super-ministre de l’Habitat est devenu persona non gratta. De l’avis de nos interlocuteurs, il n’est ni en odeur de sainteté avec ses collègues, ni avec le président Assimi, son employeur. Pour les uns comme les autres, Brehima Kamena n’a plus le choix : ou il rend son tablier, ou il sera démis de ses fonctions. Car, disent-ils, trop c’est trop ! En politique comme à la guerre, l’erreur ne se pardonne guère. Elle se paie chère. Très chère.