L’aile gauche passée au Kärcher. Gabriel Attal, le Premier ministre censé incarner le renouveau du dépassement des clivages se voit flanqué d’un gouvernement plus à droite que tous les précédents sous Emmanuel Macron grâce à des symboles… De l’ancien monde.
C’est l’un des principaux enseignements du remaniement annoncé jeudi 11 janvier au compte-gouttes par l’intermédiaire des chaînes d’information en continu : l’aile gauche, déjà atrophiée par rapport aux ténors anciennement Les Républicains, malmenée par des textes à l’inspiration droitière, est désormais inexistante. Ou presque.Parmi la quinzaine de ministres listée par Alexis Kohler depuis l’Élysée en fin de journée, rares sont ceux à mettre en avant une fibre « de gauche » ou « sociale-démocrate. » Si Gabriel Attal a revendiqué une équipe « d’action » au 20 heures de TF1, les évolutions dans son dispositif montrent surtout que le rééquilibrage attendra et que « l’audace » prônée par la Macronie s’est arrêtée aux portes de Matignon.
À droite, toutes
Le principal mouvement – le plus médiatique en tout cas – est éloquent. Rachida Dati, ancienne garde des Sceaux (2007-2009), sarkozyste zélée, entre au gouvernement comme ministre de la Culture en lieu et place de Rima Abdul Malak.
L’ancienne conseillère d’Emmanuel Macron à l’Élysée, jadis proche du socialiste Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, paie sa semi-fronde contre la loi immigration et ses propos à l’endroit de Gérard Depardieu. Elle n’avait pas hésité à engager une bataille contre la chaîne Cnews d’inspiration d’extrême droite… Que pourrait ne pas reprendre sa successeure.
Même théorème au ministère du Travail. Exit Olivier Dussopt, issu des rangs du Parti socialiste et président de la petite formation « Territoires de Progrès. » Bonjour Catherine Vautrin, l’ancienne ministre de la Cohésion sociale, des Personnes handicapées ou de l’Intégration sous Jacques Chirac (entre 2004 et 2007) et présidente du Grand Reims.
Sa nomination à Matignon avait été bloquée par plusieurs caciques de l’aile gauche en juillet 2022 qui rappelaient, notamment, son vote anti-mariage pour tous en 2013. La voilà moins de deux ans plus tard à la tête d’un grand ministère qui englobe le Travail, la Santé ou les solidarités.
« On imagine la frustration de Nadine Morano ce soir »
Un maroquin élargi sur lequel plusieurs figures de gauche, dont Olivier Véran ou Olivier Dussopt, lorgnaient depuis plusieurs années. C’est raté. Ils sont renvoyés, et le poste tant convoité échoue finalement à l’une des dernières figures du gaullisme social.
À ces entrées, s’ajoutent les reconductions des « crocodiles » de l’aile droite. Les anciens Les Républicains Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu restent respectivement à Bercy, à l’Intérieur et aux Armées. Trois des domaines cardinaux dans l’architecture gouvernementale. Les deux premiers peuvent même se targuer d’être numéro 2 et 3 dans l’ordre protocolaire. La quatrième n’est autre que Catherine Vautrin.
Le cap semble donc clair : continuer un virage à droite déjà bien engagé depuis plusieurs années. Dans ce contexte, l’opposition Nupes s’en donne déjà à cœur joie. « On imagine la frustration de Nadine Morano ce soir », s’amuse le député écologiste Benjamin Lucas sur les réseaux sociaux. « Ça part à droite toute », ajoute sa collègue Sandrine Rousseau, quand le chef des roses Olivier Faure ironise sur « la régénération des dinosaures sarkozystes. »
Exit l’aile gauche
Force est de constater que les rares personnalités identifiées comme issues des rangs de la gauche auront fort à faire pour équilibrer la balance, comme Stéphane Séjourné, l’ancien militant et conseiller socialiste, secrétaire général du parti présidentiel depuis septembre 2022.
Nommé aux Affaires étrangères à la place de l’ancienne chiraquienne Catherine Colonna, il n’aura que peu d’espace pour peser sur les inclinations politiques nationales. Voire aucun. À moins que le pendant de tous ces ministres issus de la Sarkozie ou de la rue de Vaugirard ne soit incarné par le Premier ministre lui-même ?
Gabriel Attal était lui aussi, jadis, membre du parti socialiste et conseiller de Marisol Touraine au ministère de la Santé pendant le quinquennat de François Hollande. On ne peut pas dire en revanche que ses faits d’armes au gouvernement, du SNU au plan anti-fraude en passant par l’interdiction de l’abaya ou l’expérimentation de l’uniforme ne soient forcément marqués du sceau de l’idéologie progressiste.
« Il a démarré à gauche, mais il ne l’est plus du tout », résumait en ce sens l’ancien ministre de Jacques Chirac Jean-François Copé, ce jeudi matin sur Europe 1. Difficile de lui donner tort quelques heures plus tard.