A l’issue des débats, le jeudi 1er juin 2023, la preuve de l’objet de sa plainte contre Ousmane Sonko n’a pu être apportée par Adji Sarr. Mais puisqu’il fallait coûte que coûte faire condamner le célèbre opposant, la Justice politique sénégalaise a requalifié les faits pour lesquels il était censé comparaître. Ainsi les griefs de «viol et menaces de mort» sont subitement devenus «corruption de la jeunesse». Comme par enchantement !
Ainsi, au lieu d’être purement et simplement acquitté, le trublion écope de deux ans de prison ferme et du paiement d’amendes et de dédommagements pour avoir poussé à la «débauche» la plaignante. Une mascarade judiciaire lui imposant une inéligibilité par une peine infâmante, afin de l’éliminer de la course à la présidentielle de 2024, estiment de nombreux observateurs politiques. C’est le cas d’Aminata Touré, ancienne chef du gouvernement de Macky Sall qui estime que cette décision confirme la tentative du pouvoir d’éliminer Ousmane Sonko de la présidentielle. Pour l’ancienne proche du président sénégalais: « C’est un verdict surprenant. Puisque Ousmane Sonko était poursuivi pour viols et menaces de mort. Ces deux chefs d’inculpation n’ayant pas été retenus, l’on se serait attendu à une relaxe pure et simple ». Depuis février 2021, cette affaire de viols présumés défraie la chronique dans le Pays dit de la «Terranga». L’accusé Ousmane Sonko est engagé dans un combat sans fin pour sa survie judiciaire et politique, et contre Macky Sall. Une vingtaine de civils ont perdu la vie en 2021 dans des troubles. A l’annonce de sa condamnation, des troubles ont éclaté dans tout le pays et ont déjà fait 9 morts. Qu’en serait-il si les forces de l’ordre procédaient à son arrestation pour qu’il aille purger sa peine? Une chose est certaine : les autorités ont déployé depuis plusieurs jours l’armée à Dakar, la capitale sénégalaise. A Ziguinchor, capitale de la Casamance et province rebelle du Sénégal, dont l’opposant est le maire, sa résidence est encerclée par les forces de l’ordre, rendant impossible tout contact avec ses avocats et fans. Des troubles plus importants sont à craindre dans les jours à venir. Mais sont-ils évitables, alors que le condamné ne bénéficie plus d’appels dans cette affaire pour avoir été jugé par contumace ?
En acceptant d’admettre cette farce à laquelle il a contribué, le président Macky Sall est la seule et unique personne capable au Sénégal de sombrer dans le chaos. Constitutionnellement, il est non seulement le garant de la stabilité d’un pays dont il est, aussi et surtout, le Premier magistrat. Il peut donc se ressaisir en usant à bon escient de son pouvoir d’amnistier son challenger pour le ramener dans le starting block. Saura-t-il raison garder?
Gaoussou Madani Traoré