La nouvelle Constitution malienne en chantier passera-t-elle ou pas comme Loi fondamentale adoptée par la majorité des Maliens ? C’est toute la question qui taraude les esprits depuis plusieurs semaines.
Nul ne doute que la Transition en cours doit s’achever par l’élection de nouvelles autorités à la tête du Mali. Mais, il semble que ce tournant décisif devra passer par l’enjeu des réformes politiques et institutionnelles.
Or, selon les convictions (maintes fois exprimées) des hautes autorités de la Transition, ces réformes seraient incomplètes et insignifiantes si elles ne permettent de doter le pays d’une nouvelle Constitution. En clair, pour le Col Assimi Goïta et ses compagnons, il n’y a pas de réformes en vue de refonder l’Etat malien s’il n’y pas adoption d’une nouvelle Constitution.
Au même moment, de nombreux Maliens estiment que le consensus nécessaire pour aller vers le changement de la Constitution actuellement en vigueur, la Constitution du 25 février 1992, est loin d’être une réalité aujourd’hui. Car, expliquent-ils, selon le principe du parallélisme des formes, puisque c’est sous une transition consensuelle dirigée par le Lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (consécutive au renversement du Général Moussa Traoré) que la Constitution actuelle a été adoptée, il faut que le col Assimi Goïta rassemble davantage les acteurs sociopolitiques maliens avant d’initier avec des chances de succès cette réforme majeure.
Or, de toute évidence, l’on ne peut parler d’un consensus politique dans la gouvernance du pays, au moment où certains leaders et hauts cadres politiques sont en fuite pour des motifs de poursuites judiciaires ou de menaces diverses. C’est le cas de Tiéman Hubert Coulibaly du regroupement ARP et du parti UDD, de Dr Oumar Mariko du parti SADI, de l’ancien Premier ministre Boubou Cissé. Quid du décès en détention (affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires) de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, leader du parti ASMA-CFP, de l’exil forcé de l’ancien ministre Mamadou Igor Diarra de l’URD, de Karim Kéita, etc ? Sans oublier de souligner la détention de l’ancienne ministre Mme Bouaré Fily Sissoko ? De l’arrestation suivie d’emprisonnement du chroniqueur Ras Bath, de Tata Rose pour des faits qui suscitent la polémique au sein de l’opinion ?
Tout ce climat, qui ressemble à un contexte de persécution politique, avec des menaces de poursuites à l’endroit de certains magistrats ou acteurs sociopolitiques, faut-il le souligner, ne semble pas favorable à un processus de consultations référendaires.
En effet, comment comprendre que dans un processus menant à des réformes d’envergure comme le changement de la Constitution, le pacte social et républicain du pays, il y ai des actes de violences, comme le saccage de la Maison de la Presse, où des acteurs sociopolitiques faisaient entendre des voix discordantes à la marche de la Transition ? Ce climat d’intolérance et d’entraves aux libertés démocratiques ne constitue-t-il une chape de plomb préjudiciable à l’initiative référendaire ? Le peuple malien pourra-t-il légitimement se rendre aux urnes pour un référendum alors que certains de ses pans semblent avoir le couteau sur la gorge ? Le pouvoir ne doit-il pas lâcher du lest pour dialoguer davantage avec les acteurs qui semble opposer une fin de non-recevoir au projet de changement constitutionnel ? Qu’en est-il de la radicalisation qui caractérise le processus de paix, avec le dialogue au point mort entre le gouvernement et les ex-rebelles de la CMA ?
Dans tous les cas, certains observateurs n’y vont pas avec le dos de la cuillère en appelant le chef de l’Etat, le président de tous les Maliens, à se surpasser pour jouer à l’apaisement. Il doit, par exemple, convoquer une grande rencontre des forces vives du pays, dans le cadre du processus de vulgarisation du projet de texte. C’est lors de cette rencontre qu’il peut crever l’abcès en rassurant les uns et les autres sur ses intentions réelles et en décidant de lever l’étau des poursuites judiciaires, afin de rassembler toutes les sensibilités au chevet de la future Loi fondamentale. Sinon, nul n’ignore que la force n’a rien réglé dans les processus de réformes politiques majeures. A force de choisir la méthode forte pour étouffer toute contestation, telles celle émanant du groupe Appel du 20 février pour sauver le Mali, le pays pourrait fragiliser sa marche de sortie de crise. Ce qui sera bien dommage, tant les défis à relever sont immenses et l’on dit souvent que la force ou la violence est l’arme des faibles.