Au-delà du vote massif du oui qui se profile à l’horizon, la question qui se pose avec acuité dans le cadre des réformes encours est de savoir si le référendum du 18 juin prochain va améliorer quelque chose dans le quotidien des Maliens.
A priori, le changement de Constitution est une étape décisive dans la marche d’une nation. Mais, cette réforme ne rassure pas, pour ce qui concerne le Mali, sur son impact réel sur le processus de refondation tel que souhaité par tout un peuple, meurtri et soumis à des vagues de crises récurrentes, depuis 2012.
D’abord, la question de l’impact réel de ce référendum se pose eu égard à la charge financière importante qu’il occasionne. Puisque, même si le gouvernement ne communique pas souvent là-dessus, le processus référendaire est suffisamment budgétivore.
En effet, combien a déjà coûté au contribuable malien la phase de l’élaboration, passant par celle de finalisation du projet de texte ? A combien est estimé le coût du volet organisationnel proprement dit portant sur la confection des cartes nationales d’identité biométriques sécurisées et des autres documents électoraux ? Quid des dépenses prévues pour les autres acteurs clés du processus comme l’AIGE, la Cour constitutionnelle, etc ? Transparence oblige, cette enveloppe financière devrait faire l’objet d’une communication officielle, surtout qu’avant l’entame du processus le président de la Cour constitutionnelle avait sonné l’alerte sur les difficultés financières de l’Etat à pouvoir organiser les élections.
Cette préoccupation financière interpelle les consciences, afin de savoir s’il est vraiment opportun que le Mali, dans le contexte actuel de tension de trésorerie, s’engage à aller à ce scrutin. Pour quelles retombées concrètes ? Car, même en matière de gouvernance, l’on s’accorde à privilégier « l’utile avant l’agréable». Et doter le Mali d’une nouvelle Constitution semble du domaine de « l’agréable », alors que l’utile touche les difficultés quotidiennes des ménages, les problèmes de survie, de santé, d’écoles, de routes, etc.
C’est dans ce sens que l’on se demande si l’adoption de la nouvelle Constitution, le 18 juin prochain pourra apporter, ne serait-ce qu’une once d’amélioration dans le quotidien des 20 millions de Maliens. L’on peut en douter. Car, comme cela peut-il en être autrement quand on signale encore que pour tenir le meeting en faveur du oui au stade le jeudi dernier, de l’argent a été distribué pour atteindre une forte mobilisation.
Ce qui veut dire, même sur le chantier de la refondation de l’Etat malien, les anciennes habitudes ont la vie dure. Comment comprendre que les pratiques comme distribuer 2000 F ou 5000F CFA à des jeunes pour les convoyer à un meeting politique puissent continuer, alors que le pays veut rompre avec les anciennes pratiques de gouvernance ? Ne doit-on pas conclure qu’avec les mêmes mentalités et les mêmes habitudes, l’on est sûr qu’on peut changer les textes, mais les tares demeureront ? Auquel cas, que pourront gagner les Maliens en allant voter en faveur de la nouvelle Loi fondamentale ? Presque rien, si ce n’est l’amorce d’une nouvelle marche avec des institutions nouvelles qui seront gérées par les mêmes acteurs sociopolitiques.
En outre, comment peut-on être optimiste avec une réforme majeure que de nombreux acteurs politiques applaudissent, non par conviction, mais par mimétisme et par souci de participer à la mangeoire de la gestion des affaires publiques ? Car, ils sont nombreux à nourrir l’espoir qu’avec la création du Sénat, ils auront toutes les chances de devenir sénateur ! Quid de ceux qui caressent le vœu secret de se faire attribuer un strapontin pour avoir mouillé le maillot en faveur du oui au référendum ?
Avec de tels calculs politiciens, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que les réformes politico-institutionnelles envisagées, sont lourdes de calculs mesquins et personnels. Le tout sur le dos des populations qui sont considérées comme un véritable bétail électoral. Ce qui pousse à croire que la refondation n’est pas pour demain.
Kassoum TOGO