Une attaque sans précédent. Dans la nuit de samedi à dimanche, l’Iran a lancé plus de 200 drones et missiles en réponse à une frappe contre son consulat à Damas, la première offensive directe jamais menée par la République islamique contre le territoire israélien. Une contre-attaque qui pourrait s’ériger comme une aubaine pour le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu qui va pouvoir axer sa communication sur un statut de victime et détourner les regards rivés sur Gaza, estiment plusieurs experts.
Alors que l’Iran et Israël avaient l’habitude de s’affronter par tiers interposés, comme le Hezbollah libanais, la République islamique a pour la première fois lancé une attaque directe, à coups de centaines de missiles et de drones, tirés depuis son territoire. Une attaque inédite en guise de représailles. Le 1er avril, une ligne avait déjà été franchie avec une frappe aérienne, attribuée à Israël, contre le consulat de l’ambassade d’Iran à Damas, en Syrie.
Dans la foulée de son attaque présentée comme “une riposte justifiée”, l‘Iran a appelé Israël à ne pas réagir militairement. “L’affaire peut être considérée comme close”, a annoncé la mission iranienne à l’ONU dans un message posté trois heures après le début de son opération. Mais, a-t-elle aussitôt prévenu, “si le régime israélien commettait une nouvelle erreur, la réponse de l’Iran serait considérablement plus sévère”.
Par la nature même de son attaque l’Iran avait déjà fait comprendre qu’il ne souhaitait pas d’escalade, avance David Criekemans, professeur de politique internationale à la VUB, dans les colonnes du Nieuwsblad. “C’est à peine si l’Iran a pris son téléphone pour prévenir Israël de l’imminence d’une attaque. Les dégâts ont été très limités. L’Iran n’avait pas l’intention d’en faire plus. Il voulait répondre, mais ne pas provoquer d’escalade”.
Netanyahu a beaucoup plus à gagner de la rhétorique d’une “attaque dramatique” que de passer à autre chose.
“99% des tirs ont été interceptés, selon Israël et peu de dégâts sont à déplorer. “Netanyahou pourrait s’en servir pour montrer à quel point Israël est intouchable et passer à autre chose. Mais personne ne pense que le premier ministre israélien va s’arrêter là. Il a beaucoup plus à gagner de la rhétorique d’une “attaque dramatique” que de la nuance d’une “contre-attaque proportionnée et inoffensive””, poursuit David Criekemans.
Un avis partagé par le politologue français Gilles Kepel. “D’une certaine façon, l’Iran a permis à Benjamin Netanyahu d’apparaître comme le chef d’État d’un pays victime, alors qu’il apparaissait de plus en plus dans l’opinion mondiale comme un chef d’État qui organisait l’hécatombe des Palestiniens à Gaza.””, avance le spécialiste du Moyen-Orient et de l’islam contemporain sur le plateau de CNews.
“Au frigo”
“L’attaque est un cadeau pour lui”, embraie Willem Staes, expert du Moyen-Orient chez 11.11.11, également interrogé par Het Nieuwblad. “Israël était récemment de plus en plus isolé au niveau international en raison de ses actions à Gaza. Aux États-Unis, la porte était même entrouverte pour suspendre les livraisons d’armes à Israël. Tout cela va maintenant être mis au frigo” commente-t-il assurant que la situation lui permet d’endosser un rôle de victime.
L’Iran a d’une certaine façon permis à Israël de détourner l’attention de Gaza, analysent plusieurs spécialistes des questions internationales dont Willem Staes, expert du Moyen-Orient au 11.11.11. “L’Iran est tombé dans le piège”, assure-t-il dans Het Nieuwsblad.
“Netanyahu, vainqueur de l’attaque iranienne?”, s’interroge également la Tribune de Genève dans un édito. “C’est lui, Benjamin Netanyahu, qui décidera de l’ampleur de la riposte, et donc du déclenchement ou non d’un cycle mortifère de représailles. S’il évite le piège de représailles trop brutales, il retrouvera l’appui dont il avait besoin auprès de ceux, à commencer par Joe Biden, qui le critiquaient toujours plus vertement. Auquel cas le gagnant de l’attaque iranienne, ce sera lui.”
Rapidement après l’attaque, Joe Biden a assuré que les forces américaines avaient contribué à abattre “presque tous” les drones et missiles tirés par l’Iran sur Israël et a réaffirmé son soutien “inébranlable” au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Les États-Unis ont toutefois prévenu qu’ils ne participeraient pas à une éventuelle riposte israélienne contre l’Iran.