L’Institut des hautes études en management (IHEM) a organisé jeudi dernier (7 mars 2024) une conférence animée par l’ancienne Première Dame du Mali et historienne, Mme Adam Bâ Konaré. Ce fut surtout un partage d’expérience liée au brillant parcours scientifique de l’épouse du président Alpha Oumar Konaré (8 juin 1992-8 juin 2022).
«Comment est venue à Mme Adam Bâ Konaré l’esprit de la recherche scientifique ? Quelles sont les difficultés qu’elle a rencontrées au cours de sa riche et longue carrière ?»… La réponse à ces questions était au centre de la conférence animée par la Professeure de l’Enseignement supérieur et ancienne Première Dame du Mali jeudi dernier (7 mars 2024) à l’Institut des hautes études en management (IHEM). Cette initiative visait avant tout à mettre en lumière (pour les étudiants) la bravoure de l’une des femmes battantes du Mali, une intellectuelle engagée qui n’a cessé d’œuvrer pour la cause de sa patrie et de l’Afrique.
Ce partage d’expérience visait aussi à davantage inspirer, encourager et inciter les étudiants à avoir confiance en eux-mêmes afin de surmonter tous les obstacles avec courage pour pouvoir être un jour l’une de ces personnes qui font la fierté du Mali dans le monde. En plus d’être une historienne chevronnée, qui n’a jamais cessé de partager ses découvertes et ses convictions, Mme Konaré est aussi l’une des meilleures mamans qui (dans ses ouvrages) n’a jamais hésité à coucher sur papier ses pensées sur plusieurs thématiques au profit de la jeunesse.
Lors de cette conférence, Mme Konaré a bien édifié les étudiants sur son parcours scolaire et universitaire hors norme. Elle s’est appesantie sur le genre d’enseignement néocolonialiste qu’on leur enseignait avant l’indépendance. A propos «des rois vaincus par les conquérants français comme Samory Touré, on nous enseignait que c’était des barbares sanguinaires, particulièrement assoiffés du sang de leurs sujets, et qui n’avaient dans leur cerveau creux que des dessins sordides dont celui d’asservir leur peuple… On nous enseigne que la France nous avait débarrassé de ces tyrans pour apporter la paix et la civilisation, que la France était une belle nation généreuse», a raconté l’historienne.
Elle a aussi profité de l’occasion pour exhorter les étudiants à être courageux et à s’adonner au dur labeur car, selon elle, chacune des personnalités que ces jeunes admirent est parvenue à ses fins uniquement par le travail. «Les difficultés de la recherche, elle ne manque pas. Toutefois, avant de les passer en revue, je voudrais énoncer une vérité première. Le préalable à toute action est de savoir pourquoi on décide de s’engager dans tel ou tel métier, pourquoi on décide de choisir tel métier et non tel autre en mesurant les risques et les difficultés. Dans tout ce qu’on veut accomplir, il faut de la persévérance, de l’acharnement, de l’amour du métier, de la confiance en soi… Il faut travailler et j’aime travailler. Je ne connais que le travail. Je n’ai d’autre passion que le travail», a confié Mme Konaré Adam Bâ.
Par la suite, la conférencière a bien assouvi la curiosité des étudiants pressés d’en savoir un peu plus sur sa carrière de Première Dame. «On s’attendait à me voir à la limite partagée le pouvoir avec mon mari, or on me l’avait rappelé souvent d’ailleurs, c’était lui qui avait été élu, pas moi. Une Première Dame n’existe dans aucune constitution du monde, elle s’octroie une place», a précisé Adam Bâ Konaré. «Comment donc s’octroyer une place dans la limite du défendable et du tolérable sans gêner mon époux, sans être en porte-à-faux avec les règles de la gestion républicaine, avec notre culture ?», s’est-elle interrogée. «Ça a été un dilemme qui a nourri ma réflexion d’intellectuelle et, au bout de cette réflexion, est venue à moi, l’idée de créer la Fondation Partage…», a-t-elle précisé.
Tout au long de la conférence, Mme Konaré a usé de son talent d’historienne pour détendre l’atmosphère afin de toujours bénéficier de l’attention de l’auditoire. «Durant cette conférence, nous avons appris beaucoup de choses sur le domaine de la recherche. Ça m’a permis de comprendre que c’était bien possible d’exceller dans ce domaine-là en étant au Mali et en étant une femme. L’initiative est à féliciter, ça donne envie d’exceller dans la méthodologie de la recherche», a fait savoir la représentante des étudiants, Tiedo Mohamed Maiga.
Historienne, scientifique et professeur titulaire d’un doctorat en histoire de l’université de Varsovie (Pologne), Mme Adam Bâ Konaré a enseigné à l’Ecole normale supérieure de Bamako (ENSUP) entre 1976 et 1992. Après la Fondation Partage portée sur les fonts baptismaux alors qu’elle était Première Dame, cette intellectuelle raffinée a aussi fondé «Muso Kunda» ou «Musée de la Femme» à Bamako. Elle avait émerveillé en septembre 2007 le monde par sa réaction au discours prononcé à Dakar (Sénégal) le 26 juillet de la même année par le président Nicolas Sarkozy. A cette occasion, elle avait surtout lancé un appel à ses collègues historiens africains, pour un travail commun sur la production d’un recueil de textes scientifiques historiques sur l’Afrique et l’histoire africaine. Cela a donné le recueil d’essais intitulé «Petit précis de remise à niveau sur l’histoire africaine à l’usage du président Sarkozy».
Sur la base de ses recherches et surtout de sa propre expérience d’ancienne Première Dame du Mali et grande militante du Mouvement démocratique malien et des Droits de l’Homme, Mme Adam Bâ Konaré a écrit plusieurs articles, préfaces et ouvrages portant sur les thèmes aussi variés que l’histoire, le pouvoir, la culture, les femmes…. On peut citer, entre autres, «Sonni Ali Ber» (1977) ; «Dictionnaire des femmes célèbres du Mali» (1993), «L’os de la parole» (2001), «Quand l’ail se frotte à l’encens» (2006)… Une bibliographie aussi riche que son parcours professionnel.
Sory Diakité