«J’ai regardé dans les yeux de M. Poutine et j’ai vu trois lettres – un K, un G et un B», avait déclaré le sénateur américain John McCain après sa rencontre avec le chef du Kremlin. Difficile donc d’être surpris par la nouvelle annoncée mercredi 23 août de la mort du patron de la milice Wagner, Evgueni Prigojine, deux mois jour pour jour après que sa marche sur Moscou a humilié Vladimir Poutine aux yeux du monde entier. Si un avion privé lié à Wagner s’est bien écrasé dans la région de Tver en Russie sans laisser de survivants, seuls des médias russes se sont empressés d’annoncer la mort accidentelle de Prigojine, dont le nom figurait sur la liste des passagers. On hésite à laisser l’adjectif sans guillemets, comme l’annonce de cette mort «accidentelle» était aussi prévisible que l’exécution par Michael Corleone d’un lieutenant infidèle dans le Parrain. Que de fonctionnaires trop honnêtes sont tombés d’une fenêtre ouverte, que d’enquêteurs trop indépendants ont bu un thé empoisonné…
Quatre heures auparavant, le Kremlin avait annoncé avoir démis de ses fonctions le général Sergeï Sourovikine, chef de l’armée de l’air et soutien de Prigojine. Est-il seulement vivant ? On ne l’a plus revu depuis la mutinerie de Wagner. Autrement dit, Poutine veut faire le ménage. C’est une logique de mafieux, mais qui est le président de la Fédération russe sinon le chef d’une mafia politique sanguinaire, qui tient sous sa coupe la Russie et son peuple ? L’ex-colonel du KGB ne pouvait supporter l’insolence de Prigojine, qui a construit lui aussi sa puissance en voyou. Michael Corleone aurait fait de même, sans doute, mais il avait au moins l’excuse de venger sa famille ; Poutine ne venge que la démonstration publique de son propre aveuglement.