Il est grandement nécessaire de soutenir politiquement les initiatives de démocratisation de l’accès au capital et à la propriété parce qu’elles contribuent avant tout à la découverte de nouveaux marchés et à la création de nouveaux emplois ; elles constituent une réponse à de nouveaux besoins sociaux, et elles génèrent l’utilité sociale et le capital social. C’est pourquoi nous insistons pour que tous les efforts soient faits afin de remettre l’économie au service de l’ensemble des citoyens. Il s’agit de reconstruire un système économique plus efficace, plus stable et plus juste où tout le monde, par son travail, nourrit la croissance et en tire profit, et pas simplement une petite minorité. Cela est parfaitement possible car notre pays dispose encore de nombreux atouts : très riche en ressources naturelles non encore exploitées, premier producteur de coton, troisième producteur d’or, premier exportateur de bétails dans la sous-région, plus de deux millions d’hectares irrigables, une nouvelle génération de citoyens bien outillée et bien informée, parmi tant d’autres.
Pour créer plus de richesses dans notre pays et assurer le financement de notre avenir, nous devons travailler plus et intelligemment. Nous proposons un nouveau modèle de croissance, qui met le travail, la production, le talent des femmes et des hommes au centre de l’activité économique. Cette nouvelle croissance s’appuiera sur les petites et moyennes entreprises (PME) et s’inscrit dans une dynamique de développement durable et d’innovation continue.
Nous devons traiter les problèmes liés au manque d’implication des masses dans la production des richesses et à la propriété. Les retombées d’un meilleur accès au crédit et à la propriété devraient avoir un impact positif, durable et significatif sur l’économie nationale. Il s’agit d’un précieux outil qui peut faire reculer le fléau de la pauvreté omniprésente. Le fossé grandissant qui se creuse entre riches et pauvres constitue un problème de plus en plus grave et un facteur potentiel de conflit. La solution passe par la démocratisation de l’accès aux ressources financières et au crédit en donnant aux populations démunies, les moyens d’accéder à la propriété et à des ressources financières productives. La politique à mener doit tendre à élargir l’accès aux ressources, par une vaste stratégie d’accession à la propriété à tous les niveaux de l’économie nationale.
Il existe plusieurs structures d’accès élargies aux capitaux qui peuvent être des outils efficaces de démocratisation de l’accès au crédit et à la propriété. Il s’agit notamment de la mise en œuvre du “crédit pur” tant au niveau micro que macro, de plans d’intéressement des employés au capital qui ont fait leur preuves aux États-Unis, de plans d’acquisition de parts de capital des entreprises par le public (sous forme de plans d’acquisition d’actions par les usagers des services d’utilité publique ou la clientèle d’une entreprise), de politiques de crédit innovantes fondées sur l’exemple du principe islamique de “partage des profits et des risques”, de sociétés d’investissement communautaire (sous forme de prises de parts de capital de sociétés d’aménagement foncier ou de gestion d’infrastructures par les résidents des zones d’aménagement concernées). La mise en place de telles structures servirait de fondement à la politique économique en privilégiant la transition vers les politiques monétaire, bancaire, fiscale et en matière d’assurance qui s’impose, de pair avec les réformes requises pour instaurer un système dans lequel l’accès à la propriété du capital sera ouvert à tous.
Mais encore, l’aide au Mali n’a pas abouti, en règle générale, aux résultats escomptés pour le pays. Depuis l’indépendance, des milliards de dollars d’aide ont été alloués à notre pays et tous les observateurs s’accordent à penser qu’elle n’a pas beaucoup bénéficié au Malien moyen.
Il nous appartient de déterminer les moyens d’acheminer plus directement l’aide vers nos populations. Nous devons établir un plan plus exhaustif, apte à profiter à tous les secteurs, à créer massivement de l’emploi et à transformer l’aide en source de financements propres pour éliminer progressivement les appuis extérieurs à grande échelle. Il est de notre devoir d’élaborer une formule efficace et concrète pour éliminer la pauvreté dans notre pays.
