Les relations entre la Minusma (la mission de l’Onu pour la stabilisation du Mali) et la junte militaire à la tête du pays ont toujours été tendues. Une vidéo devenue virale sur internet, qui montre un officier sénégalais basé à Sévaré reprochant aux militaires maliens « de créer des difficultés » aux Casques bleus, n’a pas arrangé les choses. La Minusma a d’ailleurs pris ses distances et « se dissocie », sur Twitter, des déclarations de l’officier en question.
Quoiqu’il en soit, le départ des Casques bleus du Mali est acté, il doit se faire progressivement d’ici la fin de l’année. La Minusma a présenté en début de semaine son plan de retrait au ministre des Affaires étrangères du Mali.
Mais ce retrait risque d’avoir des conséquences sociales dans le pays car la mission des Casques bleus au Mali n’avait pas seulement un caractère militaire.
Quel plan des autorités pour le Nord?
Certes, il y a un risque de » vide sécuritaire » dans les zones où était déployée la Minusma. Les autorités de la transition n’ont pas encore précisé avec quel dispositif elles comptaient occuper ces lieux pour empêcher les groupes djihadistes de lancer de nouvelles offensives.
Mais en réalité, les activités de la mission onusienne sont subdivisées en quinze domaines, tels que la « lutte antimines », la division « droits de l’Homme » (qui mène des enquêtes), celle de la « protection de l’enfance » ou encore « culture et environnement ». Et chacune de ces divisions finance des projets dont la population est bénéficiaire.
Des activités civiles aussi
La Minusma emploie 1.792 civils. Parmi eux se trouvent 859 Maliens : des traducteurs, des chauffeurs, par exemple, et le sociologue Mohamed Amara, enseignant à l’université de Bamako, s’interroge sur l’avenir de ces civils après le retrait des Casques bleus.
« Que deviendront-ils? », se demande Mohamed Amara qui poursuit : « Aujourd’hui, il n’existe ni plan d’insertion ni de reclassement pour que ces Maliens qui ont construit, qui ont mis en place des projets parce qu’ils avaient des salaires, ne deviennent pas des laissés pour compte. Que ce soit la jeunesse à Kidal, Gao, Mopti, Bamako, à Douentza, Goundam ou Kidal… une partie de la jeunesse malienne a été fixée par la Minusma. Et cela peut avoir un impact sur la crise migratoire dont de nombreux pays – et pas seulement le Mali – souffrent. »
Des milliers de bénéficiaires
D’autant que les employés de la Minusma touchent des salaires supérieurs à la moyenne de leurs concitoyens. La perte de leurs revenus risquent donc d’impacter des milliers de personnes qui dépendent d’eux.
Ce que résume ainsi Mohamed Amara : « L’argent circulait, les gens travaillaient, avaient des salaires, les enfants allaient à l’école là où c’était possible. Tout le monde pouvait subvenir à ses besoins d’une façon ou d’une autre grâce à cette manne financière que la Minusma mettait sur le marché économique. »
Il y a également les bénéficiaires directs des projets de développement, dans l’hydraulique par exemple, ou des groupements de femmes, soutenus par la mission onusienne, qui risquent de ne pas pouvoir continuer leurs activités. Ou encore les commerçants, par exemple, qui ont aussi profité économiquement de la présence des Nations unies.
Un poids supplémentaire sur les autorités de la transition
Il leur faudra combler au plus vite le vide économique et social laissé par la Minusma. Sinon, de nombreux observateurs craignent, en plus d’une nouvelle dégradation sécuritaire, une paupérisation des Maliens, ce qui risquerait d’alimenter les rangs des groupes djihadistes ou criminels.
Car, comme le déclarait à notre micro un interlocuteur installé à Bamako sous couvert d’anonymat : « dans le nord du pays, la Minusma est souvent le plus gros employeur. Et à part elle, il n’y a pas tellement d’autres débouchés que les réseaux criminels, les réseaux de passeurs ou les groupes djihadistes » qui recrutent « non pas parmi les croyants convaincus mais surtout parmi les pauvres ». Ceux qui n’ont plus rien à perdre.