Kiev a entamé un effort « systématique » pour « faire renaître » ses relations avec l’Afrique, a déclaré à l’AFP le chef de la diplomatie ukrainienne, accusant Moscou d’utiliser « la coercition, la corruption et la peur » pour maintenir son influence sur ce continent.
« De nombreuses années ont été perdues, mais nous allons faire avancer une renaissance ukraino-africaine, faire renaître ces relations », a déclaré Dmytro Kouleba dans un entretien accordé mercredi à l’AFP. « Ce continent a besoin d’un travail systématique et de longue haleine ».
Depuis le début en 2022 de l’invasion russe de l’Ukraine, M. Kouleba a effectué trois tournées en Afrique pour tenter d’y obtenir des soutiens face à Moscou.
Une délégation de chefs d’Etats africains, menée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa, s’est par ailleurs rendue à Kiev en juin en proposant une médiation –rejetée par l’Ukraine– avant de se rendre à Moscou.
Si « la plupart des pays africains » affichent toujours leur « neutralité » face au conflit, « une lente érosion des positions russes en Afrique est en cours », a assuré le ministre en citant le Liberia, le Kenya, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Mozambique, le Rwanda et la Guinée équatoriale parmi les nouveaux partenaires de Kiev sur le continent.
« Je ne dis pas que nous avons chassé les Russes partout. Mais si la Russie avait auparavant l’initiative stratégique, nous avons maintenant imposé notre agenda, notre dynamique », a-t-il estimé. « Notre stratégie n’est pas de remplacer la Russie, mais de libérer l’Afrique de l’emprise russe ».
M. Kouleba a accusé le Kremlin d’utiliser « la coercition, la corruption et la peur » pour maintenir des pays africains dans son giron, tout en assurant que Moscou n’avait que « deux puissants outils de travail en Afrique: la propagande et (le groupe paramilitaire) Wagner ».
La Russie a entamé depuis plusieurs années un rapprochement avec l’Afrique, y compris via les services de sécurité fournis par Wagner, en se présentant comme un rempart contre l' »impérialisme » et le « néocolonialisme » occidental.
Le groupe Wagner s’est associé à des pays africains, dont le Mali et la République centrafricaine, où ils auraient commis de nombreux abus, selon des groupes de défense des droits et des gouvernements occidentaux.
M. Kouleba a par ailleurs qualifié de « mensonges » les inquiétudes exprimées par Moscou sur la sécurité alimentaire de l’Afrique, après son retrait d’un accord qui permettait d’exporter les céréales ukrainiennes par la mer Noire malgré l’invasion russe.
« Les Africains ont vu que toutes ces histoires de (Vladimir) Poutine sur la façon dont il se soucie des pays africains sont des mensonges », a lancé M. Kouleba. « Ce sont l’agriculteur ukrainien et le consommateur africain de pain qui paient (la décision de Moscou) le plus cher », a-t-il estimé.
La Russie a abandonné cet accord en juillet, faisant craindre une hausse des prix des céréales qui touche particulièrement les pays les plus pauvres. Le président russe a ensuite promis de livrer gratuitement des céréales à six pays africains.