Une Pascaline Bongo pugnace a nié en bloc mercredi les soupçons de corruption pour lesquelles elle est jugée depuis lundi par le tribunal correctionnel de Paris dans une salle d’audience largement acquise à sa cause.
« A aucun moment je n’ai envisagé de trouver des marchés publics », a-t-elle dit à la barre de la 32e chambre correctionnelle.
Comme les autres prévenus avant elle, Mme Bongo, 67 ans, a soutenu que sa fonction de « Haute représentante personnelle du président de la République », obtenue quand son frère Ali (renversé par un coup d’Etat en août dernier) a été élu à la tête de l’Etat en octobre 2009, était purement honorifique.
« Qu’est-ce que vous aviez comme mission? », l’interroge la présidente Brigitte Bourdon. « Aucune », répond en souriant l’ex-ministre des Affaires étrangères du Gabon.
Mme Bongo est jugée depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Paris pour corruption passive d’agent public étranger au début des années 2010.
L’accusation la soupçonne d’avoir accepté d’intervenir en faveur de la société française Egis Route dans l’attribution de marchés publics contre la promesse de 8 millions d’euros de rétrocommission.
Pascaline Bongo, très à l’aise, rappelle qu’elle a été la première Gabonaise diplômée de l’ENA, qu’elle est inspectrice des Finances et balaie les accusations portées à son encontre.
Elle reconnaît certes avoir rencontré des représentants d’Egis Route dans son bureau au Palais présidentiel de Libreville fin novembre 2009 mais c’était juste, affirme-t-elle, pour se faire présenter cette société. « Cela a duré une vingtaine de minutes », se souvient-elle.
Egis, une société d’ingénierie française, dont l’actionnaire historique (désormais minoritaire) est la Caisse des dépôts, a pour mission d’accompagner les opérateurs de grands chantiers d’infrastructures publiques en s’associant à des « partenaires locaux », avait rappelé mardi à la barre Christian Laugier, anciennement chargé des activités Afrique de cette société.
« J’avais envie de trouver des marchés privés » avec Egis, explique Mme Bongo. « Je ne veux pas travailler avec l’Etat car l’Etat est mauvais payeur », ironise-t-elle.
La présidente tente de la recadrer. « Egis travaillait sur des projets routiers. En général, ce ne sont pas des marchés privés ». Impertubable, Mme Bongo rétorque qu’il peut y avoir des constructions de bâtiments le long des routes.
A la fin de son audition, aucun avocat ne lui pose de questions.
Comme Pascaline Bongo, tous les autres prévenus – trois anciens cadres supérieurs d’Egis, l’homme d’affaires gabonais Franck Ping, qui reconnait avoir une « relation quasi-filiale » avec Mme Bongo ou l’avocate Danyèle Palazo-Gauthier, amie et ex-conseil de Mme Bongo, contestent catégoriquement les accusations portées à leur encontre.
Les cadres d’Egis Route sont poursuivis pour corruption active. M. Ping et Mme Palazo-Gauthier doivent répondre de complicité de corruption passive.
– « Pas de problèmes » –
A l’audience, les dirigeants d’Egis Route ont assuré avoir agi dans les règles. Au Gabon, Egis avait choisi de collaborer avec Sift, une société créée et dirigée par Pascaline Bongo.
« J’ai lu dans la presse que Mme Bongo avait été écartée (de la vie publique) par son frère Ali. Je me suis dit qu’il n’y avait pas de problèmes », a soutenu un des cadres d’Egis.
– « Y a-t-il eu une commission occulte proposée à Pascaline Bongo? Est-ce que quelqu’un vous a déjà approché pour dire qu’il faudrait payer ? », l’interroge son avocat, Me François Saint-Pierre.
– « Absolument pas », répond son client.
« Après la mort de son père (Omar Bongo, en juin 2009), Pascaline a été complètement écartée du pouvoir (…) Elle ne pouvait prendre aucun acte engageant l’Etat gabonais », a dit M. Ping. « C’était une personne privée, pas un agent public étranger », a-t-il insisté.
Le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire en 2019 après la découverte « de curieux échanges, mails et documents évoquant l’affaire Egis » lors d’une perquisition au cabinet parisien de Me Palazo-Gauthier dans le cadre du dossier des « biens mal acquis ».
Dans cette affaire, dix descendants d’Omar Bongo, dont Pascaline, sont mis en examen depuis mars 2022.
Selon les enquêteurs, Sift était « une société écran » sans bureau ni aucun employé.
Le procès doit s’achever jeudi.