2022, restera une année particulière difficile et très éprouvante pour les civils au Sahel du fait des groupes terroristes. Au Mali, on dénombre près de 2000 civils qui auraient perdu la vie durant l’année précédente. Le pire c’est que l’année en cours ne s’annoncent pas sous de meilleurs auspices dans la mesure où ces groupes continuent d’évoluer semant terreur et désolation après leur passage.
Selon l’ONG ACLED chargée de répertorier les données cartographiques sur les violences armées, au Mali, la violence en 2022 a atteint les niveaux les plus élevés jamais enregistrés. Ainsi, à en croire cette organisation, le nombre de décès signalés dus à la violence politique a augmenté de 150 % au Mali à partir de 2021 et le nombre total de conflits et de manifestations a considérablement augmenté dans les trois pays du centre du Sahel.
De plus, cette ONG de signaler que les interruptions de l’ordre constitutionnel, survenues en août 2020 et mai 2021, ont été d’importants moteurs de l’instabilité et de l’affaiblissement des institutions étatiques. Par ailleurs, le pays se remet aussi difficilement du vide sécuritaire créé par le départ prématuré des forces françaises de Barkhane et de la Task Force Takuba. Une situation qui a favorisé le déferlement des violences armées particulièrement au niveau de la zone dite des « Trois frontières » (Mali, Burkina Faso et Niger).
Parmi les facteurs ayant contribué à l’escalade de la violence enregistrée au Mali, l’ONG cite l’entrée en action des nouveaux partenaires que Bamako qualifient d’« instructeurs » alors que les Occidentaux affirment être des « mercenaires du groupe de sécurité privée russe Wagner ». Toutefois, l’ONG reconnait que leur déploiement a favorisé plus de liberté d’actions et de mouvements au profit des FAMa ainsi que des éléments de la milice Da na Amassagou.
C’est la raison pour laquelle de nombreuses zones du pays notamment dans le centre ont été nettoyées de toute présence terroriste. Par contre, cela a également entrainé un déplacement massif de populations locales craignant d’être pris pour cible en représailles aux activités des FAMa et leurs partenaires. Outre des localités désertées par la population dans le Centre du pays, on compte également de nombreux civils tués et du bétail complètement décimé.
Pour revenir sur la zone des trois frontières, il faut signaler que la situation a été particulièrement plus préoccupante. Depuis, l’offensive entamée en mars 2022 par l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) dans les zones de Ménaka et Gao, on ne compte pas moins d’un millier de civils tués alors que des milliers d’autres ont été déplacés. On enregistre également des morts du côté de ceux qui ont tenté de s’y opposer tels que les combattants de la Coalition MSA/GATIA ainsi que leurs rivaux du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM).
Aussi, les affrontements opposant l’EIGS aux GSIM ont atteint des niveaux presque aussi élevés qu’à leur apogée en 2020, avec près de 600 de leurs éléments tués en 2022. De plus, l’EIGS a consolidé son emprise dans la région frontalière des trois États et a commencé des activités pseudo-gouvernementales (sécurité, impôts et taxes prélevés aux civils, semblable d’administration).
Pourtant, le GSIM est cependant resté de loin le groupe armé terroriste le plus actif de la région, menant trois fois plus d’attaques que l’EIGS. Le GSIM a continué à s’étendre et à encercler progressivement les alentours de Bamako. Ce groupe était également l’acteur le plus meurtrier au niveau régional. Au-delà du Mali, les activités du groupe ont été particulièrement prononcées au Burkina Faso voisin, où il a étendu ses opérations à de nouvelles zones et lancé plusieurs attaques majeures.
Le GSIM et l’EIGS jouent un rôle central dans la crise sahélienne
Plus particulièrement, le groupe a mené une attaque contre une base de la taille d’un régiment à Djibo, la capitale de la province septentrionale du Soum, et une embuscade contre un convoi de ravitaillement escorté par l’armée qui a entraîné l’incendie de plus de 90 camions le long d’un tronçon de route de cinq kilomètres. De plus en plus, il s’installe dans les pays du Golfe de Guinée comme le Bénin, le Togo, le Ghana, etc.
Ainsi, le GSIM et l’EIGS jouent un rôle central dans la crise sahélienne. Il est également clair que ces derniers ont exploité le vide sécuritaire créé après le retrait des forces françaises du Mali. Il est attendu qu’il en fasse de même au Burkina Faso profitant du retrait en cours des forces françaises de l’Opération « Sabre ». Ces groupes vont sans doute en profiter pour étendre leur influence à travers des cycles de violence encore plus meurtriers dans la région.
A ce jour, il semble que l’approche privilégiée par les autorités à savoir le « tout-militaire et sécuritaire » a montré ses limites. L’occasion d’expérimenter d’autres approches avant qu’il ne soit trop tard puisqu’au-delà de la crise sécuritaire, c’est aussi une crise humanitaire sans précédent que cette situation va créer dans un contexte de rareté des ressources et de l’orientation des aides vers d’autres priorités comme l’Ukraine, les conséquences des tremblements de terre en Syrie et en Turquie, le Yémen, etc.