Malgré la nomination d’une commission nationale de finalisation du projet de constitution, le document final remis au Président de la transition semble difficilement faire consensus. Il est toujours contesté par certain partis politiques et certaines organisations de la société civile, comme en témoigne la dernière sortie de la L.I.MA.MA et du SYLIMA.
En effet, le 11 octobre 2023, la remise de l’avant-projet de Constitution au Président de la Transition, le Colonel Assimi GOÏTA, Chef de l’État, par la Commission de rédaction de la nouvelle Constitution (CRNC) a été suivie d’une vaste contestation de la part des hommes politiques, et même de la société. Chacun y allait avec son centre d’intérêt. Pour avoir plus de consensus autour du document, le président de la transition a nommé une commission de finalisation, sous la coordination du Professeur Fousseyni Samaké, afin de redresser ce qui doit l’être. A la suite de deux semaines de travaux, un document final est sorti, qui a été officiellement remis au Président de la transition le 27 février 2023. Aux dires du président de la commission de finalisation, certaines dispositions de l’avant-projet ont été simplement reformulées et des rajouts ont été également faits. Grâce à des amendements, le nombre d’articles de l’avant-projet finalisé a légèrement baissé. Ainsi, le projet remis comporte 191 articles contre 195 pour l’avant-projet. Malgré ce travail, le document final semble toujours difficilement faire un consens.
Pour le PARENA, le projet porte les germes de nouvelles dissensions et de nouvelles controverses
Le Parti pour la Renaissance Nationale (PARENA), dans un communiqué, a signalé qu’il décide de se désolidariser de toute démarche tendant à l’adoption de tout projet non consensuel. Selon Tiébilé Dramé et ses camarades, les autorités doivent « concentrer les énergies du peuple sur la sécurisation du territoire et le renforcement de la cohésion nationale afin d’organiser dans les meilleures conditions les scrutins consacrant de la légalité constitutionnelle » .Dans son document, le parti du bélier blanc indique que le 13 novembre 2022, le Comité Directeur du parti a publié un mémorandum sur le projet de constitution rédigé par un comité d’experts désigné par le Président de la Transition. Le document précise que le projet portait les germes de nouvelles dissensions et de nouvelles controverses, et qu’il codifiait les dérives résultantes de la personnalisation excessive du pouvoir. Le PARENA a préconisé son abandon en dehors d’un consensus national et de la réunion des conditions énoncées à l’article 118 de la constitution du 25 février 1992. Selon le PARENA, à l’analyse du projet constitution finalisé, le parti arrive à la conclusion qu’il divise toujours le pays et le fossé se creuse davantage entre des pans entiers du peuple, des faitières de la société civile et des milieux politiques de différentes opinions. En conséquence, lit-on dans le document, le PARENA a décidé « de se désolidariser de toute démarche tendant à l’adoption de tout projet non consensuel de consensuel. » Le PARENA a aussi demandé « instamment aux autorités de concentrer les énergies du peuple sur la sécurisation du territoire et le renforcement de la cohésion nationale afin d’organiser dans les meilleures conditions les scrutins consacrant de la légalité constitutionnelle ». Pour Tiébilé et ses camarade, « a ce jour, il n’y a ni président de la République, ni député à l’Assemblée nationale et des pans entiers du territoire continuent d’échapper au contrôle de l’État. Cet Avant-projet de constitution porte les germes de nouvelles dissensions, de nouvelles controverses. Dans les circonstances difficiles que le Mali traverse, les acteurs publics maliens (autorités de transition, partis politiques et société civile) doivent tout faire pour éviter de nouvelles divisons susceptibles d’affaiblir davantage le pays ».
Le SYLIMA se démarque du projet final
Dans un communiqué publié et signé par son président, Hady Macky Sall, le Syndicat libre de la magistrature signale que le projet de Constitution marque un grave recul de l’indépendance du pouvoir judiciaire tant par rapport à l’actuelle Constitution qu’au regard des engagements internationaux auxquels notre pays a souscrit. « Le SYLIMA n’est ni dans la pusillanimité ni dans la compromission encore moins dans des manœuvres collusoires contre la République. Il est fermement et exclusivement engagé, d’une part, dans la défense des intérêts matériels et moraux des magistrats et, de l’autre, dans la protection sans concession de l’indépendance du Pouvoir judiciaire… ».
LIMAMA adopte une position radicale
Dans une déclaration lue devant la presse lors d’un point de presse tenu le mardi dernier au siège de la ligue à Sotuba, le secrétaire général de la Ligue Malienne des Imams et Erudits pour la solidarité islamique (LIMAMA), l’Imam Gaoussou Sidiki Minta, a déploré que les requêtes de son association soient ignorées par les plus hautes autorités. Il s’agit, notamment, du retrait pur et simple du mot laïcité sur toutes ses formes de l’avant-projet de constitution, tout en le remplaçant par l’Etat multiconfessionnel constituant le vrai point de départ de la refondation de l’État du Mali. « Considérant que notre demande a été ignorée par la commission de finalisation. La ligue malienne des Imams et Érudits pour la solidarité islamique (LIMAMA) agissant : Pour ALLAH (SwT), pour Seydina Mohammad (SWS), pour L’ISLAM et pour notre patrie, le Mali, exhorte solennellement tous les musulmans patriotes à voter contre le projet de Constitution sous sa forme actuelle, lors du referendum », lance le secrétaire général. Aux dires du secrétaire général de la Ligue malienne des imams et érudits pour la solidarité islamique (LIMAMA), l’Imam Gaoussou Sidiki Minta, « la laïcité, dont la définition est à géométrie variable, est une astuce que les gouvernants utilisent à leur guise pour cadenasser la ou les religions ». Selon lui, cette pratique a été utilisée tant par le pouvoir colonial que par tous les régimes de l’ère d’indépendance qui ont gouverné notre pays. Faute de satisfaction, la ligue menace d’user de ses droits pour mener des actions contre l’adoption du projet de nouvelle constitution.
L’Appel du ministre d’Etat à la LIMAMA
Face à la presse, le Colonel Abdoulaye Maïga, ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du Gouvernement, a appelé la LIMAMA à revoir sa position. Selon lui, le principe de la laïcité a toujours existé dans la constitution du Mali. C’est d’ailleurs le principe de laïcité qui a permis l’émergence de plusieurs associations et mouvements religieux dont LIMAMA. « C’est quand même curieux que le principe qui a favorisé votre émergence puisse être combattu par une association… », déclara le ministre d’Etat, Col Abdoulaye Maïga.