Le Malien aujourd’hui n’est plus le même qu’il y a quelques décennies, pas tant en raison de l’explosion généralisée des prix, mais surtout parce que c’est la première fois que nous remarquons une importante masse d’ingénieurs, d’entrepreneurs, et de femmes et d’hommes d’affaires, capables d’exécuter un large éventail de plans d’entreprise; évidemment, il s’agit de notre génération et celle qui nous succède. Mais cette importante masse doit avoir accès aux capitaux. Force est de constater que nulle part au monde, un pays n’est arrivé à s’en sortir sans financements pour les petites et moyennes entreprises qui sont les premiers et les plus importants créateurs d’emplois. Ce n’est pas une condition suffisante à elle seule, mais elle est nécessaire pour la croissance.
Au Mali, nous manquons d’entreprises de taille intermédiaire qui embauchent, exportent et innovent. C’est pourquoi, nous devons mettre la priorité sur le développement des PME et faire de ce développement la colonne vertébrale de notre politique économique. Pour créer un tissu dense d’entreprises sur tout le territoire il faut des capitaux, des hommes, de l’innovation et l’appui des pouvoirs publics. Nous devons sûrement faciliter le financement des PME dans ses différentes composantes : l’autofinancement, en modulant l’impôt sur les sociétés en fonction des stratégies de croissance ; le crédit, en s’assurant que nos banques financent notre économie ; les fonds propres venant de l’épargne des Maliens, et les fonds d’investissement spécialisés par filière. Il va sans dire qu’il nous faut complètement simplifier les procédures administratives des petites et moyennes entreprises en mettant en place une administration avec une logique de service.
Les banques maliennes et internationales de la place savent que les PME sont un secteur à fort potentiel de croissance. Conséquemment, ces banques doivent se doter de services dédiés à ce segment. Elles doivent rejeter la mentalité de grande banque de commerce qui les empêche encore de servir efficacement les PME. Il faut des mécanismes qui s’apparentent plus à la banque de proximité d’antan, qui conjugue les caractéristiques d’une banque pourvoyeuse de capital-risque avec celles d’une banque traditionnelle, pour absorber les risques accrus liés au financement des PME. En un mot, il faut une banque dont l’activité serait exclusivement centrée sur ce secteur et dotée des talents de banquiers maliens ayant l’expérience des PME. Ce segment ne doit pas être confondu avec le secteur de la micro finance dont les prêts sont en général inférieurs à deux cent mille Francs CFA et qui a pour objet de rendre les individus autosuffisants plutôt que de créer largement des emplois dans le secteur des entreprises. À l’évidence, il faut disposer de capital-risque, mais jusqu’à présent, ce type de capital fait défaut, ce qui n’a pas permis d’irriguer la structure financière dans notre pays afin de favoriser le développement économique et social tant attendu.
Notre proposition est d’affecter une part du budget annuel du Mali à la capitalisation d’une structure bancaire pour servir à distribuer de manière plus efficace, l’aide à notre pays. Nous croyons fermement qu’elle sera une nouvelle entité apte à prendre le pari de soutenir les entrepreneurs maliens.
Dans une Afrique en pleine transformation, le Mali possède des atouts stratégiques. Nous devons les reconnaître, les cultiver, et savoir les exploiter au mieux. Nous avons réduit notre potentiel de croissance en négligeant l’innovation dans le secteur financier, les petites et moyennes entreprises, et notre industrie qui est moins que naissante. Pour trouver un dynamisme économique, nous devons mettre ces secteurs au cœur de nos activités comme moteur de croissance. Il faut pour cela mobiliser l’essentiel de nos marges de manœuvres financières au bénéfice des petites et moyennes entreprises et le secteur industriel confrontés à la concurrence régionale et internationale. Il est grand temps que nos politiques contribuent à démocratiser le capital en construisant des systèmes financiers inclusifs.