Après avoir été contraint d’abandonner sa volonté de briquer un 3ᵉ mandat, le président du Sénégal, Macky SALL, surprend son pays à quelques heures de l’ouverture de la campagne pour la présidentielle de février 2024 en abrogeant le décret de convocation du collège électoral. A travers cette décision, il reporte ainsi l’élection pour la 1ere fois au Sénégal et proroge illégalement son mandat en se maintenant au pouvoir en toute violation flagrante de la Constitution. Jusqu’où ira Macky SALL dans sa boulimie du pouvoir ?
Un véritable putsch constitutionnel, à l’image de l’intervention militaire ont accaparé le pouvoir au Mali, est en train de se dessiner au Sénégal. Mais la CEDEAO, pendant ce temps, miaule dans un communiqué en avalisant ce camouflet de Macky SALL. En effet, contrairement aux pays en transition, la CEDEAO indique avoir pris note et appelle « à accélérer les différents processus afin de fixer de nouvelles dates ». Une véritable complaisance de l’organisation qui veut sentinelle des valeurs démocratiques dans l’espace de l’Afrique de l’Ouest.
Coup de surprise : la présidentielle prévue le 25 février prochain a été repoussée par le président Macky SALL dans une adresse à la nation ce samedi 3 février, en abrogeant le décret de convocation du collège électoral. Une première dans l’histoire du Sénégal. La consternation et l’indignation dépassent les frontières du pays de la Teranga. A juste titre : par cette décision, c’est parti pour une prorogation du mandat du président Macky SALL en violation de tous les textes de son pays et de l’espace communautaire de la CEDEAO au motif qu’il pèse des soupçons d’insincérité sur le Conseil constitutionnel dont les décisions sont sans recours. Une décision annoncée à quelques heures de l’ouverture officielle de la campagne pour les trentaines de candidats dont les dossiers ont été validés.
Justifiant sa décision, M. SALL avance des soupçons contre le Conseil constitutionnel qui est investi d’une telle responsabilité et jette du discret sur toutes les institutions au Sénégal pour autant, vue de l’extérieur, sont considérées parmi les plus fortes et capables de résister aux poids politiques.
S’il a capitulé en renonçant à son 3ᵉ mandat sous la pression populaire, le président donneur de leçon de démocratie aux autres n’avait pas renoncé à sa volonté de se maintenir au pouvoir vaille que vaille. En effet, en repoussant la présidentielle sans fixer une nouvelle date, il met en exécution son Plan B au détriment de la démocratie et tombe sous le coup d’un putsch.
Pire, pour l’ancien ministre de la Justice de notre pays, Mamadou Ismaïla KONATE, la démarche de Macky SALL est la caricature de la haute trahison. « Pour les étudiants en droit, les novices, les politiques non-juristes et les juristes non politiques et les politiques et juristes en herbe qui ont lu ou entendu parler de la Haute Trahison sans jamais savoir ce que c’est : regardez vers le Sénégal et son président », a commenté l’ancien ministre malien.
Sans ambages, c’est un coup d’Etat, a affirmé le ministre KONATE ajoutant que le président sénégalais par sa décision vient de créer un vide au plan juridique, politique et institutionnel. Seul à bord, face à rien et sans contrainte ni limite dans le temps et dans l’espace, il navigue seul comme monarque d’un pays cité en exemple pour son respect des princes démocratiques.
Macky SALL est en train de torpiller les valeurs et principes bien ancrés et entretenus par des présidents, en l’occurrence Léopold Sédar SENGHOR, Abdoul DIOUF et foule au pied les règles démocratiques. Sa décision n’est plus ni moins qu’un coup d’Etat, à l’image du renversement du pouvoir au Mali, au Niger, au Burkina Faso…
Par conséquent, Macky SALL mérite le même sort que ces chefs de transition arrivés au pouvoir par les armes qui sont également auteurs de coup d’état constitutionnel.
Bien au contraire, la CEDEAO dans son communiqué rendu dans la soirée de ce 3 février, cautionne le report en soulignant avoir ‘’pris note’’ et exhorte les autorités sénégalaises d’accélérer ‘’les différents processus» pour fixer une nouvelle date.
Si la CEDEAO laisse planer le caractère normal et légitime de la décision du président Macky SALL. Encore, la CEDEAO déjà fragilisée rate le coach de soigner son image de syndicat des chefs d’Etat pour avoir manqué de rappeler fermement à l’ordre le putschiste Macky SALL.
Pour autant, après le changement anticonstitutionnel au Mali, au Burkina Faso, au Niger ; la CEDEAO s’est montrée beaucoup plus sévère envers les militaires au pouvoir dans ces pays en imposant des sanctions économiques lourdes. Au Niger, l’organisation est allée plus loin en envisageant la possibilité d’intervenir militairement dans ce pays pour rétablir l’ordre constitutionnel.
Comme Alassane Dramane OUATTARA, Alpha CONDE, la partialité de la CEDEAO face aux changements anticonstitutionnels est un quitus au coup d’Etat, mais également un encouragement à ces démocrates véreux qui torpillent les textes pour se maintenir au pouvoir.
Sinon, si la CEDEAO a été capable de sanctions les pays en transition, le Sénégal ne devrait en aucun cas échapper à des sanctions pour avoir violé des textes communautaires. Pour son orgueil, le respect de ses principes, la CEDEAO devrait aller au-delà de son communiqué laconique, de torpeur. Mais hélas, encore une fois elle est en train des facteurs de son impopularité et de sa défiance.
Cette partialité flagrante de la CEDEAO est un véritable camouflet pour la démocratie sénégalaise et un encouragement à tous les chefs d’État de la région à s’affranchir des règles constitutionnelles. Le peuple sénégalais est en droit de se demander si la CEDEAO est encore un défenseur de leurs intérêts ou si elle est devenue un simple instrument au service des puissants.
Face à des circonstances similaires, la CEDEAO a décidé des sanctions et même manifesté sa volonté d’intervenir militaire au Niger pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions. En clair, l’organisation fait du deux poids deux mesures et donne l’impression que les décisions et les sanctions sont prises suivant la tête du client. Mais ce qui est sûr, des présidents de la CEDEAO ne peuvent manquer à des engagements démocratiques et l’exiger aux régimes dits « putschistes ».
PAR SIKOU BAH