La vie est assimilée à un fleuve qui coule sans interruption. Les poètes, les philosophes, les scientifiques les plus éminents ont été émerveillés et attentifs à ce phénomène inhérent à la nature et à ses dérivés. Il provoque l’usure de toutes les créatures. Son noyau et moteur, son épicentre est le temps qu’aucune intelligence n’a cerné dans son entièreté. Si le temps déborde le cerveau humain et toutes les facultés de l’être le plus doué de l’univers, c’est à cause de son essence divine. Seul le silence permet de meubler notre ignorance du temps dont le moteur véritable est le Créateur lui-même. Dans les saintes écritures, le Quor’an, Allah jure par le temps.
Oui, il est à la fois un instant, une durée, une époque, un siècle, en somme un étalon pour mesurer l’évolution d’un organisme obéissant à des phases de croissance jusqu’à son dépérissement final. Oui, l’homme est un point minuscule de l’univers, un rose au faible, dira le poète, mais un point focal qui parachève la création divine. Il est le reflet de son époque.
L’homme est cette graine de beauté dont les actes signent le début de l’histoire universelle et de toutes les autres sciences (épistémologie). Cependant, l’histoire de l’homme mesurée à son espérance de vie est éphémère. La vraie histoire est celle de la somme de sanctions de tous les humains, vivants ou morts. Car, la vie et la mort se côtoient, se superposent et sont inséparables.
L’une ou l’autre peut faire la grandeur voire la décadence de l’être humain. Les plus grands hommes sont devenus très éminents après leur mort. Seuls les hommes médiocres ont une histoire qui s’éteint juste après leur enterrement. Les grands hommes pétris de valeurs univers elles scintillent durant toute l’existence à cause de leurs qualités inaltérables.
Ces hommes exceptionnels sont à la fois des prophètes, des inspirés, des ascétiques, des sages, des savants, des poètes, des artistes, des hommes d’État, etc. Ils n’ont nullement besoin de monuments érigés en leur nom pour être préservés de l’usure du temps, de la mort irréversible. Ils transcendent la moisissure, la rouille, bref la corruption. Ils sont éternels, préservés comme l’âme pure. Parmi ces êtres éternels, invincibles et immortels, figurent les martyrs, ceux qui versent leur sang pour défendre leur patrie. Ils peuvent être oubliés des citoyens amnésiques mais ils sont conservés comme des trésors immatériels dans le panthéon de la nation. Méditons-nous souvent sur le silence de ces vertueux martyrs qui sont les précurseurs de la souveraineté retrouvée, chantée comme une chanson populaire, un nouvel album d’un artiste à sa Gloire? Point besoin de stèles pour les héros morts pour la patrie, pas besoin de discours sporadiques à leurs noms. Ils sont vivants. Se souviennent d’eux leurs veuves, leurs orphelins, leurs frères d’armes et la nation vertueuse pour l’éternité. Alors modestes mortels que nous sommes, emploierons nous à méditer sur le silence de nos martyrs nous observant dans notre course effrénée aux plaisirs mondains. L’année 2023 comme les précédentes, est finie sur une routine, un rituel annuel, un anniversaire. Il est oublié le lendemain de tous les fêtards dénués de leurs pactoles.
Encore le 1er janvier est fêté puis oublié. Le 14 janvier est érigé en fête nationale en prélude au 20 janvier, fête de l’armée, couronnement de la souveraineté retrouvée. Et puis on a sauté des dates historiques qui constituent le point de départ de cette souveraineté nationale symbolisée par la conquête de Kidal et cette autre cité. Mais avons-nous Médité sur les évènements vécus les 17,18 au…. 24 janvier 2012 puis au 18 janvier 2017? Regardons douze (12) ans en arrière dans le rétroviseur du Mali. Oui, méditons, non pour rendre les citoyens tristes, mais les rappeler les œuvres des martyrs auxquels nous devons notre souveraineté nationale brandie avec fierté. Cette fierté sera belle en faisant référence à ces hommes exceptionnels tombés le 17 janvier 2012 sous les balles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) d’abord à Ménaka puis plus tard à Aguelhok. Cette date coïncide aussi avec la mort lointaine de Lumumba du Congo au début des années 60 sous les balles des parachutistes impérialistes.
