Notre système politique comporte des imperfections majeures. La première, c’est une forte concentration de pouvoirs entre les mains du président de la République. Tout se passe comme si les autres institutions de la République ont déserté la scène politique au profit du Président de la République qui a tout le loisir d’offrir aux Maliens un «one man show».
Pour utiliser un langage imagé, nous dirons que le Président est comme une étoile qui seule brille parmi les innombrables étoiles qui constellent le ciel, comme un lion qui fait seul la loi parmi les animaux de la brousse, comme un coq qui se pavane seul au milieu de la basse-cour. Il n’est pas exagéré de dire que la République se confond avec la personne du Président: tout part de lui, ou passe par lui, ou revient à lui. Cette «omni-compétence» du président de la République, tirée en bloc de la Constitution française du 4 octobre 1958, comporte deux inconvénients majeurs: le premier, c’est que le Président tend à éclipser les autres institutions de la République qui sont réduites à faire de la figuration; le second, c’est que la nature humaine cultive chez tout détenteur de pouvoirs la tentation d’en abuser. Pour corriger cette anomalie, il y a lieu de rétablir un équilibre entre les pouvoirs des institutions de la République en limitant ceux du Président de la République.
Il faut rappeler ici que le fameux principe de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) imaginé il y a trois cents (300) ans par Locke et Montesquieu est une condition nécessaire mais non suffisante pour limiter les abus de pouvoir dans un système démocratique. Ce principe doit être complété par celui de l’équilibre entre les pouvoirs. Ce dernier principe est résumé dans une boutade de Montesquieu connue de tous: «Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des chose, le pouvoir arrête le pouvoir».
Venons-en maintenant aux pouvoirs du Président de la République en matière de nomination. Dans un contexte de course effrénée des cadres de l’administration et de l’armée, des militants de la multitude de partis politiques et des responsables de la kyrielle d’organisations de la société civile pour l’obtention de postes juteux ou honorifiques, ces pouvoirs du Président sont certainement ceux qui ont le plus de visibilité auprès de l’élite. La nomination des membres du gouvernement donne la mesure de l’étendue de ces pouvoirs.
Le Président de la République détermine, en toute liberté, la taille de l’équipe gouvernementale, sa configuration politique et sa longévité, la dénomination des portefeuilles ainsi que le titre de leur titulaire, et confie la charge de ministre de la République à qui il veut. Il est souhaitable de mettre un peu d’ordre dans ce tohu-bohu.
Ali CISSÉ