Le gouvernement fédéral allemand a récemment révisé sa stratégie pour le Sahel. Une situation qui intervient alors que la région se transforme de plus en plus en un enjeu international pour les grandes puissances comme la France, la Russie, les Etats-Unis mais aussi la Chine. Chacune se bat pour imposer sa suprématie dans la zone sahélienne. Plutôt que de considérer cet intérêt comme un problème, nos pays devraient considérer cette situation comme une opportunité au regard d’un contexte international en grande mutation.
Sécheresse, terrorisme, chômage endémique… Autant de maux qui préoccupent les habitants de la zone sahélienne dont certains n’ont d’autre choix que de fuir quand ils le peuvent. La région est depuis longtemps devenue un enjeu géopolitique. En effet, la Russie et la France s’adonnent à une guerre d’influence et de positionnement de l’ombre au Mali et au Burkina Faso.
C’est dans ce contexte que le gouvernement allemand entend désormais intensifier la coopération avec des États relativement stables et fiables de la région du Sahel. « Le gouvernement fédéral va donc étendre son engagement, notamment au Niger », indique un document de stratégie du gouvernement fédéral qui a été présenté vendredi dernier à l’agence de presse allemande à Berlin. L’autre pays stable de la zone et seul partenaire de l’OTAN au Sahel, la Mauritanie, est également un autre partenaire prometteur pour une coopération plus étroite avec l’Allemagne. Ceci pour éviter que la crise ne déstabilise toute l’Afrique de l’Ouest.
Dans le cadre de l’Union européenne et avec d’autres partenaires tels que les États-Unis et la Grande-Bretagne, l’Allemagne veut s’impliquer davantage « là où le soutien promet la perspective d’un changement positif », indique le concept de dix pages.
Dans ce document, il est également indiqué que « lorsque le soutien aux structures centrales de l’État ne promet aucun effet positif en raison de violations des droits de l’homme ou de gouvernements autoritaires, l’accent sera davantage mis sur la coopération avec les structures régionales ou municipales ainsi qu’avec la société civile et les acteurs non étatiques ». C’est actuellement le cas au Tchad et au Mali notamment.
2,7 millions de réfugiés au Sahel
Ces mesures visent également à empêcher l’effondrement de l’État au Burkina Faso et la propagation des crises aux pays côtiers ouest-africains voisins du golfe de Guinée. Selon le gouvernement fédéral, environ 2,7 millions de personnes au Sahel ont fui depuis le début de l’année, dont la majorité d’entre elles étant des personnes déplacées à l’intérieur du pays.
Selon les estimations des Nations-unies, près de 18 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire au Sahel. Le gouvernement fédéral veut également « contribuer au développement d’un arc de stabilité supplémentaire autour du Mali et du Burkina Faso », indique le document.
Dans le cadre de l’Union européenne (UE) et avec des partenaires internationaux comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne, des campagnes seront menées pour soutenir plus qu’auparavant les initiatives africaines de lutte contre le terrorisme. Les points de contact ici incluent les conclusions de l’Union africaine (UA) sur la nécessité de la mise en place d’une force d’intervention africaine, la force en attente de la communauté économique ouest-africaine de la CEDEAO ou les plans de l’Initiative d’Accra, qui comprend le Ghana, la Côte d’Ivoire, Bénin et Togo.
Signalons que des soldats allemands participent à la nouvelle mission de partenariat de l’UE au Niger (EUMPM Niger), qui vise à contribuer au développement ultérieur des forces armées nigériennes dans la lutte contre les terroristes et les gangs armés.
Fin avril dernier, le parlement allemand « Bundestag » avait donné son feu vert pour cette participation. En outre, la contribution allemande à la mission de police civile de l’UE EUCAP Sahel Niger devrait être élargie. Le concept intitulé “Redéfinition et ajustement de l’engagement du gouvernement fédéral au Sahel” a été présenté mercredi dernier par le gouvernement allemand. Le parlement allemand a largement voté en faveur de cette nouvelle stratégie.
« L’Allemagne restera également un partenaire fiable au Sahel à l’avenir – en particulier en ce qui concerne les États et les acteurs qui partagent nos valeurs et comptent sur notre soutien » a relevé le gouvernement. « À court terme, nous devons éviter que les crises ne se propagent davantage et déstabilisent potentiellement toute l’Afrique de l’Ouest » a noté l’équipe gouvernementale.
Retrait des troupes allemandes de la Minusma
Pour autant, les solutions ne peuvent venir que des pays touchés eux-mêmes et doivent être soutenues par la Communauté internationale. Dans ce cas, la persévérance et la flexibilité sont nécessaires.
L’Allemagne a décidé du retrait de ses troupes du Mali estimant que les conditions ne sont plus réunies au maintien de celles-ci au sein de la Minusma. Ce retrait ne sera effectif qu’en mai 2024 afin de soutenir la présidentielle au Mali censée être organisée en février et mars.
Avec au moins un millier d’hommes, l’Allemagne est engagée au sein de la Minusma depuis son déploiement en 2013. Le déploiement de la Bundeswehr a été entravé à plusieurs reprises par les autorités maliennes, considérées comme proches de la Russie.
Le nouveau document de stratégie stipule que le contingent allemand au Mali devrait contribuer à soutenir le processus de transition vers un gouvernement démocratiquement élu « dans la mesure du possible et en tenant compte du retrait en cours ».
Reste à savoir si d’ici là cette présence ne sera pas entravée au moment où certaines voix s’élèvent pour demander le départ de la Minusma. Le débat sur le renouvellement de son mandat débute le mois prochain.
Cheick B. CISSE