Par voie maritime, il faut faire mille six cent (1600) kilomètres pour arriver aux îles Canaries. Une distance qui ne décourage pas, pour autant, certains Sénégalais. Qui, malgré le temps glacial, continue à emprunter des pirogues pour l’archipel espagnol. Une émigration irrégulière, difficile à maîtriser du côté de l’Europe. Au Sénégal, encore moins.
Dernièrement, des bateaux ont été stoppés au départ. Et la traque des coupables lancée. C’est dans ce sens qu’un homme de cinquante trois (53) ans, décrit comme un des cerveaux de ce trafic international de migrants, a été arrêté, le 26 décembre 2023, par la compagnie de gendarmerie de Sédhiou. Yankhouba Dème, qui serait fortement impliqué selon l’enquête, était activement recherché par les services de police et de gendarmerie. Il y a un mois, il est tombé entre les mailles des pandores qui l’ont présenté au procureur.
Comment est tombé Yankhouba ? Tout est parti d’un coup de fil. Le 25 décembre 2023, à 13 heures 45 minutes, les gendarmes de Sédhiou reçoivent un appel téléphonique de leurs services de renseignements. Au bout du combiné, la source fait état de l’existence d’un vaste réseau de trafic international de migrants, dirigé par Yankhouba Dème dont la présence a été signalée à Sédhiou.
Après recoupement, vérification du renseignement et information au Procureur de la République du tribunal de grande instance (Tgi) de Sédhiou, le mis en cause a été interpellé le lendemain, mardi 26 décembre 2023 à 09 heures. Il était en compagnie de Mouhamedou Tambédou. A l’approche de l’équipe de pandores, ils ont tenté de prendre la fuite avant d’être rattrapés et immobilisés.
La première étape dépassée avec l’arrestation du mis en cause, sa conduite dans les locaux de la gendarmerie a été effectuée. Interrogé sur les faits qui lui sont reprochés, Yankhouba, après avoir tergiversé sur ses réponses, finit par avouer l’existence du réseau de trafic de migrants dont il serait fortement impliqué. Après les messages audio Whatsapp de son téléphone, il a décidé de se livrer partiellement en soutenant qu’il était, effectivement, actif dans ce dit trafic de migrants. Mais, jure-t-il, ces pratiques mafieuses relèvent du passé. L’homme de 53 ans dit avoir arrêté depuis 2006.
A cette période, il avait convoyé, avoue-t-il, quatre-vingt (80) migrants. Ensuite, déroule toujours Yankhouba devant les enquêteurs, il a tout laissé pour s’occuper de ses trois (03) pirogues qui vont pêcher en Guinée Bissau pour ensuite revenir sur Elinkine où les poissons sont embarqués directement vers Dakar. C’est ce qu’il fait comme travail, jure-t-il. L’homme a toutefois modifié sa version lors de sa deuxième audition.
Yankhouba Dème est, en effet, passé aux aveux. Aux enquêteurs, il confie avoir fait passer en 2022, une pirogue contenant un nombre de quatre vingt dix (90) personnes vers l’Espagne avec la complicité de Youssou Diène. Malheureusement, la pirogue n’est pas arrivée à destination et a été retrouvée au Cap Vert avec quatre (04) morts. Un échec, dû à un manque d’essence. Imputant la faute à son complice, Youssou, qui l’aurait trahi en n’achetant pas assez d’essence, la pirogue a, d’après lui, fait vingt cinq (25) jours dans l’océan. Depuis, il ne s’est plus lancé, fait-il encore croire aux hommes en bleu de Sédhiou.
« Par la suite, j’ai commencé à avoir des problèmes de santé. J’ai, alors, cessé cette activité», précise Dème. Quant à Mouhamedou (43 ans), il se dit étranger à toute cette affaire. Il ajoute avoir juste accompagné Yankhouba Dème pour une consultation médicale à Sédhiou. Cependant, son ami lui avait proposé un voyage vers l’Espagne mais, il avait décliné l’offre. Interrogé aussi sur les points d’embarcation des pirogues de Yankhouba, Mouhamedou déclare ne pas les connaitre.
Revenant à la pirogue de 2022, Yankhouba donne l’identité des défunts. Il y avait « deuxSénégalais nommés Dianoune Diouf habitant à Bétinte, arrondissement de Toubacouta dans le département de Foundioune et Ba Vieux Daffe, domicilié à Marssassoum Santo et deux gambiens dont j’ignore les identités.» Toujours selon Yakouba, ils avaient recueilli des passagers clandestins à Kaolack, Gambie Toubacouta et partout ailleurs avant que ces derniers ne soient rassemblés à Karang pour être convoyés à Niodior qui se trouve être un point de départ. A propos de cette pirogue, Yankhouba précise que c’est lui qui a acheté le moteur tout neuf à travers Youssou Diène et lui a remis une somme de cinq millions FCFA.
Yankhouba soutient, dans le même sillage, connaître Abibou Camara qui, “lui avait vendu une pirogue lui ayant permis d’embarquer des gens vers l’Espagne”.
Ensuite, Yankhouba précise que dans la période du magal de Touba de 2023, Abibou a effectué un départ clandestin d’une pirogue avec 150 migrants qui ont tous péri dans l’océan. Son charpentier habite St-Louis et se nomme Fallou Diop, note-t-il, sans autres précisions. La plupart de ses pirogues, « sont fabriquées à Marsassoum ». Propos qui confortent les soupçons des enquêteurs sur un chantier Naval découvert à Marsassoum dont le chef d’ouvrage est Abibou Camara qui aurait pris la fuite.
Dème affirme qu’à chaque départ clandestin de migrants, ils remettent une somme d’un million (1.000.000) francs CFA par pirogue aux gardes côtes gambiens pour rester dans l’impunité.
A noter que le jour de l’audition, le même jour à 15 heures, Yankhouba Dème a été transféré au Centre Hospitalier régional de Sédhiou sur sa demande pour des soins médicaux où il a été retenu jusqu’au 28 décembre 2023 à 15 heures avant qu’il ne soit remis à disposition des pandores. Seneweb reviendra sur les collaborateurs et les financiers de Dème dans cette entreprise frauduleuse.