Il semble qu’il ne fait plus peur. L’imam Mahmoud Dicko, c’est de lui qu’il s’agit, ne veut pas être rangé aux oubliettes par les dirigeants du pays… Tente-t-il d’être un épouvantail pour le pouvoir ?
Si notre confrère « Jeune Afrique » avait titré, le 17 janvier 2023, dans une analyse, « Au Mali, l’imam Dicko, l’éternel opposant ? », c’est que le leader religieux surprend par sa verve et ne s’éloigne point de la sphère politique.
Cet angle d’analyse sera emprunté quelques jours plus tard par le Magazine « Courrier international » et repris par le site burkinabé « Wakat Séra » sous le titre « Duel. Mali : l’imam Dicko, opposant devant l’Éternel ». Le papier rappelait alors ceci : « À son retour d’Arabie saoudite, le très influent imam Dicko a été accueilli par ses partisans… et des gaz lacrymogènes. Le site d’informations burkinabé “Wakat Séra” y voit l’étincelle de trop entre le pouvoir malien et l’imam, véritable autorité religieuse et politique du pays. ».
Tout cela prouve que le leader religieux de la Mosquée de Badalabougou a un plan et compte préparer les consciences. Il l’a fait sentir le vendredi dernier, lors de ce qui devrait n’être qu’un meeting des partisans du « non » au référendum tenu le dimanche 18 juin et dont le résultat ne fait aucun doute…
« Je ne collabore jamais avec des gens qui ont confisqué la lutte du peuple, et qui sont en train de bâillonner ce même peuple », a martelé l’imam Dicko, en surfant visiblement sur la colère des partisans du « NON » et surtout des mécontents de cette période transitoire.
« Dans notre pays, aujourd’hui, peut-on parler de justice, de démocratie, de droit de l’homme ? » s’interroge-t-il. Comme si le religieux est devenu brusquement un champion des droits de l’Homme ! Et de jurer : « Bilahi (au nom d’Allah) Je suis convaincu que tout ceci prendra fin ». « Nous devons combattre cette laïcité qui autorise certains à s’en prendre à l’islam », a fustigé l’imam Dicko à ses partisans, remontés à bloc face aux difficultés actuelles du pays, dont les délestages et la vie chère.
Selon Mahmoud Dicko, trois ans après la chute du régime IBK, les mêmes pratiques perdurent, à savoir : «la corruption à ciel ouvert, le népotisme, le clientélisme ». Sauf qu’il est peu crédible que ces mauvaises pratiques prennent fin si les hommes qui en sont dépositaires sont nous tous et chacun des Maliens. A croire que le prêcheur sait trouver les motifs qui révoltent chacun et peuvent souder des masses pour des actions dénonciatrices. Et l’Imam Dicko a le secret des initiatives de protestation ! Ne le dit-on pas avoir désavoué et laisser choir d’anciens dirigeants du pays ? Veut-il ou peut-il alors faire peur au Col Assimi Goïta et ses frères d’armes ? Rien n’est moins sûr ! Pour en tirer quel marron du feu ? Une place au soleil, celle « d’influençeur de la gouvernance » du pays ? L’on se perd en conjectures, mais il est sûr que Mahmoud Dicko a horreur de l’ombre de la mosquée. N’avait-il pas promis rejoindre ce lieu de prière et se consacrer à la foi et aux bénédictions pour le mali en crise ? « Chassez le naturel, il revient au galop ». car, l’ancien président du Haut Conseil islamique du Mali (HCIM) est plus vent debout, au point d’envisager un…combat pouvant même exposer sa vie.
«Je préfère mourir en martyr que de vivre en traître…de trahir ma parole … ceux qui sont avec moi et ceux qui nous ont quittés», assène-t-il, très remonté. Avant d’ajouter : « Je ne peux pas combattre IBK, qui m’a tout donné, et venir soutenir les mêmes pratiques ».
Des propos qui prouvent que le guide religieux a soif du changement qui n’est pas encore au rendez-vous comme souhaité. Et pour hâter la réalisation de ce changement, Mahmoud Dicko estime devoir donner de la voix. Non sans manquer de faire peur, à la manière d’un épouvantail, dans un champ bien fréquenté par certains oiseaux migrateurs… Quelle réponse s’attend-il avoir de la part des plus hauts dirigeants du pays ? Plus d’inclusion et d’écoute à son égard ? Pourquoi pas !
Le chef de la Transition, le Col Assimi Goïta, dans son adresse à la Nation, dans la soirée du même vendredi, souligne tout de même que le processus référendaire et celui de la refondation du pays est « inclusif et transparent ». Avant de promettre que « Cette Constitution ouvrira la voie à un pays stable et une gouvernance démocratique, gage de progrès économique et social ».
Seulement, le leader religieux trépigne d’impatience. Celui qui a été « L’autorité morale » des manifestations ayant conduit au renversement du président IBK, veut donner un coup d’accélérateur audible à la « gouvernance vertueuse » promise par le Col Assimi Goïta. Sauf que l’imam, à surveiller désormais comme du lait sur le feu, choisit ainsi de faire frémir une partie du peuple malien, qui, déjà mordu par des serpents (coups d’Etats et insurrections), n’est plus indifférent au ver de terre !
Bruno D. SEGBEDJI