Le peuple malien n’a pas été consulté en 2013 à propos de la résolution 2100 du Conseil de sécurité de l’Onu en vue de résoudre la crise malienne. Nous faisons partie de ceux qui ont farouchement lutté contre cette résolution. Nous ne voulions pas de la présence d’une mission onusienne au Mali parce que nous savons qu’elle est synonyme de destruction du tissu social d’une nation. Mais encore, dans tous les conflits qui ont éclaté en Afrique, l’Onu n’a véritablement mis fin à aucun d’entre eux ou même empêcher la reprise de conflits ; et cela tout simplement parce qu’elle n’a jamais pu agir effectivement sur le cours des événements. Le combat dans cette arène était dominé par la brave et l’infatigable Aminata Dramane Traoré.
Malheureusement, nos voix comme celles de plus de vingt millions de Maliens ont été ignorés par les autorités d’alors. Il nous semble que l’histoire s’est répétée avec la demande de retrait des forces onusiennes. Bien qu’il revienne à nos autorités actuelles d’étudier de manière exhaustive tous les aspects de la présence et des opérations de la force onusienne de maintien de la paix et de prendre les décisions appropriées en ce qui concerne le renouvellement de son Mandat au Mali, il aurait été sage, raisonnable et conforme à nos valeurs de concerter avec le peuple malien et surtout les communautés au nord et au centre qui ont été les plus touchées par la présence et les actions de la Minusma avant de prendre une telle importante décision concernant leur vie et celle de la nation toute entière. Aucun engagement politique n’est durable sans que soient écoutés ceux que personne n’entende. Cela nous permet de mieux comprendre, de mesurer les difficultés et les aspirations de chacun. C’est après ces concertations et conversations que doit normalement venir le moment des choix.
Jusqu’à ces jours-ci nos différents gouvernements avaient accepté le renouvellement du mandat de la Minusma malgré son inefficacité dénoncée partout parce que souffrant d’une absence de cadre stratégique de résolution de conflits. Comme beaucoup d’experts l’ont constaté, les opérations s’enlisaient et perdaient leur sens. Incapable de régler le conflit ou de maintenir la paix, la Minusma se contentait désormais de les accompagner dans la durée.
Il y a longtemps que l’on dénonce la quasi-inutilité de la Minusma dont les missions ne sont pas adaptées à cette guerre asymétrique que seuls les Maliens peuvent gagner quels que soient les moyens alloués à cette force internationale. La première bataille étant celle des cœurs à gagner. En effet, la Minusma a été dotée de ressources importantes et d’un mandat extraordinairement ambitieux. Cependant, la Mission se trouvait à la croisée des chemins. L’évaluation des options dont disposait la mission pour accroître son efficacité a été ignorée. C’était évidemment une affaire de très longue haleine qui nécessitait bien sûr la poursuite de l’effort international mieux adapté et celui prioritaire de tous les Maliens. Il se pouvait qu’elle réussisse sa mission avec le temps et un alignement entre les ressources de la mission et son mandat, mais c’est un temps précieux dont le Mali ne dispose pas.
Pour notre propre gouverne, nous devons évaluer les résultats obtenus par la Minusma et mettre en lumière les obstacles à sa réussite. Il est aussi nécessaire de changer la culture politique destructive au Mali. Il nous faut une équipe dirigeante capable non seulement de construire un appareil d’État moderne, mais aussi d’établir une véritable feuille de route lui permettant de rendre opérationnelle une nouvelle vision de l’État en particulier dans l’exercice de ses fonctions régaliennes.
Cette équipe doit être crédible afin de pouvoir négocier avec nos partenaires, et avoir le soutien financier nécessaire pour mettre en place le quadrillage régalien indispensable. Mais encore, il est important de comprendre que c’est à nous de nous occuper de nos populations et de nos communautés. Ce fardeau nous revient directement en tant que pays. Il est encore plus important de dégager des stratégies pour la paix et le développement d’une économie durable.
Peu de périodes dans l’histoire de notre nation ont été plus difficiles que celle dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Notre pays fait face à de grands défis sociaux, financiers et économiques à relever. Nous allons nous répéter encore une fois. Ces défis auxquels nous faisons face actuellement devraient être une grande opportunité pour nous d’apprendre davantage et de mieux préparer l’avenir.
Il est temps de prendre les décisions éclairées essentielles à la réussite de nos démarches pour un Mali stable et surtout de montrer la volonté politique nécessaire qui nous permettra de consolider notre nation. A cet effet, nous devons rassembler toutes nos forces et toutes nos intelligences pour penser le rôle et la stratégie du Mali au vingt-et-unième siècle et faire les meilleurs choix : la réconciliation et la reconstruction d’une nouvelle armée républicaine et des forces de sécurité modernes, une politique extérieure moderne et pertinente, une bonne gouvernance, un état de droit et une justice sociale, et un programme viable de développement durable.
Mais aussi, faire de la décentralisation territoriale le catalyseur de l’ancrage de la démocratie de base. Nous devons nous mobiliser plus que jamais pour sauver nos acquis afin d’éviter à tout prix que cette crise ne tourne davantage au désastre économique et social. Nous devons avancer avec rapidité et urgence dans les négociations avec l’ensemble des partenaires régionaux et internationaux afin d’assurer la cohésion de nos actions, mais aussi et surtout nous réunir autour de l’accord de paix afin d’obtenir des avancées significatives et le conclure, étant donné que nous avons beaucoup à faire en cette période de périls et de possibilités. Nous pensons qu’il est nécessaire d’être audacieux dans nos actions et elles doivent être vitales. Et il n’y a donc pas meilleur moment que le présent pour agir hardiment afin d’alléger les souffrances de nos populations et consolider davantage notre nation.
Cheick Boucadry Traoré