La participation du ministre de la Défense et des Anciens combattants, le colonel Sadio Camara, à cette rencontre tenue dans la capitale russe prouve à suffisance l’intérêt renouvelé de la Russie pour faire entendre le point de vue du Mali sur la sécurité internationale. Cette rencontre atteste aussi de l’importance stratégique de la sécurité en Afrique et particulièrement au Sahel dans la recherche d’une sécurité globale.
Prenant la parole, le ministre en charge de la Défense a, de prime abord, réitéré les remerciements du président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, à son homologue russe, Vladimir Poutine, pour son implication constante et constructive pour la sécurité dans notre région.
Le colonel Sadio Camara a rappelé son exposé fait, il y a un à cette même tribune, sur la vision malienne des défis sécuritaires proposés est confronté au continent africain en général avec un regard particulier sur l’Afrique de l’Ouest et le Sahel. Pour lui, cette situation malheureuse continue de se développer d’autant que les facteurs géopolitiques, climatiques et sociologiques sous-jacents sont désignés tant à l’échelle mondiale, régionale que locale.
Pour le ministre en charge de la Défense, il est regrettable de constater qu’aujourd’hui encore, alors que l’Afrique reste gravement affectée par les grands problèmes mondiaux, les puissances étrangères produisent de dicter les modes de gestion des crises africaines. « L’actualité nous le montre encore avec les crises au Mali, au Burkina Faso et au Niger, états concernés du Sahel liés par la géographie, l’histoire et la sociologie », at-il fait remarquer, tout en rappelant les raisons et l’échec des initiatives de coopérations militaires expérimentées pour les maîtriser.
Parlant des principaux défis sécuritaires du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, le ministre de la Défense et des Anciens combattants a laissé entrevoir que notre région est confrontée à une violence d’une rare portée dans son histoire qui se manifeste par des agissements de certains acteurs internes et externes qu’il classe selon leur motivation en groupes armés terroristes, groupes criminels transnationaux… Pour Sadio Camara, ces phénomènes efficaces ne sont que des symptômes superficiels d’un mal dont la racine est bien plus profonde.
« Les politiques publiques mises en œuvre ne correspondent pas au besoin des peuples et les élus sont en décalage croissant avec ceux qui sont censés les représenter. Le fossé se creuse de jour en jour, les inégalités s’approfondissent en continu», at-il averti, entraînent que ces décalages s’expliquent par le fonctionnement de nos jeunes états africains qui sont encore marqués par l’héritage des sombres périodes d ‘humiliation et de domination étrangère.
STRATÉGIE PRÉMÉDITÉE DE DÉSTABILISATION- Sous prétexte de politiques libérales d’ajustement structurel, les systèmes éducatifs africains ont été détruits et les systèmes de sécurité désarmés par l’ancien maître, désormais reconverti en partenaire stratégique, a déploré le ministre Camara.
D’après lui, ce même partenaire stratégique qui agit seul continue de renforcer sa domination et d’entretenir la dépendance. «Toujours disposés à donner des leçons d’humanité, il s’appuie sur des leaders qu’il manipule pour ses intérêts souvent liés à l’exploitation des ressources naturelles», a critiqué le ministre en charge de la Défense, rappelant l’ attaque contre la Libye en 2011 qui est parfaite l’illustration de cette pratique mafieuse.
«Cette stratégie préméditée de déstabilisation du Sahel a fait du Mali la première victime, malheureusement sous les regards moqueurs et condescendants des voisins inconscients du danger qui les guette», a fustigé le colonel Sadio Camara qui a fait remarquer que le feu s’est étendu dans toute la région. « Nous vivons encore aujourd’hui les conséquences de cette tragédie », at-il regretté. Avant d’indiquer que l’heure n’est ni à la victimisation ni au fatalisme. Mais, il s’agit plutôt de faire un diagnostic éclairé et lucide des raisons de l’échec des stratégies actuelles. Pour affronter ces défis, dira-t-il, les pays africains ont peu de chance de réussir tant qu’ils avancent en rangs dispersés.
Pour le ministre Camara, la seule solution pour les Africains de mener une politique réellement africaine concertée, fondée sur les réalités et les besoins des peuples africains, est d’avoir le courage de défendre nos intérêts surtout lorsque ceux-ci sont opposés à ceux des puissances extérieures à l’Afrique. à cet effet, il a rappelé que notre gouvernement a fait le choix courageux et lucide de changer sa stratégie sécuritaire après avoir fait le constat réaliste de l’échec des stratégies imposées, caractérisé par le déploiement de dizaines de milliers de militaires étrangers sans impact positif pour les populations.
Le colonel Sadio Camara a indiqué que notre peuple a décidé de prendre son destin en main et de construire son autonomie avec des partenaires plus fiables et sincères dont les intérêts sont transparents et clairement exprimés dans le cadre d’une relation gagnant-gagnant.
Il a évoqué les avancées dans le domaine sécuritaire qui ont permis de faire progresser le processus de refondation de l’état avec l’adoption de la nouvelle Constitution par 97% des Maliens et des élections anticipées dans quelques mois pour mettre fin à la Transition. Pour lui, ce que le Mali a fait à sa modeste échelle, les pays africains peuvent le faire en grand. Enfin, le colonel Camara a appelé la jeunesse africaine à se lever pour défendre ses intérêts et son honneur, car, dira-t-il, personne d’autre ne le fera puisque c’est une responsabilité générationnelle.
Souleymane SIDIBE