Après la dénonciation de l’accord de coopération militaire qui liait le Niger et les Etats-Unis, Washington a finalement accepté vendredi 19 avril de retirer sa gigantesque base aérienne 201 d’Agadez et ses 1100 soldats engagés dans la lutte anti-jihadiste. Quelles implications en termes de lutte contre le terrorisme au Sahel ?
Les Américains espéraient essayer de sauver la mise. Ils ont d’abord fait profil bas. Dans un premier temps, ils n’ont voulu ni condamner ni nommer le coup d’Etat. Et encore, on pensait que la désignation de “coup d’Etat”, finalement employée deux mois après les faits, allait suspendre automatiquement toutes leurs activités. Or, cela n’a eu qu’un impact sur l’aide au développement. La coopération militaire a été plutôt préservée.
Les Etats-Unis sont allés jusqu’à adouber le pouvoir d’Abdourahamane Tchiani avec la remise le 2 décembre 2023 de la copie figurée des lettres de créance de la nouvelle l’ambassadrice américaine, Kathleen Fitz Gibbon à la junte. Il s’agissait là de garder leur relation avec le Niger dans le seul but de sauver leurs installations militaires, installations stratégiques. Avec cette reconnaissance, la Maison Blanche et le département d’Etat américain ont voulu faire sortir progressivement le Niger de l’isolement diplomatique dans lequel des puissances et organisations régionales (notamment la France et la Cédéao) ont voulu le confiner depuis les événements du 26 juillet 2023.
Visiblement Abdourahamane Tchiani a son propre agenda en annonçant à la face du monde la fin avec effet immédiat de l’accord de coopération militaire passé avec les Etats-Unis en 2012, affirmant que la présence américaine était illégale.
Malgré cette dénonciation, Washington a essayé de jouer la politique de l’autruche jusqu’au dernier moment. Après un mois d’intenses négociations, les Américains sont visiblement arrivés à la conclusion qu’il n’y avait plus rien à tirer des Nigériens.
C’est face à cette conclusion que le numéro deux de la diplomatie américaine, Kurt Campbell, a accepté la demande des autorités nigériennes de retirer leurs troupes, lors d’une rencontre à Washington avec le Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine, qui était en visite dans la capitale fédérale américaine pour des discussions avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.
Une délégation américaine est attendue au Niger dans les prochains jours pour s’accorder sur les détails du retrait de ses troupes engagées dans la lutte anti-jihadiste.
Tout comme le Mali et le Burkina Faso, le Niger est confronté à des violences jihadistes récurrentes orchestrées par des groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique à l’Ouest du Niger et Boko Haram et l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap) dans la partie Sud du pays.
Aujourd’hui la question qui se pose, quelles est de savoir si ce retrait pourrait déstabiliser la lutte contre le terrorisme dans le sahel.
Analystes et spécialistes des questions sécuritaires au Sahel sont formels : le départ des troupes américaines du Niger va accroître la situation sécuritaire sur l’ensemble de la bande sahélo-saharienne et par contre, ce retrait des militaires américains du Niger est un véritable coup dur pour le pays de l’Oncle Sam.
“Certes, la présence des Américains au Niger n’a pas empêché des grosses attaques comme celles d’Inates, de Banibangou, mais, pour moi, la présence des forces américaines du Niger est très importante pour la région du Sahel en proie à une instabilité sécuritaire et politique. En termes de lutte contre le terrorisme, le départ des forces américaines va créer un black-out voire même un vide sécuritaire total, offrant potentiellement un avantage aux groupes terroristes actifs dans la région. L’arrivée prochaine du groupe paramilitaire russe Wagner dans le pays ne va pas résoudre le problème du terrorisme au contraire il va l’aggraver. Depuis 2022 Wagner est présent au Mali, mais quand on regarde la situation sécuritaire sur le terrain, ça ne va pas du tout. Il ne faut pas que le Niger tombe dans les mêmes erreurs que le Mali”, analyse Abdoul Razack Idi, spécialiste des questions sécuritaires au Centre de recherche sécuritaire et stratégique au Sahel.
Selon notre spécialiste, en plus d’impacts sécuritaires sur le Niger et l’ensemble de la
région, ce retrait est un coup dur pour les Américains et plus largement pour les Occidentaux.
“Au-delà de l’aspect militaire, c’est surtout un coup dur pour les Etats-Unis en termes de stratégie. Car, la Maison blanche, le département d’Etat américain et le Pentagone avaient misé sur son ancrage dans le pays, où ils disposent d’une importante base de drones à Agadez pour poursuivre la lutte contre le jihadisme dans la région et peser face à l’avancée de la Russie”, conclut notre spécialiste.
Ousmane Mahamane