La junte au pouvoir au Mali a dénoncé une « énième trahison » à propos du retrait en cours et sous tension de la mission de l’ONU du pays, en accusant la France de tenter de l’accélérer pour favoriser les groupes jihadistes.
Les colonels arrivés au pouvoir par la force en 2020 ont réclamé et obtenu du Conseil de sécurité en juin, après des mois de dégradation des rapports avec la mission onusienne, le départ de la Minusma déployée depuis 2013 dans ce pays en proie au jihadisme et à une profonde crise multidimensionnelle.
La Minusma doit avoir quitté le pays d’ici au 31 décembre. Elle a déjà transféré aux autorités maliennes quatre des camps qu’elle occupait, et doit en libérer plusieurs autres dans les jours ou les semaines à venir dans la région de Kidal (nord).
Ce départ a exacerbé les rivalités pour le contrôle du territoire entre acteurs armés qui se disputent le contrôle des vastes étendues du nord malien.
Les groupes séparatistes à dominante touareg ont repris les hostilités contre l’Etat central et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaïda a multiplié les attaques contre les positions militaires.
Le déroulement de son retrait, une opération d’envergure menée sous la menace des attaques, vaut à la Minusma des critiques à la fois des autorités et des rebelles.
La Minusma a commencé en début de semaine à se retirer de ses camps de Tessalit et Aguelhok dans la région de Kidal, dans un climat de haute tension. Jeudi, un avion cargo C130 tunisien affrété par la Minusma a essuyé des tirs lors de son atterrissage à Tessalit sans faire de dégâts, ont indiqué des sources aéroportuaires sur place. L’information a été confirmée localement par un membre des Nations unies.
Un haut responsable de la Minusma, El Hadj Ibrahima Dieng, a reconnu dans une vidéo diffusée mardi soir par la télévision d’Etat malienne que « l’évolution de la situation sécuritaire sur le terrain » nécessitait « une procédure accélérée » qui, a-t-il précisé, sera menée « en concertation avec toutes les parties ».
Or un changement de calendrier bouscule les plans de l’armée malienne autour de la libération des emprises de la Minusma, qu’elle compte bien ne pas laisser aux groupes armés.
Le porte-parole du gouvernement malien, le colonel Abdoulaye Maïga, a réagi en accusant l’ancien allié français d’œuvrer pour que la Minusma accélère le mouvement.
« La junte française ne ménage aucun effort en vue de faire fuir la Minusma, en lieu et place d’un retrait ordonné », a-t-il dit dans un communiqué lu mercredi soir par la télévision d’Etat.
« Les objectifs de cette fuite orchestrée, en prétextant des raisons fallacieuses et en violation du calendrier de cession des emprises aux autorités maliennes, constituent une énième trahison dont sont victimes les Forces armées et de sécurité du Mali et visent à équiper les groupes terroristes, en abandonnant délibérément des quantités importantes d’armes et de munitions pour réaliser leur dessein funeste », a-t-il dit, sans qu’apparaisse clairement à qui l’accusation de trahison est adressée.
La Minusma a prévenu lundi qu’elle pourrait avoir à détruire ou mettre hors service des équipements « sensibles » qu’elle n’aurait pas pu évacuer.
Sollicitée par l’AFP, la Minusma n’a pas réagi dans l’immédiat.
Les colonels ont rompu en 2022 l’alliance militaire avec la France et désigné à l’opinion l’ancienne puissance coloniale puis alliée comme responsable d’une grande partie de ses maux.