A l’heure du bilan, Les assises de la Justice, organisées du 28 mai au 4 juin 2024, au Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio, ont réuni professionnels de la justice, représentants de l’État, organisations de la société civile et partis politiques. Leur objectif était d’identifier les dysfonctionnements du système judiciaire et de proposer des améliorations. Le jeudi 4 juillet, les conclusions de ces concertations ont été remises au président de la République Bassirou Diomaye Faye, au palais de la République.
Un exercice de remise en question
Le professeur Babacar Guèye, facilitateur des assises, a déclaré : « Dès lors, nous sommes persuadés que vous engagerez, au nom du peuple, les actions qu’il faut en vue d’atteindre les résultats concrets et éloquents pour le triomphe de la primauté du droit. » Il a rappelé que l’exercice visait à « aider à baliser la voie pour une réforme pragmatique de notre système judiciaire », relevant que les assises avaient permis une remise en question profonde de la justice actuelle.
Les discussions ont mis en lumière deux principaux constats : les dysfonctionnements du service public de la justice et l’inadéquation de l’institution judiciaire face aux évolutions culturelles et technologiques. En réponse, des recommandations majeures ont été formulées pour moderniser le système judiciaire.
Axes de réforme prioritaires
Le Pr. Guèye a insisté sur plusieurs axes de réforme proposés par les assises. Parmi eux, l’adoption de textes législatifs déjà introduits ainsi qu’une révision des codes existants, notamment le Code de la famille, le Code pénal et le Code de procédure pénale, par de larges consultations. Il a également rappelé la nécessité d’améliorer les différentes chaînes judiciaires, y compris la justice pénale, pour remédier à des problèmes tels que les mandats de dépôt prolongés, le retour de parquet, la longue détention provisoire et l’engorgement des prisons.
La justice commerciale et administrative en ligne de mire
La justice commerciale a été identifiée comme un domaine nécessitant une amélioration en termes de célérité et de moyens, ainsi que la dématérialisation des procédures. En ce qui concerne la justice administrative, la décentralisation et la mise en place de procédures d’urgence ont été préconisées.
Un autre aspect essentiel concerne les acteurs du système judiciaire, pour lesquels un recrutement massif a été recommandé afin de garantir une meilleure prestation des services de justice. La réorganisation du Conseil supérieur de la magistrature a été proposée pour assurer la transparence dans la gestion des carrières, ainsi que l’ouverture du barreau.
Modernisation et innovations technologiques
La modernisation de la justice a été un thème récurrent, avec des mots-clés tels que rupture, refondation et création. Le Pr. Guèye a précisé que « la modernisation de la justice est possible, mais elle passe par des innovations essentielles » incluant la dématérialisation, la numérisation et la digitalisation ainsi que l’utilisation de l’intelligence artificielle pour s’aligner avec l’ère actuelle.
Pour améliorer la communication et rapprocher la justice des justiciables, la création d’une Direction de la communication et des relations publiques au sein du ministère de la Justice a été suggérée.
Vers de nouvelles institutions judiciaires
Les assises ont également évoqué la création de nouvelles institutions pour apporter des changements systémiques au fonctionnement de la justice, notamment la mise en place d’une Cour constitutionnelle et d’une Haute autorité de la justice, afin de créer des « synergies » entre les différents acteurs judiciaires. La création d’un juge des libertés et de la détention a également été envisagée pour garantir le respect des droits des personnes arrêtées dans le cadre d’une procédure pénale.
Des obligations déontologiques revisitées
Pour finir, le facilitateur a rappelé que les assises ont également abordé les obligations déontologiques des acteurs de la justice, en veillant à ne pas se focaliser sur le passé récent ou sur les débats stériles, mais plutôt à aller de l’avant. « Nous avons gardé l’esprit des assises qui n’était pas de s’appesantir sur le passé récent, sur les clivages, mais de regarder l’avenir », a-t-il conclu.
L’objectif était d’éviter toute revendication corporatiste ou syndicale et de ne pas faire le procès des acteurs de la justice.