Oui, le17 janvier constitue une date inoubliable au Mali qui marquera plus tard le déluge qui a emballé notre destin, notre rencontre avec les rebelles, les djihadistes, les terroristes, la France, Serval, Barkhane, Takouba, G5 Sahel, MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) bref le deuil, l’esclavage, l’humiliation, la déstabilisation. Le peu de bonheur acquis par la reconquête de Ber à Kidal nous fait oublier le martyr de onze (11) années de pénitence. Les fêtes de fin d’année et la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) en République de la Côte d’Ivoire (RCI), nous anesthésient d’avantage. Méditons-nous sur les douze (12) années de malheurs? En cette veille du 18 janvier, je pense surtout à deux (02) événements majeurs qui ont scellé notre destin commun.
En effet, le 18 janvier 2012 marque l’assaut contre le camp d’Aguelhok sous le commandement du capitaine Sékou Traoré dit ”BAD”. Son unité tombera sous les balles de l’ennemi le24 janvier, en dépit des troupes dépêchées de Tessalit et sur tout de Gao sous l’égide du Général A. Ould Meydou. Le soleil de ce 24 janvier2012, ”couleur rouge vermeil se coucha donc annonçant le crépuscule sanglant d’une génération de militaires émérites, dont la bravoure et celle de sa troupe entière, au-delà des vernis épiques qui rendent les tragédies plus supportables“, demeurent une vérité établie et non un mythe.
Hommage à cette troupe et à son commandant tombés en martyrs. Ils sont les vraies graines de la souveraineté qui n’ont cessé de fleurir pour donner des graines si belles et promues d’être encore plus belles dans l’avenir. Hommage à tous ces militaires tombés le 18 janvier 2017 suite à l’attentat du Mécanisme opérationnel de Coordination (MOC) à Gao. Que de morts! parmi lesquels mon ami le capital Chaka O. Hommage à ces soldats illustres rescapés mais aussi décédés faute d’une prise en charge adéquate notamment le lieutenant Niangala, l’ami de mon ami. Et encore cet autre Colonel Camara, Chirurgien abattu au quartier Château. La liste est longue et douloureuse à dérouler. Repos éternel à leurs âmes. Réconfort absolu à leurs familles éplorées et leurs parentés, à la Nation entière. Hommage à tous ces militaires mal habillés, équipés et nourris qui ont juré fidélité au Mali et ont gardé intact le souvenir de leurs frères d’armes tombés en mission.
Si janvier a été retenu comme le mois de la souveraineté non pas à cause de la seule rupture avec la France, mais aussi bien, parce qu’il résume bien le point de départ de toutes atrocités, l’aboutissement de tous les complots contre le Mali mais aussi la faillite de notre gouvernance, l’exhibition de nos discordes. Méditons sur toutes les émotions suscitées par ce mois et surtout ces pages sanglantes, pour qu’elles ne tombent pas dans l’oubli. Ayons une mémoire fidèle pour conserver notre histoire, nos peines et joies, afin de fortifier le caractère des générations futures.
Méditons sur le sacrifice de ces hommes, de ces habitants abandonnés aux violences du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), Ansar-Dîne à Gao, Ménaka, Tombouctou, Ansongo, etc. Nous devons nous rappeler la mémoire de nos morts civils et militaires. Ils sont les vrais artisans de notre souveraineté souhaitée, en construction. Nul besoin de les ériger des stèles, des monuments, bref des bois sacrés où les gouvernants viendront déposer des germes de fleurs, au rythme de la fanfare militaire. Célébrons leur sacrifice dans le cœur et gravons-le dans la mémoire collective comme du marbre.
À la veille du 20 janvier 2024, je formule les prières les plus pieuses à nos civils résistants et militaires morts au combat, formule les meilleurs vœux aux vivants. Je souhaite prompt rétablissement aux blessés et réconfort total aux familles de tous les citoyens civils et militaires engagés dans la défense du Mali. Nous ne cesserons de méditer sur le sacrifice de nos martyrs et de les préserver pour l’éternité dans nos cœurs et esprits. Qu’Allah bénisse le Mali et les Maliens.
Alhassane GAOUKOYE
Enseignant Chercheur à l’ULSHB