Après avoir annoncé sur un ton de fermeté leur retrait de la CEDEAO, les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), avec le Mali en tête, vont-ils achever cette « reconquête » de leur souveraineté avec l’abandon du franc CFA au profit d’une monnaie commune ? Qu’en disent les experts en la matière ?
Dans la dynamique de réaffirmation de leur « souveraineté retrouvée », le Mali, le Burkina Faso et le Niger viennent de décider de leur retrait de l’organisation sous-régionale, la CEDEAO. Cette décision osée mais saluée par une bonne frange des populations et aussi par de nombreux observateurs, est lourde de conséquences.
En effet, en quittant la CEDEAO, ces trois pays du Sahel en transition, après des coups d’Etat, affichent leur volonté ferme d’indépendance et d’affranchissement vis-à-vis des dirigeants ouest-africains. Ceux-ci ne se faisaient pas prier pour montrer leur hostilité à l’égard des coups d’Etats et donc des pouvoirs d’exception. Ce qui créait et entretenait des tensions entre la CEDEAO et les pouvoirs de Bamako, de Ouagadougou et de Niamey. Car, quand la CEDEAO tient à des transitions des plus courtes dans ces pays, Col Assimi Goïta du Mali, Gal Abdourhamane Tiani du Niger et le capitaine Ibrahim Traoré du Burkina Faso ambitionnent se donner « le temps nécessaire pour refonder leur pays ». Et, conscients que l’épée de nouvelles sanctions est visiblement suspendue sur leurs têtes, les chefs putschistes du Sahel optent pour la rupture d’avec l’organisation sous-régionale.
Or, cette décision de retrait devrait avoir de nombreuses incidences sur la vie des populations, tant au plan économique, monétaire que socioculturelle.
C’est dans ce sens que les pouvoirs de Bamako, Ouaga et Niamey ne cachent pas leur rejet du système d’exploitation et de domination piloté par la France à l’égard de l’Afrique en général et de la CEDEAO en particulier. C’est pourquoi les dirigeants de l’AES estiment que l’on ne peut pas s’extirper de la domination française en demeurant au sein de la CEDEAO, dont le donneur d’ordre n’est que Paris ! Ce qui impose qu’en se retirant de la CEDEAO, le Mali et ses alliés projettent quitter totalement le système d’asservissement qu’est la zone monétaire concernée (en Afrique de l’ouest) de l’UEMOA, c’est-à-dire le franc CFA. Mais, le projet, qui est la prochaine étape de « l’indépendance réelle » de ces Etats, est la création de la monnaie commune. Il ne suscite pas moins des appréhensions, malgré l’enthousiasmé qui l’entoure.
En effet, selon des économistes comme Pr Kako Nubukpo du Togo, il faut que nos pays abandonnent l’utilisation du franc CFA, au profit d’une monnaie plus autonome à vocation commune.
« …Quand on a des francs CFA dans son porte-monnaie, on a en fait de l’euro, du fait de la parité fixe entre les deux monnaies. Mais je crois qu’il faut regarder la trajectoire des pays dans la durée, et je n’ai pas l’impression que les Ghanéens ou les Bissau-Guinéens, qui n’utilisent pas le franc CFA pour leurs échanges, vivent moins bien que les Togolais», déclarait-il. Ce qui veut dire que Maliens, Burkinabé et Nigériens ne vivraient pas moins bien que les autres pays s’ils quittent le franc CFA pour une monnaie commune, sauf que les économies de ces pays ne semblent pas compétitives. Et cet expert des questions monétaires de souligner : « J’ai toujours pensé que c’est à nous, Africains, de construire une monnaie qui soit au service de la transformation de nos économies. Les pays ouest-africains auront à travailler avec tous les partenaires : la France, les États-Unis, la Chine, la Russie »…Et c’est là qu’il y aura des difficultés, les pays de l’AES pouvant réduire leur parc de partenaires
Il urge donc qu’avant la prise de cette importante décision devant impacter la vie des millions de populations, les gouvernants analysent bien, avec des expertises avérées, tous les contours, pour ne pas conduire à une aventure regrettable. Car, l’on a fraîche dans la mémoire l’expérience du franc malien,, de juillet 1962 à mars 1984, qui n’a pas été positive.
Boubou SIDIBE /maliweb.net