Quand le vent souffle fort, chacun se préoccupe de maintenir la calebasse qu’il a sur la tête. Mais, je trouve que pour construire un pays, cela ne suffit pas et pour empêcher un pouvoir de nuire, rien de tel qu’un contre-pouvoir. Pour cela, il faut un contrepouvoir populaire.
Le lendemain du renversement du général Moussa Traoré, le 26 mars 1991, au matin, le Comité de réconciliation nationale (CRN) comportait en effet les officiers plus que compromis avec le régime défunt, reconnaît qu’il s’agit là, de la victoire du peuple et décide d’aller voir les responsables des associations et organisations démocratiques qui ont mené la lutte. Hommage de l’armée au peuple ! Il paraît que cela ne s’est pas passé sans valse-hésitation. Normal quand on regarde de près la composition du CRN. Mais la réaction des leaders du Mouvement démocratique m’a laissé perplexe: aucune allusion au rôle que l’armée a joué dans la chute du régime, mais pour mieux montrer la suspicion qui frappe l’armée, le porte-parole (Me Demba Diallo) insiste lourdement sur la victoire du peuple et sur le fait que le pouvoir serait tombé même sans l’intervention de l’armée.
Le dimanche 11 août 1991, la veille de la clôture de la Conférence nationale, le commandant Karamoko Niaré présentait les regrets de l’armée au peuple, pour le rôle que le régime du général Moussa Traoré lui a fait jouer. La réaction spontanée de l’auditoire de la Conférence nationale a montré que les représentants de toutes les catégories sociales de notre pays étaient prêts à se réconcilier avec notre armée, et à l’aider à réussir sa refondation. Cela ne s’est pas fait sans grincements de dents.
Un évènement extrêmement important s’est passé le 15 juillet 1991 ! Le coup d’État avorté du commandant Lamine Diabira. Ce qui est le plus important, c’est cette incroyable chasse que les sous-officiers et les hommes de troupe ont livrée aux officiers. L’armée était au bord de la dislocation alors que plus que jamais le pays a besoin d’elle pour assurer la sécurité intérieure et préserver l’unité nationale. Quels que soient les griefs des sous-officiers et des hommes de troupe que devient une armée sans discipline ? Quelle que soit «l’incompétence» des officiers que devient une armée où ce sont des civils, homme moyen comme vous et moi complètement incompétents dans le métier des armes, qui décident de la construction de l’armée ?
Ce rappel très important décrit le scenario de cette transition en cours (putsch 2021 du colonel Keïta, membre du Conseil national de transition, jamais élucidé). Il faut gérer tout ça avec calme et responsabilité. Il faut se hâter bien sûr parce qu’il y a beaucoup à faire, avec lenteur parce que les enjeux sont énormes, et la marge de manœuvre étroite. Aucun de nos compatriotes qui a le souci de l’instauration d’une vie démocratique, n’a intérêt à l’affaiblissement de l’armée. Il faut sans cesse renforcer les contre-pouvoirs populaires. Mais, cela demande du travail. La démocratie telle que conçue pour nos peuples ne tue pas les dictatures mais elle peut servir si on la domestique comme il faut à renforcer ces dictatures.
Amy SANOGO