Droits de tirage spéciaux, développement, changement climatique : voici quelques rappels et définitions pour mieux comprendre les débats et les enjeux du sommet de Paris. « Pacte financier mondial », droits de tirage spéciaux, banques multilatérales, Sud global : les discussions qui se tiennent les 22 et 23 juin à Paris entre une centaine de pays, dont une cinquantaine est représentée par leur chef d’État ou de gouvernement, s’annoncent techniques et arides. Martin Kessler, directeur du think tank parisien Finance for Development Lab, décrypte pour Le Point Afrique les sujets qui seront débattus.
Tout a commencé au sortir de la Seconde Guerre mondiale, en juillet 1944, lorsque les représentants des pays alliés réunis lors d’une conférence monétaire organisée dans la petite ville de Bretton Woods, situé dans l’État du New Hampshire, aux États-Unis, décident de jeter les bases d’un financement mondial dont l’objectif est d’aider les pays les plus pauvres, moyennant emprunts. Trois institutions sont alors créées : l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui s’occupe de commerce, et deux institutions financières, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Et chacune à sa responsabilité. Le FMI est un peu « le pompier » qui vient prêter de l’argent quand les pays sont en crise ou ne peuvent plus emprunter. C’est ce qu’on appelle « un programme du FMI ». En échange, les pays s’engagent à mener des réformes structurelles, à réduire leurs déficits, et donc leur dette. De l’autre côté, il y a la Banque mondiale, dont le rôle est de faire des prêts de long terme pour le développement. Pendant très longtemps, ces prêts étaient liés à des projets d’infrastructures : routes, ponts, chemins de fer, énergie, etc. Dans les années 1990-2000, priorité a été donnée à l’éducation, à la santé, à la lutte contre la pauvreté. À partir des années 1960, les banques régionales, comme la Banque africaine de développement ou la Banque interaméricaine de développement, ont vu le jour, sur le modèle de ce que fait la Banque mondiale mais à une échelle régionale.
L’idée d’un nouveau pacte financier mondial n’est pas nouvelle, elle s’impose, aujourd’hui, en raison des multiples crises que le monde traverse, notamment le Covid-19, la guerre en Ukraine et, de manière beaucoup plus lente, la crise climatique. À l’aune de tous ces défis, beaucoup estiment que les institutions de « Bretton Woods » ne sont plus adaptées ou outillées pour apporter des réponses assez fortes, en particulier à la crise climatique. Parce que le climat demande beaucoup de moyens, c’est une crise qui touche à ce qu’on appelle les biens publics mondiaux, c’est-à-dire des éléments qui peuvent traverser les frontières.
Le changement climatique demande de changer de logiciel. Une autre raison est le fait que les pays vulnérables ont besoin d’aide immédiatement pour répondre à des crises majeures, il faut donc faire évoluer les conditions d’octroi des prêts.
Ces réflexions se font aussi dans un contexte particulier, où les États du Sud, notamment les pays africains, n’hésitent plus à hausser le ton contre les pays riches, qu’ils jugent prompts à verser des milliards de dollars à l’Ukraine mais pas toujours au rendez-vous de leurs engagements envers le continent. Je pense qu’on comprend tous la légitimité de débloquer beaucoup d’argent pour l’Ukraine, mais alors pourquoi pas pour les pays africains lorsqu’ils font face à une crise alimentaire ou climatique ? Le Sud global reste très hétérogène. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, nombre d’États de ces régions n’étaient pas encore décolonisés, de fait, ils ont été moins représentés au sein des instances internationales, comme la Banque mondiale ou le FMI. Ces deux institutions fonctionnent aussi par quotas, et donc la taille économique et le poids financier comptent énormément. Les pays du Sud ou en développement ont mécaniquement beaucoup moins voix au chapitre.
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