Le président nigérien Mohamed Bazoum, renversé par des militaires mercredi soir, était un des derniers alliés des pays occidentaux dans un Sahel déstabilisé par les violences jihadistes et les coups d’Etat militaires.
Dans cette région troublée, Mohamed Bazoum détonnait pourtant: quelques mois après le retrait des troupes françaises exigé par le Burkina Faso, et près d’un an après la fin de l’opération Barkhane, 1.500 soldats français sont toujours présents au Niger.
Dans sa lutte contre les attaques jihadistes qui minent l’ouest et l’est du pays, le Niger bénéficiait du soutien de plusieurs pays occidentaux dont la France et les Etats-Unis, qui y ont des bases militaires.
Mohamed Bazoum avait rencontré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell à Niamey début juillet, après une entrevue avec le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken en mars.
Josep Borrell avait annoncé le renforcement de l’appui militaire de l’Union européenne (UE) pour combattre les groupes jihadistes. De son côté, Antony Blinken souhaitait maintenir les liens sécuritaires avec le Niger.
Si le Mali et le Burkina Faso sont dirigés par des juntes arrivées au pouvoir respectivement en 2021 et en 2022 – invoquant également la situation sécuritaire -, Mohamed Bazoum a lui été le premier président à accéder au pouvoir après une transition démocratique entre deux présidents élus, dans son pays également en proie aux coups d’Etat et tentatives de putsch depuis l’indépendance en 1960.
« Notre jeune démocratie vient de réussir en 2021 une première alternance par les urnes, reflet de la maturité du peuple et de la sagesse des dirigeants », avait-il déclaré en mars.
Mais il avait déjà été déstabilisé plusieurs fois: le 31 mars 2021, le gouvernement nigérien avait annoncé l’arrestation de plusieurs personnes après une tentative de coup d’Etat présumée, deux jours avant la prestation de serment de Mohamed Bazoum. En mars 2022, une autre tentative de coup d’Etat avait été déjouée par les autorités nigériennes.
Homme de réseau
Successeur de Mahamadou Issoufou, Mohamed Bazoum entendait, lors de sa prise de fonction, assurer la « continuité » de celui dont il fut le bras droit pendant dix ans.
Longtemps resté à l’arrière-plan, Bazoum s’occupait de l’appareil du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, dont il est un des membres fondateurs comme Issoufou), mais aussi en jouant les fidèles lieutenants comme ministre de l’Intérieur ou ministre d’Etat à la présidence lors de la réélection d’Issoufou en 2016.
Homme de réseau, avec de bonnes relations à l’étranger, il avait quitté ses fonctions mi-2020 pour se consacrer à la présidentielle, objectif programmé d’un homme de l’ombre propulsé au premier rang de l’imposante machine déployée pour l’élection par le PNDS.
Né en 1960 à Bilabrine dans la région de Diffa (sud-est), Bazoum est arabe, communauté minoritaire au Niger, ce qui lui a valu des accusations sur ses origines « étrangères » lors de la campagne.
Après des études à Gouré (sud-est), puis un baccalauréat à Zinder, il part étudier la philosophie au Sénégal à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il y enseigne pendant six ans dans des lycées de province, y gagnant un certain talent d’orateur.
Son contact facile et son ancrage philosophique à gauche sont nuancés par un « air dur, celui de quelqu’un dont on sait qu’il peut avoir la main ferme », estimait en 2021 un observateur de la politique nigérienne à Niamey.
Concernant les affaires de corruption qui ont miné la présidence Issoufou, Bazoum était avantagé: « son nom n’est pas cité dans les principaux scandales de corruption qui ont souvent éclaboussé le régime » et « on lui reconnaît une certaine rigueur dans la gestion des affaires publiques et un franc-parler », selon Ibrahim Yahya Ibrahim, chercheur à International Crisis Group (ICG).